Dans le recueil « Chair »
La bonne crainte
Le diable de Papefiguière
Eut tort, d’accord, d’être effrayé
De quoi, bons dieux !
Mais que veut-on que je requière
A son encontre, moi qui ai
Peur encor mieux ?
Eh quoi, cette grâce infinie,
Délice, délire, harmonie
De cette chair,
O femme, ô femmes, qu’est la votre
Dont le mol péché qui s’y vautre
M’est si cher
Aboutissant, c’est vrai, par quelles
Ombreuses gentiment venelles
Ou richement,
Légère toison qui ondoie,
Toute de jour, toute de joie.
Innocemment,
Or frisotté comme eau qui vire
Où du soleil tiède se mire
Et qui sent fin,
Lourds copeaux, si minces ! d’ ébène,
Tordus, sans nombre, sous l’haleine
D’étés sans fin,
Aboutissant à cet abîme
Douloureux et gai, sublime,
Mais effrayant-
On dirait- de sauvagerie.
De structure mai équarrie,
Clos et béant
Oh ! oui, j’ai peur, non pas de l’antre
Ni de la façon qu’on y entre
Ni de l’entour,
Mais dès l’entrée effectuée
Dans l’âpre caverne d’amour,
Qu’habituée
Pourtant à l’horreur fraîche et chaude,
Ma tête en larmes et en feu,
Jamais en fraude,
N’y reste un jour, tant vaut le lieu !
Poésie - La lune blanche ... - Paul VERLAINE