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Critique de Cigale17


Merci à Masse critique et aux éditions Agullo de m'avoir permis de découvrir ce roman magnifique et très original.

Le roman La Fenêtre russe est divisé en trois parties très inégales : Notes sur la vie d'un petit-bourgeois (une centaine de pages), Les trains (la presque totalité du livre) et Quelques autres histoires (une trentaine de pages). le roman s'ouvre sur le monologue de Danijel. Chef d'orchestre à la retraite, il ne décolère pas de vieillir et de perdre ses moyens. Il s'adresse à « vous, Rudi » et lui explique à quel point la tentation du suicide l'habite, lui raconte son enfance entre un père absent et une mère obsessionnelle de l'ordre et de la propreté, lui parle de son métier, de ses nombreux voyages. La deuxième partie met en scène le personnage principal, Rudi Stupar, comédien raté, dilettante, sûr d'être destiné à un avenir radieux. La dernière partie laisse la parole à différents personnages qui ont traversé la vie de Rudi : sa mère, ses amies et ses amantes, un écrivain et un acteur qui l'ont profondément marqué, Danijel et d'autres encore.
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Tout le roman est traversé par le thème du voyage, ou plutôt, de manière plus générale, du déplacement et de l'inconstance. le grand-père de Danijel travaille aux chemins de fer, son père est marin au long cours, lui-même voyage sans cesse à cause de son métier de musicien. Pour sa part, Rudi Stupar, comédien raté, quitte la Serbie pour éviter d'être enrôlé dans l'armée. Nous le suivons à Belgrade, Budapest, Munich, Hambourg et dans d'autres brefs déplacements en train, comme le laisse supposer le titre de la deuxième partie. Rudi construit sa vie à partir de souvenirs qu'il façonne, transforme, ou même invente de toutes pièces, et qui deviennent pour lui la vérité, qu'il s'agisse de sa vie ou de celle des autres. Comme Danijel, il est fasciné par la formidable influence que peuvent avoir des rencontres fortuites ou des événements minuscules sur toute une vie, et les deux personnages se révèlent infiniment sensibles au tissage invisible qui relie les individus sans que ceux-ci en aient conscience. le roman est parsemé de telles anecdotes. Par exemple, la rencontre du père et de la mère de Danijel : l'amie de sa mère ne se réveille pas pour faire l'excursion que les deux jeunes femmes avaient prévue, ce qui fait que la place à côté d'elle dans l'autobus reste libre, que le père de Danijel s'y installe et qu'ils se marieront un an plus tard. Si l'amie de sa mère s'était réveillée à l'heure ce matin-là…
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J'ai été parfois déstabilisée par ce beau roman sans autre intrigue que le hasard des rencontres et un passé fantasmé, sans cesse modifié et reconstruit. La tranche de mon exemplaire est hérissée de petits repères de toutes les couleurs… En plus des trains, j'ai relevé de très nombreuses occurrences de fenêtres de diverses sortes dont l'auteur utilise différentes possibilités : une fenêtre permet de voir l'extérieur, mais l'inverse est vrai ; elle sert aussi de cadre et permet d'attirer l'attention sur un détail, une personne, etc. Une fenêtre russe, c'est en somme une fenêtre dans une autre fenêtre plus grande, mais c'est par la plus petite fenêtre que les deux mondes communiquent. J'ai noté aussi de très nombreux passages magnifiques. Si leur compréhension ne nécessite pas une deuxième lecture, l'originalité des images et la qualité du style y incitent fortement. D'autres passages, composés de phrases très courtes, ressemblent à une suite d'aphorisme dont certains pleins d'humour. Je voudrais saluer l'excellente traduction de Maria Bejanovska qui m'a donné envie de lire plusieurs paragraphes à voix haute. Une belle surprise exigeante et enrichissante !
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