D’une manière ou d’une autre l’une des questions centrales déployée par ce volume est celle de l’appropriation et de la réappropriation des biens culturels, au sens large de ce terme, comme nous l’avons suggéré ci-dessus. Amandine Gay fait de la réappropriation de la narration, mais aussi de l’esthétique comme affirmation politique de soi, l’un des moments clefs de son travail.
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L’artiste est un « o(e)uvrier » dit Bernard Lubat. J’aime ce terme qui contracte labeur et art. Si l’inspiration poétique reste un mystère, elle ne s’accomplit que dans l’acharnement du travail. La notion de travail artistique induit celles de maturation, d’exercice, d’expérimentation donc de temps. Ce faire (poïésis et techné) s’inscrit dans la durée pour une réalisation, et comme processus à l’échelle d’une vie, quand ce peut être aussi à l’échelle des (r)évolutions de l’humanité, à l’inverse d’une immédiateté de « rentabilité financière ou sociale » quantifiable.
La soumission au seul horizon du marché globalisé nécessite la soumission des imaginaires. Leur manipulation, la chosification des humains, le formatage, l’infantilisation vont de pair avec la « fin de l’histoire » dont nous abreuve la pensée dominante.
Avec une certaine facilité, on oppose l’accessibilité démagogique à l’excellence. Cette opposition vise à restreindre la pratique des esthétiques à des privilégiés et à figurer le peuple en cible commerciale. Cela conforte le consensus de l’entre-soi, figé dans un universalisme culturel impérieux et un universel fictif. Cela empêche de chercher des voies nouvelles complexes qui passent par la notion d’exigence du travail artistique.
L’exigence du travail provient d’un désir, d’un appétit et d’un impératif intérieurs alors que l’excellence artistique part d’un point de vue imposé.
L’exigence artistique oblige à la rigueur, à l’entraînement, à la permanence de son exercice, du temps et des moyens.
(Leïla Cukierman)
L'unicité occidentale comme seul système de référence apparaît obsolète, c'est évident. Et les réticences agressives du type de l'identité nationale prônée par l'extrême droite et la droite, concept auquel concède parfois une certaine gauche universaliste sous l'appellation d'identité culturelle, ne changeront rien à cette obsolescence.
(Leïla Cukierman)
Il y a danger pour l'ordre établi que soient figurées les oppressions auxquelles les peuples ont résisté, quand les racisé.es (30% des Français) vivent encore aujourd'hui sous le régime du contrôle au faciès ; que soient illustrées les insultes faites « aux Noirs qui ne sont pas assez entrés dans l'Histoire » dans la dissertation d'un président de la République française devant les universitaires de Dakar, alors que la Charte des Mandingues fut la première déclaration des droits humains bien avant la Révolution française.
(Leïla Cukierman)
Au prétexte de l'excellence artistique, une culture occidentale fermée sur elle-même persiste à se croire prééminente.
(Leïla Cukierman)
Dans cet épisode d'Effractions : le podcast, la politologue militante feministe « décoloniale », Françoise Vergès évoque les thématiques abordées dans Portrait huaco, de Gabriela Wiener. Dans ce récit, la narratrice se découvre un ancêtre huaquero, c'est-à-dire pilleur d'objets péruviens. Elle enquête sur ses origines.
Lecture : Caroline Girard
Réalisation : Michel Bourzeix et Fabienne Charraire
Musique : Thomas Boulard
Extrait lu : Portrait huaco, Gabriela Wiener, Métailié (2023)
Ce podcast a été enregistré dans les studios du Centre Pompidou.