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Critique de Bookycooky


Le cahier volé à Vinkovci est celui de la mère du narrateur alias l'auteur serbe Dragan Velikic. D'une enfance passée entre une mère dominante et un père absent qui vogue sur la mer, Velikic en garde une mémoire fragmentée et hasardeuse. À la nouvelle de la mort de sa mère, qu'il apprend alors qu'il vit à Budapest, il se retrouve face à une question cruciale à laquelle il peine à trouver une réponse :" Pourquoi je me trouve là où je suis, dans un appartement loué du boulevard Erzsébet à Budapest ? D'où vient cette femme à côté de moi ? Ce monde qui nous entoure. Ce moi ? Différent du modèle auquel j'étais censé me conformer. Au début tout était logique, prévisible, clair. le monde comme un catalogue. Je suis parti de là. Et je me suis retrouvé dans un quotidien que je ne voulais pas, dans une vie qui n'est pas la mienne. Avec des habitudes et des pratiques qui me sont étrangères. Sans un ordre logique des choses à faire journellement. Que s'est-il passé pour que j'accepte de manger ce que je n'aimais pas ? Je fais ce que je n'aime pas ? Je dis ce que je ne pense pas ? Je crois que la femme à mes côtés sait mieux que moi comment je me sens. Je vis avec des valises non défaites. Avec un pied en retrait. À la recherche permanente du point stable pour souffler, découvrir les erreurs et alors, ainsi régénéré, aller dans la bonne direction. Car ce que je vis maintenant ne peut pas être ma vie. Rien n'est à sa place."
C'est à partir de là qu'il décide de voyager dans le passé pour arriver à comprendre le présent, un voyage dans sa propre vie, celles de ses parents et d'autres personnages qu'il a côtoyé. C'est aussi un voyage à travers le XXiéme siècle dans la péninsule d'Istrie , et de Salonique à Trieste. le fameux cahier volé une nuit de novembre 1958, à la gare de Vinkovci où sa mère consignait les noms d'hôtels où elle séjournait , ses rêves et les histoires qu'elle inventait, sera son carnet de route fantôme . Ce cahier, le lieu de naissance de nombreuses illusions que sa mère laissera en héritage à lui et à sa soeur, l'ajournement du plaisir, la peur de l'accomplissement des désirs, l'obsession des cimetières, et La " ferme conviction que l'oubli n'est qu'une variante de la mémoire, conservation suprême de l'héritage pour la descendance."
Un livre profond doté d'une prose subtile, en deux parties, et une troisième comme épilogue . Dans la deuxième partie l'auteur change de style de narration, se distancie de lui-même, et parlant de lui à la troisième personne nous plonge dans l'histoire des Balkans dans la première moitié du XX éme siècle à travers l'histoire d'une autre femme qu'il connut enfant, et qui fut pour lui le symbole de la femme libre comparée à sa mère coincée dans ses principes et ses convictions.
Un livre pleine de nostalgie chargé des images du "Monde d'hier" , un monde qui n'existe plus. Mais pour l'écrivain "le passé n'est jamais fini, il ne cesse de se perfectionner", il englobe plusieurs vies, dont celles d'autres personnes qu'on a aimé, qu'on a admiré ,qu'on a approché, une infinité de possibilités !

Merci gonewiththegreen.



"Fréquenter le passé signifie le parfaire, l'invoquer et le vivre, mais puisque nous le lisons dans les traces qu'il a laissées, et que ces traces sont dépendantes des hasards, de la matière, plus ou moins friable, dans laquelle elles sont communiquées, de différents événements dans le temps, ce passé est alors chaotique, hasardeux, fragmenté…" Witold Gombrowicz.
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