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4,3

sur 735 notes
Située dans la partie orientale de l'île d'Hispaniola découverte par Christophe Colomb en 1492, la République Dominicaine s'est trouvée de 1930 à 1961 sous le pouvoir sans partage de Rafael Leónidas Trujillo, un des pires dictateurs qu'ait connu le continent américain.

« La fête au Bouc », écrit en 2000 par Mario Vargas Llosa, retrace le parcours de ce sinistre personnage caribéen aux yeux hypnotiseurs et à la voix de fausset.

L'écrivain péruvien a construit son roman avec intelligence. Il n'est pas tombé dans le piège d'une chronologie lassante de faits d'armes et d'exactions commis par ce dictateur à la longévité impressionnante. Il a choisi au contraire de bâtir trois romans en un et de mettre en exergue, de façon alternée, les faits et gestes de différents protagonistes :

• Trujillo, le Généralissime, le Chef Suprême, le Bienfaiteur et Père de la Nouvelle Patrie depuis trois décennies, contrôle difficilement à soixante-neuf ans un pays au bord de la faillite et une vessie victime d'une récente déficience prostatique.
Cet homme sans scrupule, toujours tiré à quatre épingles, adore faire douter son entourage tel le sinistre Colonel Johnny Abbes Garcia le chef du Service de l'Intelligence Militaire et l'exécuteur des basses oeuvres, ou bien le servile constitutionnaliste et conseiller financier Henry Chirinos un magouilleur de première, ou encore le Président fantoche Joaquín Balaguer poète à ses heures.

• Quatre conjurés attendent fébrilement, dans une voiture à l'arrêt, le passage de la Chevrolet de Trujillo. Ils ont fait le serment d'abattre celui qui depuis longtemps est la cause de leurs malheurs. Chacun de ces hommes a sa propre histoire mais une même haine les rassemble, l'heure de la vengeance a sonné.

• Urania est une belle femme de 49 ans. Cette brillante avocate d'affaires de Manhattan revient en 1996 à Saint-Domingue après 35 ans d'un exil apparemment volontaire.
Son père, Augustín Cabral, a été longtemps un des hauts dignitaires du régime Trujillo avant d'être brutalement suspendu de ses fonctions. Depuis dix ans le vieil homme est cloué dans un fauteuil suite à une rupture d'anévrisme mais la rancune d'Urania à son égard ne s'est pas apaisée.

Mario Vargas Llosa à travers le parcours de vie de ces différents acteurs, entraîne le lecteur au coeur d'un système totalitaire ou le sort d'un opposant dépend souvent du bon vouloir du Chef ou de l'humeur d'un de ses sbires. Enlèvements, tortures, assassinats sont le lot commun des malheureux qui se retrouvent, pour un oui ou pour un non, dans le collimateur du pouvoir.
La République Dominicaine baignée de soleil, bercée par les merengues, est devenue pour beaucoup l'enfer sur terre.

Avec brio, le romancier se glisse dans l'intimité des protagonistes et accentue par là même la crédibilité et l'horreur de certaines situations. Vargas Llosa s'est documenté abondamment pour introduire ici et là des centaines de personnages secondaires. le souci du détail donne une véracité supplémentaire au roman sans jamais nuire à sa fluidité.

« La fête au Bouc » est une oeuvre majeure, une immersion au coeur d'un système politique nauséeux, un roman que l'on n'oublie pas de sitôt.
Le jury du Nobel de littérature l'avait très certainement à l'esprit en 2010 lorsqu'il décerna à Mario Vargas Llosa la distinction suprême.


P.-S. : le merengue est un genre musical et une danse née en République dominicaine vers 1850 et aujourd'hui interprété également par des artistes portoricains (source Wikipédia).
Pour une première découverte du merengue, je vous recommande le CD "Suavemente" d'Elvis Crespo ; bonne humeur garantie !
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Mario Vargas Llosa est un auteur que j'apprécie davantage à chaque roman. Je n'en ai pas lu beaucoup de lui mais mais il réussit toujours à m'intéresser, avec des histoires très différentes les unes des autres et un style personnel. C'est son nom sur la couverture de La fête au Bouc qui m'a poussé à le choisir. le résumé à l'endos m'a confirmé mon choix : Saint-Domingue, la dictature de Rafael Trujillo (que je connais très peu).

Le roman s'ouvre avec Urania Cabral qui revient dans son Saint-Domingue natal après plusieurs années d'absence. Elle cherche ses repères d'antan, avec un souvenir à chaque coin de rue, à chaque bâtiment. Surtout, elle se rappelle, se pose des questions sur le passé qu'elle tente de comprendre. Elle rend visite à son père mourant, un homme autrefois important sous la dictature de Trujillo. J'aime beaucoup ces romans où des personnages jètent un regard nostalgique sur une époque révolue, même quand cette dernière fut sombre.

Mais le chapitre suivant nous ramène en arrière, alors que Rafael Trujillo contrôlait encore d'une main de fer sa petite île des Antilles. Un agent américain intrigue. Puis, l'autre chapitre après, quatre conjurés organisent l'assassinat du dictateur. Les chapitres vont et vient entre tous ces personnages, faisant promener le lecteur entre le présent et le passé. Les premières fois, c'était un peu mélangeant, surtout que les personnages n'étaient pas les mêmes. Mais on s'y habitue plutôt facilement après un certain moment.

Quelques rares chapitres mettaient en scène directement Trujillo lui-même. Je trouvais le dictateur un peu distant, même quand la narration nous projetait dans sa tête, dans ses pensées. J'aime croire que c'était volontaire de la part de l'auteur, que Mario Vargas Llosa ne voulait pas créer un lien qui pourrait faire en sorte qu'on soit interpellé par le tyran, qu'on puisse le prendre en pitié.

La fête au Bouc est un roman certes instructif. La rigueur historique que s'est imposée Vargas Llosa l'a amené à être très précis, à nommer toutes les personnes impliquées dans le complot, et beaucoup des autres participants au gouvernement de Saint-Domingue, tant avant qu'après son assassinat. Par moment, c'était mélangeant mais on s'y fait rapidement. de plus, ça met en lumière les mécanismes de la corruption qui affligeaient ce petit pays, beaucoup y gagnaient au change à se soumettre au Bouc, Trujillo, ce démon fornicateur, allant jusqu'à lui envoyer leurs jeunes filles, soeurs et mêmes épouses…

Je crois que j'aurais préféré que l'histoire se concentre sur Urania Cabral et que l'intrigue se déroule via ses souvenirs et ce qu'elle aurait pu reconstituer grâce son père mais tant pis. C'est l'histoire qu'a voulu raconter Mario Vargas Llosa. Il est certain que la présenter de façon non-linéaire et à travers la narration des différentes personnes impliquées ajoutait du suspense (le roman prenait parfois des accents de thriller !) et de l'intérêt.

La fête au Bouc est un roman magistral. Ne vous laissez pas décourager par l'épaisseur du bouquin.
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République dominicaine, un roman historique sur la fin du régime de Trujillo, affectueusement nommé le Bouc.

Après avoir lu « Les déracinés », j'ai voulu en savoir plus sur la République Dominicaine. J'ai été bien servie par ce magnifique roman qui présente principalement trois points de vue :

-Celui d'une femme qui revient au pays qu'elle a quitté depuis trente-cinq ans. Elle ira voir son père qu'elle n'a jamais revu et on apprendra peu à peu le drame qui a changé sa vie.

- Celui du Généralissime et Bienfaiteur, le mégalomane qui baptise la capitale de son propre nom et qui sème des statues de lui partout dans le pays. Mais aussi un pitoyable septuagénaire qui a des problèmes de prostate et d'incontinence…

- Celui du groupe des conjurés qui planifient l'assassinat de Trujillo, les motivations de chacun, le déroulement des événements, la fuite et le calvaire de l'emprisonnement.

Une lecture éprouvante, car on ne peut pas évoquer l'horreur des tortures, les exécutions et les viols sans ressentir de l'empathie pour les victimes.

Une réflexion sur l'Histoire aussi, sur ces hommes exceptionnels, travailleurs acharnés, qui amènent une prospérité économique, mais qui deviennent des monstres sanguinaires et des tyrans qui détruisent leur propre pays…

Un excellent roman qui montre à la fois les tourments individuels et les problèmes de la société.
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Le Bouc, c'est Rafael Leónidas Trujillo, maître tout-puissant de la République Dominicaine de 1930 à 1961. Un bail au cours duquel il aura mis l'économie du pays en coupes réglées au profit des siens. Sa dictature s'appuie sur un incroyable culte de la personnalité. La capitale, Saint-Domingue, est rebaptisée Ciudad Trujillo. Lui-même est le Généralissime, le Bienfaiteur, le Père de la Patrie, ou tout simplement pour son entourage, « le Chef ». Il n'admet pas la moindre contestation et n'hésitera jamais à utiliser l'armée, la police et les services secrets pour éliminer ceux qui pourraient se mettre en travers de ses projets ou de ses intérêts. La responsabilité de Trujillo sera ainsi engagée dans l'enlèvement, la mort, la torture ou la disparition de plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Le Bouc !... Pourquoi cette référence à un animal qui symbolise le satanisme et la fornication ?

C'est à Urania qu'il faut poser la question !... Elle revient pour la première fois à Saint-Domingue trente-cinq ans après avoir quitté précipitamment le pays à l'âge de quatorze ans, quelques jours avant la fin de l'ère Trujillo. Elle a un compte à régler avec son père – un ancien ministre proche du « Chef » – aujourd'hui âgé, impotent et dans la misère. Après quelques pages, pas nécessaire d'être grand clerc pour imaginer ce qui s'était passé. le dernier chapitre en révèlera les détails, à en avoir la nausée...

Urania n'est pas le personnage principal du livre ; elle en est l'unique personnage fictif. Tous les autres ont réellement existé. A travers eux, Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature, raconte par le menu les derniers jours du régime trujilliste. Autour des faits historiques minutieusement reconstitués, il s'introduit dans la mémoire et la conscience de chacun des protagonistes, remémore leur parcours, imagine leurs réflexions, leurs états d'âme, leurs inquiétudes... retrace leur destinée... Plusieurs récits s'entremêlent ainsi, dans des chronologies indépendantes. Il arrive aussi à l'auteur de raconter plusieurs fois un même événement, vu sous des angles différents.

Au commencement est le Chef, son Excellence Rafael Trujillo ! Une prestance imposante, un regard que personne ne peut soutenir, une voix étonnamment aiguë. A soixante-dix ans, l'esprit clair et lucide, à peine perturbé par sa paranoïa et ses obsessions de performance sexuelle, Trujillo maîtrise parfaitement l'exercice du pouvoir et son emprise sur ceux qui l'entourent. Il les fascine, les tétanise et les manipule comme des marionnettes, en jouant habilement de leurs faiblesses. S'il l'estime nécessaire, il condamne... Définitivement, sans hésitation ni remords. Droits de l'homme ? Connaît pas...

Ils ont beau être ministres, généraux ou conseillers spéciaux, tous perdent leurs moyens en présence du Chef. Ils dégoulinent – de sueur, oui, parce qu'il fait chaud ! – mais surtout de trouille, de lâcheté et de flagornerie. N'empêche que, dans leurs fonctions, ils se montrent efficaces, cruels et sans scrupules. Trujillo est un meneur d'hommes ; il sait déceler et rallier à lui les talents qui peuvent le servir !

D'autres luttent. Un soir, au crépuscule, quatre hommes armés sont assis dans une puissante voiture arrêtée tous feux éteints au bord de la route. Ils guettent le passage de la Chevrolet Bel-Air conduisant le Chef à l'un de ses habituels rendez-vous galants. L'attente est interminable. le doute s'installe. Viendra-t il ? N'ont-ils pas été dénoncés ? Chacun vit à sa manière cet instant que tous espèrent historique. Vont-ils enfin mettre fin à un régime qu'ils exècrent ?... Et s'ils échouent, quelles conséquences pour eux et leurs familles ?...

Il faut dire que lorsqu'on tombe aux mains du redouté SIM (Service d'Intelligence Militaire), les tortures et les supplices peuvent être abominables. Je n'ai pas aimé les pages qui s'étendent longuement sur des scènes barbares atroces. Quelle est leur justification ? Tendance de l'auteur au sadisme ou exigence marketing de l'éditeur ?

Quelques passages longs et ennuyeux. Je me suis parfois perdu dans les parcours des protagonistes et leurs rapports avec leurs proches. Que de monde ! Ne pas hésiter à tourner les pages rapidement, sans perdre de temps sur des détails anecdotiques n'ayant pas beaucoup d'intérêt vus d'où nous sommes, si loin dans l'espace et dans le temps.

Mais globalement, La fête au Bouc, dont la première publication date de 2000, est un roman historique qui se lit comme un bon thriller.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Quatre hommes vont mettre fin à trois décennies de dictature du Généralissime de la République Dominicaine. Trente-cinq ans après une femme est venue d'Amérique pour demander des comptes à Augustín Cabral, son père devenu grabataire, un ancien collaborateur déchu du Chef Suprême.

Malgré son déclin physique, celui qui va tomber sous les balles de ses anciennes victimes, Rafael Leónidas Trujillo, tient encore son entourage et le pays. Un pays, dont il possède avec sa famille une grande partie des richesses, un pays qui vit toujours dans la peur des arrestations arbitraires, de la torture et des exécutions sommaires. A l'heure de sa mort, celui qui a volé l'enfance de la fille d'Augustin Cabral, n'a pas peur. Il est persuadé qu'il a fait la grandeur de Saint-Domingue.

La Fête au Bouc ou le portrait d'une dictature peint magistralement par Mario Vargas Llosa.

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A lire un roman historique traitant d'une dictature, il faut s'attendre à y trouver son lot d'atrocités. La fête au bouc ne dément pas le pressentiment. C'est une caractéristique de ce mode de gouvernement. Il en est une autre également que celle du culte de la personnalité. La capitale dominicaine portera le nom de son homme fort pendant les décennies de sa mainmise sur le pays : Ciudad Trurillo. À la République dominicaine ne siéra jamais aussi peu ce statut que sous la férule du tyran.

Cet ouvrage paru en 2000 est un parmi les écrits qui valurent à Mario Vargas Llosa la consécration du Nobel de littérature dix ans plus tard. Avec pareille oeuvre on a toujours la crainte de ne pas être à la hauteur de ce qu'on lit. Pourtant dans le cas présent l'exercice dément l'inquiétude. A croire que le fait de savoir se mettre au niveau de tous ceux qui porteront les yeux sur ses lignes est un critère qui a compté pour attribuer le satisfecit suprême à l'auteur populaire, devenu pour le coup prestigieux. Je me fais le devoir quant à moi de confirmer le plaisir de lecture que m'a procuré cet ouvrage avec un autre de sa main. J'attends avec impatience le conseil avisé des adeptes de Babelio pour orienter mon choix vers le prochain livre de cet auteur sur lequel il ne faut pas faire l'impasse.

Tout dans cet ouvrage est à mes yeux de la plus belle facture. Une construction savante tout d'abord, propre a entretenir l'attention au gré des péripéties et rebondissements. le lecteur averti sur cette époque difficile de la République dominicaine, communément labellisée Ère Trujillo, saura d'emblée que celui qui s'auto gratifiait du statut de Bienfaiteur du pays a été abattu en mai 1961. Tout est affaire de contexte et d'opportunité, les exécuteurs furent d'abord qualifiés de terroristes, de justiciers par la suite.

Belle facture aussi que celle d'une écriture accessible, sans fioriture, terriblement efficace, au vocabulaire parfois cru, quand il s'imposait pour traduire le mépris qu'avaient les tenants du pouvoir envers leurs détracteurs aussi bien qu'envers celles dont ils volaient l'innocence, parfois la puberté à peine venue.

Belle facture enfin que l'intrigue principale incorporée aux péripéties cauchemardesques d'un régime perverti. Quelle raison ramène cette avocate, newyorkaise d'adoption, en son pays natal après tant d'années de silence ? Sa motivation sera distillée dans l'enchevêtrement des pages sombres d'un quotidien fait de servilité, de peur, d'appropriation et tant d'autres travers propres à ce genre de gouvernement, lequel se flatte d'oeuvrer pour le bien du peuple et de la nation, confondant servir et sévir.

Dans pareil contexte, l'ouvrage de Mario Vargas Llosa comporte les inévitables et insoutenables séances de tortures et assassinats auxquelles furent soumis certains opposants au régime. Les omettre eut été volonté d'occulter la réalité. Un dictateur cherchant toujours quelque part une forme de légitimité du statut qu'il s'est octroyé par la force, Trujillo n'a pas échappé à la règle. Lui qui se vantait de ne rien lire, se goinfrait des flatteries des marionnettes qu'il plaçait aux postes clés du pouvoir jusqu'à s'entendre dire par le président fantoche qu'il manipulait comme les autres qu'il était "pour ce pays l'instrument de l'Être suprême."

La fête au bouc est un ouvrage remarquable. Équilibré, sans longueur superflue, fondé sur un subtil dosage des sentiments n'aspirant ni au voyeurisme ni à la commisération. Il entretient son lecteur dans un crescendo de l'attention que seule la dernière phrase libère, pour verser celui-ci dans le contentement d'avoir lu un excellent ouvrage. Convaincu que la fiction est encore en dessous de la réalité.
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Critique féroce du totalitarisme, ce roman historique quasi torrentiel, véritable thriller politique, narre la fin d'une époque incarnée par un dictateur tyrannisant trois millions d'individus : l'implacable Trujillo, surnommé el Chivo, et son idéologie absolutiste, et Balaguer son fidèle sbire. Tandis que ce régime politique avance en marchant sur les cadavres, plusieurs intrigues s'entrecroisent et s'imbriquent à la perfection, superposant histoire et fiction : dans ce va et vient, le lecteur passe de l'intérieur et à l'extérieur de chacun des personnages et des situations, avec pour toile de fond une danse politique et sociale macabre et carnavalesque.
Si la réalité dans ce roman dépasse la fiction littéraire, cette dernière endosse ici le rôle de restauratrice de la mémoire (individuelle, collective et historique) proposant de répondre à la question sartrienne : que peut la littérature ? Sous le masque de la fiction, la littérature de Vargas Llosa fait émerger la vérité, posant la question de la docilité et de l'obéissance d'élites au service des caprices d'un tyran persuadé d'être la continuité de dieu, le pourquoi d'un règne aussi socialement violent et la question de la passivité d'une nation face à l'abolition des libertés les plus fondamentales.
Un livre exceptionnel sur la corruption, la violence et la folie de toute forme d'absolutisme politique et sur le rôle de la littérature.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Mario Vargas Llosa est un grand écrivain, auteur de peu de grands livres. Sans doute que celui-ci, immense, avait rappelé aux jurés du Nobel qu'il mangeait autrefois à la table des plus grands, dont son ami / ennemi Gabriel Garcia Marquez.

Sans les honneurs et cette Fête au Bouc, on ne se souviendrait de ses dernières décennies que des turpitudes péruviennes, du peu d'honneur à figurer dans les Panama et Pandora papers, du ridicule de l'Académie française qui vient de l'accueillir sans qu'il ait jamais écrit en français, et de déclarations toujours plus à droite, économiquement et politiquement, incompréhensibles pour les lecteurs, par exemple, de la Guerre de la fin du monde, roman qui l'avait consacré dans le grand public, le dernier d'importance avant ce grand et ultime (à ce jour) retour avec La fête au Bouc.

Le Bouc, c'est Rafael Trujillo, maître de Saint-Domingue, satrape ubuesque, maître "étalon" puisqu'il exerce un droit de cuissage sur toutes les femmes, non seulement pour son plaisir, mais pour asseoir sa domination sur l'auto humiliation de ses servants qui s'offrent à porter les cornes.
Mario Vargas Llosa dresse le tableau d'une impitoyable tyrannie, ubuesque, ogresque, qui est une apogée du patriarcat et donne à ce titre au récit une dimension quasi mythologique.

Fidèle à sa méthode, au "bouillonnement romanesque" dont on le crédite, Mario Vargas Llosa orchestre ce cauchemar à trois voix, dont celle de conjurés, révoltés autant contre la dictature que contre ce qu'elle fait d'eux depuis toujours et chaque jour, les privant de leur dignité, de leur humanité.

Un grand roman sur le pouvoir, la compromission, l'héroïsme, le sacrifice... et parfois le non-sens, de vivre mais aussi de mourir. A ranger sur la même étagère que les meilleurs de MVL : La ville est les chiens, La maison verte (chef d'oeuvre mais difficile), Conversation à la cathédrale, et sur un tout autre registre Tante Julia et le scribouillard.

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La Fête au Bouc nous retrace les contours du pouvoir dictatorial de Rafael Leonidas Trujillo qui, en trente années de règne a su s'imposer d'une manière ou d'une autre dans une république dominicaine en proie à la terreur. Mario Vargas Llosa nous construit un roman d'une verve stupéfiante et d'une profondeur inouïe, dévoile les rouages d'un pouvoir qui divise le peuple, s'il y a d'un côté le monde de ceux qui n'ont qu'une seule devise, se préoccuper de leur survie, autrement dit, de cette survie qui ne peut être préserver qu' à partir d'une soumission ou d'une vénération de Trujillo. Et de l'autre côté, il y a le monde de ceux qui n'ont qu'une seule obsession, envisager la chute de ce régime totalitaire...pourquoi pas l'assassinat de ce dictateur corrosif privant toute bonne âme du bon sens...
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Le Bouc, c'est Rafael Leonidas Trujillo, l'autoproclamé Bienfaiteur de la Patrie en République Dominicaine depuis qu'il a pris le pouvoir en 1930. La fête au Bouc c'est le jour de l'attentat que quatre opposants au régime, ce 30 mai 1961 organisent pour se débarrasser du dictateur. Mario Vargas LLosa dans ce roman retrace l'histoire de cette dictature au travers de trois récits qu'il enchevêtre avec intelligence. C'est Urania Cabral qui ouvre le bal, la cinquantaine et fille d'Agustin Cabral, président du Sénat que Trujillo a destitué et par son parcours c'est le sort des femmes sous ce régime qui est abordé. L'on suit également la dernière journée du dictateur, celle où il se prépare à rejoindre une maîtresse et doit s'y rendre sans son équipe de sécurité et enfin la troisième période suit les quatre opposants, leurs souvenirs et les raisons qui vont les pousser à assassiner Trujillo.

C'est un récit très fouillé presque chronométré que propose Vargas LLosa, avec énormément de personnages et la lecture, du moins dans son commencement, est assez déstabilisante mais peu à peu et avec talent les différents récits s'enchevêtrent pour dessiner une période et un régime glaçants, où par la terreur, la torture, la corruption, le clientélisme et les assassinats d'opposants Trujillo et sa famille vont régner en maîtres pendant trente ans, s'appropriant les richesses, gouvernant réellement avec un président - Balaguer - qui reste un fantoche mais qui tirera son épingle du jeu.
Un récit un peu long mais édifiant sur une dictature et un complot qui n'a pas complètement réussi mais à permis tout de même à éliminer d'abord l'homme et permettre une évolution lente vers un régime plus respectueux des libertés.
Un roman touffu, hyper documenté, édifiant.
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