Tout au long de la lecture de ce vieux livre, j'ai aimé imaginer
Roger Vercel accoudé, la clope au bec, à la lisse du "Louisiane", flânant pont-arrière, observant sur le sun-deck et tentant d'y reconstituer le fil d'un récit arraché à de subreptices conversations.
C'est que ce roman est d'abord un récit de voyage.
Il s'attarde, dans sa première partie, aux langueurs d'une traversée somme toute assez banale.
Roger Vercel n'y décrit d'ailleurs pas beaucoup l'océan, ni les détails du paquebot.
En véritable homme de mer, il semble avoir un peu oublié le décor de son roman, et s'est attaché plutôt à installer une ambiance, à présenter ses personnages.
Une femme, Claude de Sévignac, s'est embarquée, à bord du paquebot "Louisiane" de la Cie "Transocéane", à destination de New-York.
Elle va y rejoindre son mari qui est parvenu au terme d'une mission de deux ans à Norfolk.
L'amour est donc de la partie.
Mais cet amour ne survivra peut-être pas à ce voyage.
Et, le bonheur de Claude, ne passant pas l'été indien, risque d'y être projeté dans le plus glacé des automnes ...
La seconde partie du roman est une longue flânerie à travers New-York que Claude découvre aux bras d'Evelyne Bertier, une amie d'enfance, rencontrée au collège de Vannes bien des années plus tôt.
New-York et ses gratte-ciel qui semblent écraser même les clochers des églises, New-York et son quartier italien, Chinatown, Greenwich village qui n'est qu'un faux Montmartre ...
Roger Vercel s'est attaché ici à prendre le pouls de la ville qui ne dort jamais.
Puis, au retour, la troisième et dernière partie est le récit dramatique d'un sauvetage en mer, celui du "Saseno", un cargo italien désemparé et broyé par la tempête "Harzel".
Mais une fois de plus, l'extraordinaire et le tragique ne constituent pas la grande affaire du roman de
Vercel.
Comme souvent,
Roger Vercel y privilégie les personnages aux décors qui pour autant n'en sont pas négligés.
Ce livre est celui du spleen et du désenchantement d'une femme.
Il y a là, deux portraits magnifiques de femme.
Car ce sont les états d'âme, les émotions et les sentiments de Claude et d'Evelyne qui font toute la puissance de ce récit.
La plume de
Vercel y déploie finesse et sensibilité.
Ce roman est lent, poignant et assez contemplatif.
Vercel y fait la preuve, une fois de plus, que d'être un des grands de la littérature maritime n'empêche en rien de savoir saisir toutes les ombres de l'âme humaine ...