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Critique de Fortuna


Michel Vergé-Franceschi nous brosse le portrait passionnant d'une femme exceptionnelle, Ninon de Lenclos, qui traversa tout le XVIIème siècle. Née en 1623, elle meurt en 1705 à l'âge de 82 ans.

Marquée très tôt par le destin – son père libre penseur et libertin, devenu assassin suite à une liaison adultère qui tourne mal, va choisir l'exil, abandonnant sa famille alors qu'elle a tout juste dix ans. Elle se retrouve seule avec une mère sans scrupule qui la prostitue littéralement. Son premier amant à l'âge de 14 ans, le cardinal de Richelieu, lui laisse une pension qui va lui permettre de vivre décemment. Il est le premier d'une longue série d'amants, tous du grand monde, qui défileront à tous les âges de sa vie, mais qu'elle choisira, ayant une prédilection pour les beaux hommes. Parmi eux le conseiller Coulon, François de la Rochefoucauld, Coligny, le marquis de Villarceaux avec lequel elle aura un fils, sa plus longue liaison qui fera scandale, et qui lui vaudra d'être enfermée pendant un an aux Madelonnettes puis dans un couvent par ordre de la Reine Anne d'Autriche.

Maîtresse d'hommes plus âgés pendant sa jeunesse, initiatrice de jeunes hommes et d'homosexuels (avant leurs mariages) tout au long de sa vie – jusqu'à 73 ans – peut-être même adepte elle-même de l'homosexualité, elle fut une femme libre, jamais mariée, deux fois mère. Elle a exercé, tout au long du XVIIème siècle, une fascination à la fois par son corps et par son esprit sur tous ceux qui l'ont connue. Elle possédait un véritable talent musical, jouait du luth et pratiquait la danse.

Son salon était un lieu de liberté et de libertinage, elle y recevait des esprits forts et libres pour y parler de philosophie mais aussi de science, de littérature, de politique. Des hommes de lettre, Molière, Charles Perrault, Jean de la Fontaine, Jean Racine, l'ont fréquenté, ainsi que des savants, des hommes politiques, des académiciens. Charles de Saint-Evremond, un des principaux représentant du courant libertin du XVIIème siècle, qui porte déjà en lui les germes du siècle des Lumières, sera, malgré son exil à Londres, le confident de toute sa vie. Elle restera fidèle à son amitié jusqu'à la fin.

Elle a également le sens des affaires, menant une vie confortable, assurant une carrière à son fils, malgré la disgrâce de sa famille. Elle a su se faire entretenir sans dépendre de quiconque et assurer son avenir.

Libre de moeurs, elle l'est aussi d'opinions : elle fait partie du milieu des penseurs libertins de cette époque marquée par les guerres de religion du siècle précédent, se moquant des interdits religieux, adeptes des plaisirs du corps, conscients de la relativité de toute chose, défiant la morale et les superstitions, allant jusqu'à mettre en péril la famille.

Elle va voir mourir tous ses amants, ses amis, et même Saint-Évremond (décédé en 1703), rare femme de sa génération à avoir vécu aussi longtemps. Mais elle a gardé son esprit jusqu'à la fin.

Si la vie de Ninon est un véritable roman, cet ouvrage ne l'est pas. C'est un livre d'historien, à la lecture parfois un peu fastidieuse, accumulant les références, les hypothèses, les biographies, les citations. Il revient sur beaucoup de mythes entourant le personnage de Ninon et sa famille, en particulier celui qui fait d'elle une brillante femme de lettres, ayant lu Montaigne dès l'enfance. Si elle a animé un salon fréquenté par d'illustres personnages, sa correspondance ne fait pas d'elle une femme de lettres au même titre que sa célèbre contemporaine, Mme de Sévigné. Mais elle demeure malgré tout une figure marquante et que l'on a plaisir à découvrir, tout comme les dessous de l'histoire du Grand siècle…
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