Boro, Reporter Photographe : La Dame de Berlin - Intégrale (BD)

Adaptation très réussie à la BD de l'oeuvre de Franck et Vautrin (1987) qui doit son dessin à Marc Veber. Format ramassé pour l'édition Casterman de 2011 qui rassemble en un volume les trois épisodes de La Dame de Berlin. Elle permet aux aficionados de renouer en images avec les premières aventures du reporter photographe à la canne, Boro, éternel fauché à la mèche rebelle et à la cravate légèrement désinvolte. Une intrigue captivante où un Leica discret à monture vissée, modèle C, et une pellicule insignifiante règnent en maître sur le scénario qui court entre Paris, Munich et Berlin, pourchassant la peste brune des années trente qui à commencé à recouvrir l'Europe de son ombre (1932-1933).

Vlémia Borowicz dit Boro (père mort au Chemin des Dames et mère hongroise), enfant de Pest, a tourné le dos à l'amiral Horthy et tente, clopin-clopant (une vieille chute), de se faire un nom à Paris. Assistant labo chez Iris, ce n'est pas encore la gloire mais ça ne saurait tarder ; manière pour notre homme d'exercer un peu sa muflerie envers mademoiselle Fiffre si dévouée à leur patron commun (Tourpe), et aussi accessoirement de démontrer son talent. Une seule idée le tient, ramener à lui sa cousine Maryika Vremler, dont il est amoureux, qui a délaissé les hauteurs de Buda pour Munich à la faveur d'un rôle dans un film du cinéaste Wilhelm Speer. Elle triomphe en Allemagne.

En France, le président Doumer est assassiné (6 mai 1932) ; l'Allemagne malade aura, elle, bientôt son guérisseur (p.70) ; à quelques mois seulement de la victoire du NSDAP (30 janvier 1933) et de l'accession d'Hitler aux commandes du Reich, Boro fait une arrivée très remarquée en Bugatti, au Regina Palatz de Munich, accompagné du beau Scipion, à la recherche de Maryika. Atmosphère sinistre et lourde chargée de violences et d'intimidations qui s'empare immédiatement de la palette de la BD ; l'Histoire évidemment va s'en mêler et tout ne fait que commencer...

Une excellente lecture.

Romanciers, scénaristes, réalisateurs … le duo prolifique formé par Dan Frank et Jean Vautrin, créateurs du personnage si attachant de Boro – Blemia Borowitz (père français mort au Chemin des Dames et mère juive hongroise) – est familier du succès. Son adaptation en bande dessinée à partir de 1987, par Marc Veber et sous la direction artistique d'Enki Bilal, me convient parfaitement. Une édition récente « compactée» des trois premiers épisodes des aventures du reporter-photographe éternellement fauché, particulièrement séduisant et fan de technologie automobile comme de Leica-C, qui raconte toujours une histoire abracadabrante sur l'origine de sa jambe raide mais sait se servir avec brio de sa canne, permet d'apprécier le fil de l'histoire sans attendre plusieurs mois entre deux albums.
Car le scénario nous replonge dans l'Europe de l'Entre-Deux-Guerres, à la veille de la victoire nazie en Allemagne. La montée du fascisme, la haine plus si sourde de tous ceux qui ne sont pas d'origine « pur sucre », l'antisémitisme et la peur des communistes, la violence des méthodes utilisées par les nervis d'Hitler comme le noyautage des couches les plus élevées de la société par des organisations secrètes (comme la Cagoule) forment la trame de cette histoire déclinée en trois épisodes.
Unité de style, de mouvement – on sent l'influence du cinéma – de mise en couleur dans une harmonie de bruns, une aventure cravatée mais crédible.
Le résultat devrait permettre aux jeunes générations - mais je me fais sans doute hélas des illusions - de découvrir des vérités historiques peu souvent décrites. Il y a de l'action, du glamour – très discret – de la recherche … bref, une BD qui apprend bien des choses et qui se laisse lire avec plaisir. Une découverte pour moi, pourtant bien familière avec l'Histoire de cette période – mais qui a tout de même relevé quelques « coquilles » dans les bulles en langue allemande !