Mon amour
veut remplir le vide
laissé par la disparition de ma mère...
Mais lui-même est vide
dans la blancheur aveugle
Le sourire
…Dans le ballet des lumières
la danse rapproche à vue d’œil.
Rien ne se laisse voir
et nous voyons tout.
Rien ne se laisse dire
et tout ce que nous disons
nous parle.
En dansant,
nous courons notre chance
sur les colonnes de la nuit ;
nous délogeons la peur de nos visages,
rendus au sourire. …
p.144-145
C'est l'heure de la cendre
quand la musique se tait
et que sur la piste délaissée par la lumière,
je te perds de vue.
Cette fois je crois bien
que tout est perdu
Le sourire
…Ton sourire
donne le signal du départ
de la lenteur
sur laquelle nous dansons,
toi et moi,
même dans les rythmes les plus
endiablés.
À partir de ton sourire,
nos pas ne connaissent plus
que la lenteur :
nous dansons de front, presque sans bouger,
sur des sons qui n'existent pas
et je me contente de soulever mes bras vers les tiens
pour que nos paumes tendues
puissent s'effleurer.
p.145
SEPT PAS
Mon corps vibre tout entier
à l'unisson de la musique.
Je danse dans cet espace
ouvert par ton sourire.
Si seulement nous pouvions nous atteindre,
ne pas nous manquer.
Nos vies, à l'instant,
se referment dans nos bras ouverts
et ne se rejoignent pas.
Nous sommes comme ces personnages de romans
que chantait tout à l'heure
celui que j'ai appelé le chanteur muet :
pas plus de chances qu'ils se rencontrent vraiment,
que je retrouve ma mère morte
et qu'avec elle, cette fois en chair et en os,
je reprenne la danse interrompue
une nuit dans un rêve.
p.116
Pas de lueur visible
pendant toutes ces années
dans le ciel strié de suie.
Rien d’autre à entendre
que des cris
longs comme la nuit.
L’enfant baignait
dans une eau noirâtre
qui n’arrêtait pas de courir
comme un cheval emballé
fuyant au hasard,
galopant comme le feu.
Il finissait par courir lui aussi –
il appelait cela danser –
sur la ligne de retraite
qu’à peine droit sur ses jambes
il s’était tracée
p.13
L’enfance par grand froid
Dehors, la neige
s’amassait contre la vitre,
baignait la pièce
d’une lumière grise
avant que l’obscurité parût
céder en un point,
blanchir
un peu de lumière.
Lumière
est le premier mot
qu’il apprit à écrire
quand il crut combattre la violence
des jours sans lumière
p.12
EN PREMIÈRES LIGNES
Un enfant
par accident,
livré
dans la rage de la guerre.
Ça commence bien.
Sa vie de toute façon…
De toute façon sa vie,
c'était écrit :
jour après jour un survivant
penché sur la nuit
où se rompt la splendeur.
p.11