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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Émile Verhaeren, né à Saint-Amand (Anvers, Belgique) en 1855 et mort à Rouen en 1916, est un poète belge d'expression française.


Les poèmes des Campagnes hallucinées (1893) sont noirs et sans espoir. Tout y est lugubre et misérable. Rien ne peut retenir les hommes dans ces campagnes sinistrées et dévastées par la disette, la maladie, la misère. Ils sont condamnés à l'exode. le décor est hallucinant de pauvreté, comme si une catastrophe avait anéantie les plaines alentour.

Les mères traînent à leurs jupes
Leur trousseau long d'enfants bêlants,
Trinqueballés, trinqueballants ;
Les yeux clignants des vieux s'occupent
A refixer, une dernière fois,
Leur coin de terre morne et grise,
Où mord l'averse, où mord la bise,
Où mord le froid.
Suivent les gars des bordes,
Les bras maigres comme des cordes,
Sans plus d'orgueil, sans même plus
Le moindre élan vers les temps révolus
Et le bonheur des autrefois,
Sans plus la force en leurs dix doigts
De se serrer en poings contre le sort
Et la colère de la mort.

Les gens des champs, les gens d'ici
Ont du malheur à l'infini.
(Extrait du poème le départ)



C'est le temps de la révolution industrielle. C'est le temps où les hommes quittent les campagnes espérant trouver des meilleures conditions de vie dans les villes.
C'est le temps de l'urbanisation galopante, de la multiplication des cités ouvrières.



Les poèmes des Villes tentaculaires (1895) sont ceux d'un constat social, la misère est partout et les rêves des hommes, ayant tout quitté, ne sont pas à la hauteur de leur espoir.
Le réalisme de ces poèmes est époustouflant. Les descriptions des différents métiers observés sont implacables de vérité, même gestes toujours recommencés.
Les décors des usines sont étouffants, mortifères, à la limite du fantastique.
Mais ils peuvent être aussi un hymne à la modernité quand ils concernent ceux de la Bourse ou de la Recherche. Enfin, une note d'espoir émerge quand Verhaeren évoque les idées :

Sur la Ville, dont les désirs flamboient
Règnent, sans qu'on les voie,
Mais évidentes, les idées.



Même si dans l'ensemble, le ton donné aux poèmes est lugubre, on est saisi par la puissance des mots, par l'évocation des métiers et de l'effort humain, par la force des descriptions de la ville qui vampirise tous ceux qui l'approchent.
Émile Verhaeren a parfaitement su traduire ce moment charnière entre la fin de l'ère agricole et celle de la révolution industrielle.
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Incursion poétique ce mois-ci chez un poète fin de siècle, au ton résolument réaliste quant au choix d'évoquer, comme Baudelaire, ou encore Rimbaud, avant lui - pour ne citer que quelques exemples -, la ville ou la campagne dans son quotidien le plus prosaïque.

C'est là que réside, comme chez les poètes précités, à mon sens, le talent d'Emile Verhaeren : il parvient, en effet, par une grande musicalité, souvent audacieuse - les schémas strophiques, rimiques et syllabiques respectent davantage la sémantique et la syntaxe que des structures canoniques, modernité poétique oblige -, et par un grand lyrisme qui frôle parfois l'épique - que de personnifications, d'allégories ou métaphores magistrales, même si pas toujours originales - à transcender ces deux lieux emblématiques du progrès économique, technique, industriel... du XIXème siècle qui fait se vider les campagnes au profit des villes, engraissant à vue d'oeil, s'étalant sans crier gare.

Et ces deux lieux emblématiques, tout autant fascinants qu'inquiétants, quant à ce qu'ils racontent, justement, de ce progrès en marche forcée depuis les années 1850, sont perçus avec acuité par un regard poétique, lui aussi fascinant et inquiétant, que j'ai plus qu'apprécié.
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Quel souffle ! Quelle fraîcheur. de la poésie au service du réel, comme c'est agréable. Émile Verhaeren est un virtuose de la langue. Ses poèmes sont des sonates qui sifflent à nos esgourdes comme autant de vers et d'images que de bois et de vents. Rappelons que les recueils dont il est question furent publiés à la toute fin du XIXème siècle. Aussi, les campagnes dont nous parlons sont d'ores et déjà éventées par l'exode rural et les villes, quant à elles, sont devenues industrielles. le livre porte donc un propos politique maquillé sous une esthétique singulière et envoûtante. Amis gourmands de poésie, n'hésitez pas à lire ce poète et à le faire connaître.
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J'avais lu le nom d'Emile Verhaeren dans la biographie de Verlaine par S. Zweig, et je l'ai retrouvé dans l'ouvrage la Commune des écrivains. J'ai donc décidé d'en savoir plus sur l'oeuvre de ce poète.
Et j'ai compris assez vite l'admiration que Zweig lui porte, et surtout pourquoi il le rapproche de Verlaine. Il y a en effet une musicalité dans ce recueil, avec les "chansons d'un fou" dans les Campagnes hallucinées, avec les poèmes "Statue" dans les Villes tentaculaires qui reviennent comme des intermèdes entre deux autres poèmes. Les poèmes contiennent aussi un rythme musical interne, avec de nombreux vers qui reviennent de façon lancinantes comme des refrains : " c'est l'étal flasque et monstrueux de la luxure", "toute la mer va vers la ville"...
Verhaeren se rapproche aussi du Verlaine moderne, celui qui fait entrer en poésie les trains à vapeur, les cheminées d'usine. J'ai d'ailleurs pensé à Joseph Pontus et à ses Feuillets d'usine dans la description de l'ouvrier déshumanisé devenu un simple rouage de la machine : "la parole humaine abolie".
C'est aussi une proximité avec le Verlaine sensuel, voire érotique. Seulement, dans ce double recueil, la chair est triste, flasque, morne. Que ce soit dans les villes ou dans les campagnes, sur le port ou dans les champs, tout le monde n'est animé que par le désir, ou plutôt par le "rut", un terme qui revient à de très nombreuses reprises. On est donc loin des Fêtes galantes ou des Romances sans parole, les prostituées sont trop fardées, les femmes grasses, les marins brutaux... Dans les Campagnes hallucinées, il y aurait peut-être des allusions à Baudelaire et à sa charogne, car même les mortes peuvent être saillies...
Et, pour sortir de la comparaison avec Verlaine, j'ai été frappée par une vision géographique très moderne : la ville s'étend sur la campagne avec ses pollutions, ses miasmes, ses fumées, mais aussi ses idées. J'ai particulièrement apprécié l'omniprésence du rouge et du noir dans ce double recueil, le rouge des fumées, des incendies, de la révolution aussi - dans ce qui est sans doute une allusion à la Commune et à la Semaine sanglante, et le noir de la mort, des cendres, des cadavres et du pourrissement. On sent un anticléricalisme, un esprit révolutionnaire dans les poèmes. Et ce sont ces idées qui contaminent aussi les campagnes ; sauf que la ville elle-même est contaminée par ce que l'auteur ne nomme pas encore la mondialisation - et on retrouve une perspective géographique : les marchandises, les hommes et les idées circulent : la mer - et donc le monde - pénètre la ville.
Un double recueil très riche, qui permet de multitudes interprétations et niveaux de lecture, qui me donne envie d'approfondir l'oeuvre de ce poète.


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Ces poèmes marquent le début de l'essor des villes industrielles et ouvrières au détriment des campagnes.
Aujourd'hui, avec l'avènement du télétravail dû au confinements, on serait plutôt sur un retour vers les campagnes où l'espace est plus accessible.
Ces poèmes du début du siècle passé sont assez sombres et marqués par la mort et j'ai préféré la 1ère partie sur les campagnes rythmée par les chansons de fous.

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