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Arthur Rimbaud sur les «
Fêtes galantes » : « C'est fort bizarre, très drôle ; mais vraiment, c'est adorable. »
Après la mort du Roi-soleil à Versailles, une folie de plaisir s'installe au moment de la Régence. le peintre
Antoine Watteau montre dans ses toiles des personnages de la haute société s'adonnant au badinage dans la pénombre de bois ou parcs au son de mandolines. le théâtre et la danse sont présents. Une chronique du temps nous apparaît dans ses toiles : robes à panier, perruques poudrées, visages pales agrémentés de touches rouges, attitudes outrancières. Ce genre pictural est appelé par les académiciens « peintre en festes galantes ».
A part « le pèlerinage à l'île de Cythère » qu'il a dû voir au Louvre,
Paul Verlaine connaît-il vraiment Watteau ? D'autant que ce peintre a été fraîchement redécouvert.
Verlaine a probablement lu le fascicule des frères Goncourt « L'art au 18e siècle » paru en 1864, et s'est familiarisé avec le peintre.
Après son recueil de "
Poème saturniens", de 1867 à 1869,
Verlaine s'inspire de Watteau pour publier ses 22
poèmes des «
Fêtes galantes ». Certaines scènes sont souvent identiques aux toiles du peintre.
Derrière l'évocation des plaisirs chers à Watteau, certains paysages reflètent l'âme du poète, sa propre sensibilité, une profonde mélancolie qui va aller en s'amplifiant au fil des
poèmes. Il est particulièrement triste car sa cousine Élisa, sa demi-soeur qu'il adore, vient de mourir.
Dans les premiers
poèmes, la fête s'exprime :
« Sur l'herbe » :
« — L'abbé divague. — Et toi, marquis,
Tu mets de travers ta perruque.
— Ce vieux vin de Chypre est exquis
Moins, Camargo, que votre nuque. »
« Cythère » :
« Et l'
Amour comblant tout, hormis
La faim, sorbets et confitures
Nous préservent des courbatures. »
« Mandoline » :
« Leurs longues robes à queues,
Leur élégance, leur joie
Et leurs molles ombres bleues
Tourbillonnent dans l'extase
D'une lune rose et grise, »
« Pantomime » :
« Pierrot, qui n'a rien d'un Clitandre,
Vide un flacon sans plus attendre,
Et, pratique, entame un pâté. »
« En bateau » :
« le chevalier Atys, qui gratte
Sa guitare, à Chloris l'ingrate
Lance une oeillade scélérate. »
Puis, progressivement, la fête s'estompe et l'inquiétude est déjà présente dans certains
poèmes.
« Clair de lune » :
« Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L'
amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur
bonheur (…) »
« En sourdine »
« Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera. »
Une solitude s'installe chez les personnages.
« L'
amour par terre » :
« (…) Et des pensers mélancoliques vont
Et viennent dans mon rêve où le chagrin profond
Évoque un avenir solitaire et fatal. »
Les masques finissent par tomber. Dans le poème ci-dessous, le ton est sombre. L'illusion de l'
amour s'exprime dans les propos du couple. Ils sont devenus étrangers l'un à l'autre.
« Colloque sentimental » :
« Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres ont évoqué le passé.
— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?
— Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.
— Ah ! les beaux jours de
bonheur indicible
Où nous joignons nos bouches ! — C'est possible.
— Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
— L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir. »
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