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Premier livre traduit en français d'un auteur « jeunesse » russe à succès, ainsi que son premier livre « pour adultes » (ouille ouille, ouille, que j'ai la flemme de réfléchir ou de donner un avis sur ces distinctions… Je deviens vieux…) avec ce « Sakhaline » à la belle couverture (à part quelques accidents, Actes Sud les soigne bien…) et au pitch familier post-apocalyptique, avec guerre nucléaire et virus foudroyant, mais qui va développer tout cela de manière très surprenante (oui très, très surprenante…), ce qui devrait d'un côté me réjouir (bah oui, l'originalité, tout ça… chouette, non ?), mais qui va surtout m'obliger à disséquer tout cela, moi en premier, n'étant vraiment pas sûr de pouvoir conclure quoi que ce soit (en langage internet/jeune, on pourrait résumer par : une lecture WTF?). … (désolé de toutes ces parenthèses, mais tant qu'à être laborieux…) … Les intentions de l'auteur n'ont rien de clair. Inventant une héroïne issue de l'élite, très au fait de sa supériorité de naissance, nareuse* et peu sensible à ce qui l'entoure (d'un côté, avec ce qui va lui arriver, il vaut mieux…), mais en évacuant systématiquement toute manifestation de « sexisme » qui pourrait advenir (comme dans un fantasme de non-binaire, sur un futur absolument vidé de ces distinctions naturelles), alors qu'elle restera comme l'unique personnage féminin de cette histoire. Mais plus je réfléchis à cet apparent paradoxe, plus je m'enfonce dans une contrée où je n'ai absolument pas envie d'aller traîner… Je me demande juste si l'auteur a volontairement créé un personnage si difficile à s'y identifier, ajoutant à cette forme de désincarnation générale, de folie dure, qui règne dans ce reste d'Humanité (ce qui fait sens, vu ce qu'Elle a vécu…). … Sur les références, elles sont faciles à identifier. En plus de « La Route », on citera l'esthétique pénitentiaire et concentrationnaire chère à Chalamov, Soljenitsyne, Kafka, etc. comme autant de briques littéraires empilables pour construire son décor. L'absence d'une carte en début de livre est une très grave erreur, obligeant le lecteur à s'en procurer une, très probablement grâce à l'ennemi principal de sa concentration : ninternet (sauf pour les esthètes qui disposent d'un magnifique atlas mondial en douze volumes…). … Plutôt bien écrit, ce texte n'est par contre pas très bien structuré. D'autres babéliotes lui reprochent sa linéarité; de mon côté, c'est plutôt son manque de liant entre les scènes qui m'a gêné. Verkine nous raconte un événement (en général assez dur…), pour passer à autre chose sans crier gare (comme volonté d'accentuer cette impression de déshumanisation ?), affadissant ainsi certaines saillies vraiment originales. … Et puis en avançant dans le récit, l'auteur se met à y introduire de vraies incohérences (pas de celles classables dans le registre du fantastique) sans véritable bénéfice narratif, et là encore, on se demande bien pourquoi (comme certaines sont bien soulignées, il y a forcément volonté…). Un long épilogue vient remettre une couche dans ce grand brouillard, ouvrant certaines pistes d'appréciation cryptique à l'ensemble, tout en faisant définitivement basculer ceux qui voulaient juste lire une histoire dans la perplexité. … Pour ma part, je ne sais pas bien où me situer dans tout cela. Une simple histoire post-apo / zombie avec tous ses clichés me tombe des mains en général (comme toute « littérature de genre » bien bornée), donc je devrais être ravi… mais la greffe n'a pas pris, les multiples qualités de ce texte ne faisant oublier ses trop nombreuses failles, et c'est bien dommage, comme s'il avait juste manqué un bon travail d'éditeur / relecteur pour faire de ce livre une véritable oeuvre marquante. … *Nareuse, adjectif et nom (masculin : nareux) : merveilleux mot issu des langues régionales du Nord-Est de la France et De Belgique, enfin entré dans la langue officielle depuis son adoption en 2021 par le Robert, qui en donne une définition simple : « (Personne) qui se montre difficile quant à la propreté de la nourriture et des couverts ; qui éprouve facilement du dégoût. », mais qui par extension désigne un caractère qui trahit une méfiance naturelle de l'autre, souvent accompagné d'un certain narcissisme. Bref, un mot précis qui peut-être jusque là vous manquait, sans que vous ne le sachiez… Merci la langue française ! (quand elle sait évoluer dans le bon sens… à la prochaine leçon, nous apprendrons la différence entre chicons et endives, pour que vous ne fassiez plus la faute…) + Lire la suite |