Lucrezia dissimulait dans un trou, près de la cheminée, ce qu'elle arrivait à économiser. Elle aurait préféré mourir plutôt que de le placer à la poste.
Mais elle continuait de s'y rendre pour s'enquérir de l'argent que son mari y avait déposé et inviter l'employé à le lui verser. Elle repartait en murmurant entre ses dents blasphèmes et malédictions, puisse la foudre lui tomber sur la tête, à lui qui avait son trésor et qui refusait de le lui donner : Et pourtant il lui aurait permis d'acheter un domaine, de le cultiver et de payer des études à son fils. Mais elle se débrouillerait pour lui offrir des études, par respect pour son serment et par vengeance, elle l'entretiendrait jusqu'à ce qu'il apprenne à lire et à écrire, dut-elle cracher son sang.
Le soir, la pauvre femme fabriquait descontient-moi en chaume, réparait les besaces, rempaillait les chaises. Elle réussit à s'acheter une poule qu'elle plaça sous son lit. Chaque matin, elle donnait un oeuf frais à son fils et, au printemps, la faisait couver. Elle tuait un poulet et le servait à Rocco le jour de sa fête. Les autres, elle les vendait. Grâce à l'argent mis de côté, elle acheta un porcelet à la foire, une femelle rondouillarde et bruyante à la queue en tire-bouchon.
1969. Grand mouvement populaire. Des barrages s'élèvent partout,parce que la vallée du Basento n'a pas droit aux financements gouvernementaux destinés à l'industrialisation. des usines,nous voulons des usines. Stop à l'émigration.
En effet, on ne comprenait plus rien désormais : quelque temps plus tôt, elle avait vu avec son mari un film au titre romantique, plein de promesses, Le dernier Tango à Paris. Ils étaient sortis du cinéma dès le début, les yeux bas. Était-ce bien utile, je vous le demande?
Il régnait parmi les pensionnaires une rigoureuse hiérarchie,dont témoignait leur répartition pendant la récréation. L'institut était l'un des rares pensionnats féminin des environs ,et les jeunes filles affluaient des Pouilles, du Basilicate et des Abruzzes.
Ces élèves n'appartenaient pas aux mêmes classes sociales.
Alba avait dix ans quand elle abandonna la bruyante maison familiale, les taquineries de ses frères et les longues histoires que sa grand-mère racontait pendant les après-midi de canicule.
Les garçons étaient de véritables diables. Ils grimpaient partout,se répandaient comme une tache d'huile dans le village,perdaient leurs chaussures et se perdaient eux-mêmes,si bien qu'il fallait les compter à l'heure du déjeuner: il y en avait toujours un ou deux d'absents.
Son attention fut d'abord attirée par l'étrange coupe de cheveux de la jeune fille. Mais il se produisit une chose bizarre lorsqu'elle le contempla à son tour:on eût dit qu'une porte s'ouvrait.
La tâche la plus ardue consistait à éloigner ces hommes (ouvriers maçons) des six soeurs: les autoriser à vivre sous le même toit équivalait,en effet, à héberger le loup dans la bergerie ou à tenter le diable. Concetta fut donc obligée de monter la garde jour et nuit afin que ses filles soient épargnées et les dégâts limités aux jeunes voisines qui venaient l'aider aux travaux domestiques.
Fais-moi un papier car je ne me rappelle plus rien. Ni les prénoms de mes enfants, ni qui était mon père. Je l’aurais toujours dans ma poche. D’accord, je te le fais.
Un enfant apprit à jouer avec le vent : il le faisait courir sur sa tête, l'enroulait autour de son poignet, le lançait au loin et le ramenait à lui, regorgeant de forêts, de montagnes, d'autoroutes. Dès lors, il n'y eut plus rien à dire.