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EAN : 9782916488639
332 pages
Editions La Louve (01/05/2013)
5/5   2 notes
Résumé :
Il en est de l’ouvrage de Jacob comme des cabinets de curiosités : ils sont en soi un plaisir et l’on aime à s’y perdre. Comme un entomologiste des textes anciens, notre compilateur, conservateur à la bibliothèque de l’Arsenal dans la seconde moitié du XIXème siècle, les exhume puis les classe pour notre plus grand bonheur dans les catégories de l’étrangeté, selon les critères d’une époque en pleine transition : diable, possession, vampires, lutins, spectres, grande... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Tout d'abord, une mention spéciale à l'Éditeur qui ne laisse pas les américains faire ce travail de recherches de vieux textes afin de les publier. Vous souriez ? Il y a beaucoup d'ouvrages sur un site marchand bien connu et j'ai moi-même, faute de mieux, dû avoir recours à cette parade afin de me procurer des livres qui n'étaient plus édités en France. Quelle misère !

Le titre (originel) est particulièrement bien trouvé. En effet, clin d'oeil aux fameux cabinets de curiosités dans lesquels on pouvait tout aussi bien trouver des spécimens que des croyances populaires (comme du sang séché de dragon !), dans lesquels, surtout, le visiteur était avide de découvertes, ce titre - disais-je - enchante déjà les neurones et attise - pour ne pas dire excite (si ? Bon d'accord, alors je le dis !) - la curiosité. Et le sous-titre, Diables, sorciers, fées, elfes, lutins, possédés, vampires, spectres, loups-garous, etc., ne fait que renforcer ce désir.

Les huit chapitres composant cet ouvrage sont axés autour de légendes, d'histoires populaires qu'avaient réunies P.L Jacob (de son vrai nom Paul Lacroix) au XIXe siècle. On se plonge avec intérêt dans ces différents récits, anecdotes des siècles passés. D'ailleurs, cela m'a fait penser à Anatole le Braz et sa compilation de témoignages concernant la légende de la mort. Tout comme les miracles au Moyen Âge (et je ne citerai personne !), ce folklore avait un sens : établir une certaine moralité, mettre des images sur le bien et le mal. Et si cela peut peut amuser le lecteur moderne (entendez par là, de notre époque), il ne faut pas oublier que nos ancêtres tentaient avec leurs moyens de répondre à des interrogations. Alors, évidemment, là, on est au XIXe siècle, la science avait fait de grands pas. Cependant, est-ce suffisant pour éviter les croyances ?

Le travail de Stéphane Vautier est considérable. En effet, il a modernisé ce qu'il appelle l'ancien français (bien que je ne sois pas d'accord avec cette appellation réservée à la langue médiévale mais il précise que les textes sont d'époque radicalement différentes, donc j'imagine qu'il généralise pour ne pas avoir à énumérer...) pour que ce soit plus compréhensible et accessible. Les notes, les explications sont précieuses également, rendant le texte plus agréable à lire. Enfin, les photos de Jean-Louis Marteil en font un bel ouvrage, complet, qui, j'en suis certaine, ravirait P.L Jacob s'il pouvait le voir.

Je vous conseille vivement ce livre. Prévoyez quand même d'être libre pendant quelques heures car une fois le nez dedans, vous n'en sortirez plus !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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La première partie de cet ouvrage porte sur le diable. « L'on mesure alors combien l'utilisation de cette figure du mal absolu se fait souvent dans un but politique et moral. […] Les anecdotes ont parfois être issues de récits populaires, leur signification est la plupart du temps porteuse d'une dimension moralisatrice pour discréditer un adversaire, comme ce fut le cas pour Luther de la part de certains catholiques. » (p.22) Il est fascinant de constater comment l'existence du diable est devenue aussi communément admise que celle de Dieu et comment le pandémonium s'est heurté à une cohorte de saints. Avec la création de cette figure du mal absolu, l'Église a rendu le combat plus juste puisque le bien suprême affrontait donc une unique figure maléfique et non des légions de petits démons mineurs. Mais le combat est également devenu plus glorieux puisque le dieu de toute puissance a trouvé un adversaire à sa mesure. En identifiant diverses figures maléfiques sous un seul vocable, l'ennemi est plus facile à identifier, à combattre et – jeux de mots – à diaboliser. Les textes compilés par P. L. Jacob présente le diable comme un abject séducteur coupable d'enlèvements, de promesses fallacieuses ou de possessions, intervenant auprès des esprits faibles ou des saints potentiels pour les pervertir.

En opposition radicale au diable, on trouve les anges et les fées. « Leur rôle a toujours été ambigu, entre séduction, enlèvement et protection des lieux et des passants, et cela jusqu'à nos jours où les récits de dames blanches s'adaptent à la modernité, tandis que les fées séductrices trouvent une nouvelle incarnation dans la publicité. » (p. 21) D'origine celtique ou nordique, les elfes s'apparentent aux fées et sont les bons génies des airs et de la terre. Viennent ensuite les esprits, j'ai nommé les gnomes, les silphes, les nymphes, les follets, les lutins et les salamandres. Ils habitent et animent chaque chose du monde et sont les forces telluriques et cosmiques de la nature. Enfin, n'oublions pas toute la sinistre clique des spectres, des âmes en peine et des vampires, tous ces défunts qui passent dans le monde des vivants et brouillent les frontières entre vie et mort.

Revenons aux méchants. « À la fin du Moyen Âge, le diable est devenu le contre dieu, celui qui règne sans partage sur les enfers et qui peut infester tout un chacun. Les possédés sont la preuve de sa puissance maléfique. » (p. 151) Ainsi, les ensorcellements, les sortilèges, les possessions, les hystéries et autres épilepsies étaient la marque du diable. Stéphane Vautier avance une hypothèse fascinante sur les loups-garous : « La croyance dans l'existence d'hommes se changeant en bête et, danger majeur oblige, en loup, est une croyance vivace qui pourrait trouver son origine dans la tradition franque de chasser de la communauté un homme qui, condamné, ne pouvait pas payer son crime. Repoussé dans la nature, il devient pareil à une bête sauvage, à un homme-loup […] » (p. 171) L'ouvrage ne le mentionne pas, mais il en va peut-être de même pour Big Foot et tous ses copains poilus des montagnes.

Le florilège démoniaque constitué par P. L. Jacob convoque des personnages de contes de fées dignes d'une veillée macabre, mais révèle également un bon sens populaire pétri de légendes, de traditions et d'observations. Aussi fantaisistes que paraissent les histoires rassemblées, elles sont loin d'être complètement ineptes puisqu'elles participaient d'une tentative d'explication du monde à une époque où la science n'avait pas encore conquis tous les domaines. Les prodiges et les présages désignaient tout ce que l'esprit humain ne savait pas encore expliquer et tout ce qui échappait à la science. En appeler à dieu ou à diable, loin d'être une faiblesse d'esprit, était le recours pour tenter une première rationalisation du monde et de définition des destinées. Ainsi, quand P. L. Jacob, érudit positiviste, présente ces textes, la science commence à expliquer les phénomènes naturels et les manifestations prodigieuses se réduisent comme peau de chagrin, l'esprit n'ayant plus besoin d'inventer pour expliquer et savoir. Il serait donc très réducteur de considérer avec mépris toutes ces curiosités infernales. En effet, l'homme ne supportant pas l'incompréhension (comme la nature et son horreur du vide, paraît-il), il préférait se donner une réponse effrayante que rester sans réponse.

La compilation effectuée par P. L. Vautier est très érudite et témoigne d'une grande ouverture d'esprit, sans mépris pour les textes issus de ce que le 19e siècle a commencé à appeler le folklore. On trouve des légendes, des récits populaires, des textes religieux, des traités scientifiques ou philosophiques, des témoignages et des minutes de procès ou encore des lais médiévaux. Les textes issus de différentes époques et de différentes zones géographiques européennes entrent en résonnance et permettent d'élaborer des portraits très complets, presque en trois dimensions, des diverses figures citées. le 19e siècle était friand de compilations et de collections, en témoignent les cabinets de curiosités si répandus à cette époque. le 19e siècle est aussi la grande période du positivisme et de l'expérience : chaque sujet devient digne d'étude et d'analyse. Avec la résurgence des croyances populaires et le début du recul de la religion catholique, P. L. Jacob a exploré un terrain foisonnant.

Stéphane Vautier a un véritable talent pour mettre en valeur et expliciter des textes historiques. Avec Chouan et espion du roi, il explorait les mémoires de Michelot Moulin. Ici, il commente une somme de textes très divers. Ses notes de bas de page sont très complètes et la légère modernisation de la langue des textes anciens permet une lecture aisée de cet ouvrage. Je n'ai finalement qu'un seul reproche à formuler à l'encontre de cet essai, à savoir l'absence de conclusion. C'est un peu rude de laisser le lecteur de cette façon. ! Une page aurait suffi. Et là, c'est clairement l'élève traumatisée par la khâgne qui s'exprime : rendre un devoir sans conclusion, c'est la bulle assurée, ou pas loin. Outre ce détail de forme, je vous recommande chaudement (comme l'enfer) cet ouvrage très accessible et passionnant !
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
« La dernière, qui était sœur Marie du Saint-Esprit, prétendue possédée, de belle taille, un peu maigre, mais sans mauvais teint ni aucune sorte de maladie, entra dans le réfectoire, le visage droit sans arrêter ses yeux, et les tournant d’un côté et d’autre, chantant, sautant, dansant, et frappant doucement, qui l’un, qui l’autre. Ensuite elle commença à entrer en furie et à prononcer quantité de blasphèmes, puis se prit à parler de sa petite Madeleine, sa bonne amie, sa mignonne, et sa première maîtresse, et de là se lança dans un panneau de vitre la tête la première sans sauter et, sans faire aucun effort, y passa tout le corps, se tenant à une barre de fer qui faisait le milieu. Les médecins l’ayant considérée, touché le pouls et fait tirer la langue, ce qu’elle permit en raillant et parlant d’autre chose, ils ne lui trouvèrent ni émotion telle qu’ils avaient cru devoir être, ni autre disposition conforme à la violence de tout ce qu’elle avait fait et dit. »

Extrait de P.M. Ese, Traicté des marques des possédés et la preuve de la véritable possession des religieuses de Louvein, 1644.
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"François Pic de la Mirandole dit avoir connu un homme de soixante-quinze ans qui s'appelait Benedeto Berna, lequel par l'espace de quarante ans eut accointance avec un esprit succube qu'il appelait Harmeline et la conduisait et menait quant à lui en forme humaine, en la place et partout et parlait avec elle : de manière que plusieurs l'oyant parler, et ne voyant personne, le tenaient pour fol. Et un autre nommé Pinet en tint un l'espace de trente ans sous le nom de Fiorina.
Sur quoi est remarquable ce que dit Bodin que les diables ne font paction expresse avec les enfants qui leur sont voués, s'ils n'ont atteint l'âge de puberté et dit que Jeanne Herviller disposa que sa mère qui l'avait dédiée à Satan sitôt qu'elle fut née, ne fut jamais désirée par Satan ni ne s'accoupla avec lui, qu'elle n'est atteint l'âge de douze ans. Et Magdeleine de la Croix, abbesse de Cordoue, en Espagne, dit de même, que Satan n'eut connaissance d'elle qu'en ce même âge."
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« La croyance dans l’existence d’hommes se changeant en bête et, danger majeur oblige, en loup, est une croyance vivace qui pourrait trouver son origine dans la tradition franque de chasser de la communauté un homme qui, condamné, ne pouvait pas payer son crime. Repoussé dans la nature, il devient pareil à une bête sauvage, à un homme-loup […] » (p. 171)
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Près le village de Baron en Valois fut jeté un bouquet au passage d'un escalier pour entrer d'un mauvais chemin en un champ : si empoisonné mais de sortilège, qu'un chien ayant bondi par-dessus le premier en mourut soudain.
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« L’on mesure alors combien l’utilisation de cette figure du mal absolu se fait souvent dans un but politique et moral. […] Les anecdotes ont parfois être issues de récits populaires, leur signification est la plupart du temps porteuse d’une dimension moralisatrice pour discréditer un adversaire, comme ce fut le cas pour Luther de la part de certains catholiques. » (p.22)
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