Là-bas, très loin, au delà des étendues de glace et des envolées de blizzard, aux confins du monde blanc, au plus éloignée de la Sibérie, la Tchoukotka, sujet fédéral de la grande Russie, au bord de la mer de Béring. Autant dire que si loin de tout, il n'y a même plus de vodka dans les tentes.
Il va s'en dire aussi qu'il ne vaut mieux pas être frileux pour s'aventurer là-bas. -30°. Sauf si tu y est né. Et là, né pauvre, tu vis dans une tente jour et nuit, pratiquement nu, avec seulement quelques "
peaux de phoque" comme habit primaire. Même les tenues vestimentaires tu les partages entre frères, chacun sort à son tour, si ce n'est que tu connais mal la fratrie, parce que de ton oeil observateur de l'autre côté de la banquise, tu ne les vois jamais ensemble. La pauvreté à l'extrême.
Ainsi, dans le vent et le blizzard du Grand Nord, tu te gèles le bout, qui devient tout bleu et riquiqui, alors n'y pense même pas. du coup, tu pars à la chasse, aux phoques l'hiver, aux canards l'été. Tu rencontres d'autres tribus, des éleveurs-nomades de rennes où tu peux échanger quelques peaux de rennes contre de la graisse de veau marin, tu mâchouilles du cuir de phoque pour faire passer la faim et tu tentes de survivre, là-bas dans le blizzard de Tchoukotka.
Et si tes doigts ne sont pas encore gelés, tu travailles de tes mains, les peaux, le cuir, il y a tant à faire, les vêtements, les bottes, les tentes... Et nourrir les chiens alors que tu n'as même pas de quoi donner décemment à manger à tes trois fils. La routine, quoi. Et donc à la pâle lueur d'une lampe à la graisse de phoque, tu ouvres ton premier bouquin de littérature tchouktche, fort intéressant sur le plan ethnographique et culturel, et découvre ainsi que quelque soit la latitude ou la température, le comportement humain est le même : pauvre tu deviens rejeté, et si riche tu deviens, méprisé tu es par les autres.