Selon Fischer et Tronto, les métiers du care désignent toutes les professions qui cherchent à maintenir, perpétuer et réparer notre monde, en sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Les théoriciens du care, qui proposent une "conception alternative du sujet" mais aussi une conception alternative de la morale politique, partent en effet de l'hypothèse que "nous sommes tous fondamentalement vulnérables" et par conséquent dépendants les uns des autres.
Alors que nous considérons en général que seuls les jeunes enfants, les malades, les handicapés, ou les vieillards sont en situation de dépendance, les théoriciens du care élargissent à l'ensemble de l'humanité ce besoin de "soin", d'attention ou de sollicitude et opèrent donc un changement d'appréciation de la dépendance en l'extrayant de son contexte compassionnel ou sacrificiel.
Nous sommes tous vulnérables et, à ce titre, "nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes, et dépendons des autres, de leur disponibilité, de leur soin et de leur travail, pour la satisfaction de besoins aussi bien d'ordre physiologique (boire, manger, dormir), qu'émotionnel (besoin de tendresse, d'amour, de reconnaissance).
(p.18 - p.19)
Chapitre I - Un métier du souci de l'autre: (Care)
Loin de constituer un ensemble de qualités "admirables" dont disposeraient spontanément les femmes, l'éthique du care est le produit d'un processus social d'acquisition de compétences, en d'autres termes d'un travail complexe dont il convient de promouvoir la pertinence et la complexité.
"Avant d'être une éthique, précise Pascale Molinier, le care est un travail." Cette conception a en effet le mérite de rapprocher les humains au-delà du processus générationnel et de promouvoir le soin à autrui, la sollicitude ou l'attention aux autres comme des valeurs morales et politiques majeures.
Car au-delà de la simple promotion de principes de solidarité qui pourrait rencontrer nombre d'aspirations individuelles - que l''on peut mesurer par exemple au succès médiatique des grandes figures de la bienfaisance et de la générosité sociale-, le souci des autres peut déborder de la sphère privée pour être érigé en projet moral et politique.
PS Molinier P., "Le care: ambivalences et indécences" in Journet N. (dir.), La morale, éthique et sciences humaines,Editions Sciences humaines, Auxerre, 2012, p.207.
Une profession est comme un corps. On parle d'ailleurs d'un corps professionnel ou d'une corporation. Comme un corps, elle naît, grandit, se développe puis éventuellement décline et parfois s'éteint ou se transforme. Le métier d'éducateur de jeunes enfants (EJE) n'échappe pas à ce processus éminemment social.
On peut écrire son histoire, décrire ses mutations, analyser sa place dans l'espace social, explorer les valeurs et les pratiques de ceux qui l'exercent. C'est ce que propose de faire cette quatrième édition du Métier d'éducateur de jeunes enfants qui tranche avec les deux précédentes.
- (après une enquête nationale permettant de mettre en valeur les évoltions du métier d'EJE) -
(p.9)