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Cinq Semaines en Ballon tome 0 sur 3
EAN : 9782253005902
372 pages
Le Livre de Poche (26/06/1974)
3.81/5   980 notes
Résumé :
Tenter de traverser l'Afrique d'est en ouest par la voie des airs, prétendre survoler dans sa plus grande largeur le dangereux continent noir à bord d'une fragile nacelle livrée à tous les caprices des vents, c'était, au temps de Jules Verne, une entreprise d'une audace incroyable. Comme on peut s'y attendre, les cinq semaines qu'il faudra au docteur Fergusson et à ses deux compagnons pour y parvenir seront pleines d'imprévu et de péripéties.
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Critiques, Analyses et Avis (82) Voir plus Ajouter une critique
3,81

sur 980 notes
Qu'est-ce qu'un plaisir coupable ? Ce sera le thème d'aujourd'hui. Je lance la discussion avec une de mes si intelligentes, si délicieuses, si excellentissimes critiques et je vous attends en commentaires.


L'année dernière - ah ouais, je vais encore raconter ma vie -, le 5 juin exactement (là, je me rends compte que j'aurais dû écrire cette critique le 5 juin de cette année pour que tout soit parfait, premier faux pas de ma part), donc le 5 juin 2022 (on va y arriver!), je me rends à un truc que j'appellerai festival littéraire faute de mieux, ou événement littéraire, ou ce que vous voulez.


J'y vais parce que, pour une fois, le thème - les utopies - m'intéresse, qu'il y a Estelle Faye en invitée et que, cerise sur le gâteau, François Angelier est également invité. J'adore Mauvais genres, j'adore écouter Angelier, et vu qu'il vient pour parler de Jules Verne et du tome 2, ou bien du tome 1, enfin je sais plus et d'ailleurs on s'en fout, des Voyages dans les mondes connus et inconnus de Jules Verne (c'est l'autre titre des Voyages extraordinaires), je me dis que pour l'occasion et au cas où j'aurais l'opportunité incroyable de parler avec François Angelier (en fait j'ai déjà discuté avec lui sur Facebook il y a un moment, mais c'est pas pareil, je m'imagine que c'est forcément mieux en vrai, je sais pas trop pourquoi, parce qu'en fait c'est con de se dire ça)... J'espère que vous suivez parce que je suis pas loin de battre Proust côté phrases qui partent en digressions, mais en moins long, faut pas exagérer non plus, et surtout, en moins bien... Donc. Donc pour l'occasion je lis un livre qui traîne depuis à peu près 25 ans sur mes étagères et dont j'ai toujours repoussé la lecture, sans savoir très bien pourquoi : Cinq semaines en ballon (on va arriver au sujet, on est bien, là).


Au cas où ça vous intéresserait, j'ai pas pu poser une seule question à Angelier parce que l'adjointe à la culture a décidé que faire des discours et donner dans l'auto-satisfaction, c'est bien plus important que les échanges entre le public et les auteurs invités à Clameurs ou à n'importe quoi d'autre. Mais quel rapport avec la notion de plaisir coupable ? (me direz-vous)


J'ai entendu récemment une jeune femme dire qu'elle ne comprenait pourquoi écouter ou chanter Mylène Farmer (mais peut-on écouter Mylène Farmer sans chanter ? Je pense que non, perso je chante toujours quand j'entends du Mylène Farmer, je connais presque toutes les paroles de presque toutes les chansons)... Cette jeune femme disait donc qu'elle ne voyait pas pourquoi Mylène Farmer devrait forcément relever du plaisir coupable, et que d'ailleurs elle ne comprenait pas la notion de plaisir coupable. Effectivement, ça paraît idiot de vouloir culpabiliser les gens qui aiment Mylène Farmer (hier encore, mon copain me disait que Mylène Farmer était mon point faible et mon gros défaut, vous comprenez pourquoi je prends le sujet à coeur).


Et il y a quelques jours, je me dis que quand même, faudrait que je revienne un peu sur Babelio et que je me mette à réécrire des critiques (vous voyez pas le lien avec Mylène Farmer, c'est normal, cette critique est tout sauf quelque chose de linéaire, bref, ça va venir, vous allez comprendre. Si vous êtes un chouïa persévérants, bon courage à vous). Donc. Revenir sur Babelio, oui, écrire une critique, oui, mais sur quoi ? J'ai un rythme de lecture assez affligeant depuis... depuis je-préfère-pas-compter, et en plus j'avais pas envie de faire un truc intello, ou d'écrire à propos d'un truc intello (c'est pas comme si je devais, d'ici cinq jours, rendre une critique sur un bouquin qui parle d'une oeuvre de Mucha pas trop connue, hum).


Par conséquent, et vu que je n'ai jamais écrit de critique après avoir lu Cinq semaines en ballon, je me dis "Allez, hop, c'est parti !" le hic, c'est que ça fait un sacré moment (un an, si vous avez suivi et que vous n'avez pas encore abandonné la partie, ce qui est franchement admirable de votre part) que je songe à cette potentielle critique et que je bute sur quelque chose dont je ne sais pas très bien comment parler. Et c'est là, que me revient ce qu'a dit la jeune femme dont j'ai parlé plus haut. Et que je me dis : "Mais c'est ça un plaisir coupable ! Cinq semaines en ballon, c'est carrément un plaisir coupable !"


Parce que j'ai passé un moment très plaisant à lire Cinq semaines en ballon, certes, mais ce moment a été entrecoupé plus souvent que nécessaire par des "Putain, mais c'est raciste comme pas possible !!!" Alors vous allez me dire : "Te fous pas de nous, t'as lu Les Enfants du capitaine Grant et t'as déjà dit que c'était raciste (et en même temps pas raciste par moments, Jules Verne m'étonne toujours), et puis c'est pas comme si t'étais pas une fan de Lovecraft. Et vous aurez raison. J'adore Lovecraft, et pourtant, il était raciste, ça ne fait aucun doute. Et ça ne m'empêche pas d'aimer ses fictions (je suis légèrement plus réservée sur certains extraits de sa correspondance qu'il m'a été donné de lire et qui sont... On aura l'occasion d'en reparler, quand j'aurai enfin lu sa bio par Joshi). Ben oui. Mais quand même. Je ne veux même pas vous donner d'exemples tirés de Cinq semaines en ballon, j'aurais l'impression d'être un député du Front national.


Alors François Angelier, qui est un spécialiste de Jules Verne, je l'ai entendu parler de Cinq semaines en ballon et j'ai trouvé qu'il occultait le truc. Ce qu'il dit d'autre sur le roman est très intéressant, mais il ne mentionne pas ces relents de racisme, certes très courants au XIXème siècle (et y'a pas besoin de remonter si loin, d'ailleurs). Mais enfin, après tout, à une époque où il paraissait tellement normal aux artistes, ou aux bourgeois et à bien d'autres hommes d'aller se taper une prostituée, Flaubert disait un truc, ou du moins on lui prête une citation que je vais retrouver, laissez-moi un moment... (Allez boire un thé en attendant, ça risque de prendre du temps) Me revoilà ! Alors je suis tombée sur deux ou trois trucs qui infirment complètement ce que j'allais dire sur Flaubert, donc soit j'ai lu ou entendu quelque chose de parfaitement faux sur Flaubert et la prostitution, soit j'ai rien compris, soit je confonds Flaubert avec quelqu'un d'autre. Passons. Voici ce que je veux dire en substance : c'est pas parce que presque tout le monde est raciste que t'es obligé d'écrire un roman grave raciste, en plus adressé aux enfants (enfin aux garçons, parce que bon, Hetzel, l'éditeur de Jules Verne, voulait bien essayer de relever le niveau de la littérature jeunesse pour les garçons, mais les filles, hein... Ben c'était que des filles quoi. Bon, je m'arrête là, parce qu'en plus du sujet du racisme on va se retrouver à parler de misogynie, et au final de toutes les discriminations possibles et imaginables. Et on s'en sortira pas si on fait ça. Une chose après l'autre.)


Et que je sois claire. Cinq semaines en ballon ne se résume pas à un "roman raciste". Jules (on va l'appeler Jules, ça va plus vite) avait proposé à Hetzel quelque chose de très différent au départ, un truc apparemment chiant, en tout cas assez pour que Hetzel le refuse et lui demande d'écrire autre chose (de mieux, ça va sans dire). Il a bien fait, puisque Jules va pondre Cinq semaines en ballon, qui contient déjà une bonne partie du programme des Voyages extraordinaires. Voyage et aventure, évidemment, mais aussi le duo de l'aristocrate et du loustic (le mot est employé par Jules Verne dans Cinq semaines en ballon), qu'on retrouvera notamment dans le tour du monde en quatre-vingts jours, ainsi qu'une "machine" d'une technologie remarquable mais... (je ne veux pas divulgâcher). Et puis il y a les mythiques sources du Nil, que Richard Francis Burton avait ardemment recherchées, et puis, et puis, et puis.


Le gros de l'histoire tient en peu de lignes (si, si) : un savant anglais, le Dr Fergusson, a pour ambition de rejoindre les sources du Nil à partir de Zanzibar, et de compléter, si l'on veut, le morceau de la carte de l'Afrique qu'on n'a pas encore explorée, entre les sources du Nil et d'autres sources (j'ai oublié lesquelles, d'ailleurs c'est peut-être même pas des sources). Mais surtout, il ne veut pas faire ce voyage n'importe comment, mais à bord d'un ballon gonflé à l'hydrogène et doté d'un système de son invention que je ne vous dévoilerai pas car je n'en ai rien retenu, si ce n'est que le ballon externe est doublé d'un autre ballon, interne, et que ce système doit permettre de monter et descendre à volonté, ce qui est en soi une immense prouesse technologique - et c'est tout ce que vous avez besoin de savoir. le voilà donc parti avec son ballon, son domestique Joe et son meilleur pote, chasseur invétéré, ce qui est bien pratique quand on est à cours de provisions et qu'on a besoin de se restaurer en cours route (perso, je mange pas de viande, je sais donc pas ce que je mangerais si je devais me retrouver dans une situation identique. Je doute de trouver du tofu sur le chemin.)


Évidemment, même si la technologie du Dr Fergusson donne de très bon résultats, tout ne va pas se passer comme prévu, par conséquent le ballon et ses passagers vont connaître quelques moments pas mal mouvementés et quelques soucis de ci de là, sinon ça serait ennuyeux à mourir. le suspens marche bien, c'est pas aussi palpitant, ni aussi drôle que le Tour du monde en quatre-vingt jours, mais ça se lit très bien. Sauf que c'est raciste, et raciste façon XIXème (je vous laisse imaginer le genre de trucs que peuvent dire les personnages sur les Africains...) Et c'est très étrange, parce que Joe fait des remarques, régulièrement, qui tendent à relativiser ce racisme très colonialiste, ce sentiment de supériorité de l'homme blanc typique de l'époque. Sauf que je ne sais pas si Jules Verne, par le biais du personnage de Joe, cherche justement à montrer que juger trop rapidement d'autres peuples à l'aune de nos critères européens, c'est pas forcément judicieux, ou si, tout simplement, Joe est un personnage qui prend les choses comme elles viennent (et François Angelier, si j'ai bien compris, privilégie cette seconde option).


Il y a un passage qui m'a beaucoup marquée, où le ballon survole une guerre entre deux peuples. Nos trois personnages assistent à cette guerre impitoyable depuis le ciel (ils sont pas plus rassurés que ça, faudrait pas que le ballon les lâche et qu'ils se retrouvent au milieu de plein de gars en train de se massacrer les uns les autres), Joe s'offusque de la sauvagerie de ces gens, le pote de Fergusson lui dit un truc du genre "Ben oui, mais c'est la guerre, et chez nous c'est pas bien joli non plus", et là Joe répond quelque chose comme "Mais oui, bien sûr, on n'a qu'à leur mettre des uniformes sur le dos, et c'est la même chose que chez nous. Au final, c'est partout pareil." Donc, le message de Jules Verne est pas franchement clair, et même constamment brouillé, constamment tiraillé entre les pires clichés et une tendance assez nette à relativiser l'utilisation de ces mêmes clichés. On trouve la même problématique dans Les Enfants du capitaine Grant, notamment dans la scène fameuse où Paganel explique pourquoi le cannibalisme des Néo-Zélandais est somme toute logique et que Mac Nabbs lui répond "Qu'il soit logique ou non d'être mangé, nous ne voulons pas qu'on nous mange." (Je suis une fan absolue de cette réplique.)


Donc, au final, je dirai ceci (tout ça pour ça, eh oui...) : c'est pas le meilleur Jules Verne mais c'est un Jules Verne d'une bonne facture (contrairement aux Tribulations d'un Chinois en Chine, qui est chiant comme la pluie), et particulièrement intéressant si vous êtes déjà un peu amateur de l'auteur. Mais que je donnerais pas vraiment à lire à des enfants, cela dit, et qui restera toujours pour moi, je crois, un plaisir coupable.
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Dans ce récit, publié en 1863, le romancier de science-fiction et d 'anticipation, Jules Verne narre l' expédition menée par le savant et explorateur, le docteur Samuel Fergusson avec
ses deux compagnons, Robert Kennedy et Joseph Wilson.
Tenter une telle aventure au moyen d' un ballon ne sera pas un voyage facile ni une sinécure mais les explorateurs sont intrépides ! Cette expédition patronnée par la Société de Géographie a pour but de connaître la source du fleuve, le Nil et son cheminement en Afrique. L' expédition débutera de Zanzibar sur la côte-est de l 'Afrique.
Au cours de leur périple, les explorateurs auront à survoler le lac Victoria, le lac Tchad. Durant les cinq semaines de cette expédition, ces voyageurs-explorateurs auront à connaître pas mal de surprises.
Une lecture intéressante et plaisante à lire .
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« Cinq semaines en ballon », le premier des jules Verne estampillé « Les voyages extraordinaires » et le premier Hetzel ; et le premier que j'ai lu.
Un livre qui reste un récit de voyage, mais aussi une aventure humaine. Quand on y pense, trois hommes, cinq semaines dans cette étroite nacelle : il y a d'abord l'inventeur du ballon, Samuel Fergusson et son ami Dick Kennedy ; enfin son domestique, Joe …
Leur but ? Survoler l'Afrique. de Zanzibar, ils rejoindront, non sans de multiples aventures, le Sénégal, terme des cinq semaines de voyage.

Ce sera pour Jules Verne une occasion de parler technique avec cette nouvelle forme de ballon gonflé à l'hydrogène, mais aussi d'histoire, et surtout de géographie dans tous les sens du terme.
Replaçons nous dans l'époque : nous sommes en 1863, et l'Afrique reste un continent largement inexploré. Certes les grandes expéditions maritimes du temps de Christophe Colomb (voir « L'entreprise des Indes » de E. Orsenna) ont permis de « dégrossir » les contours maritimes, mais l'exploration du centre du continent est encore d'actualité.

Amateur de littérature du XIXème siècle, je ne peux pas me défaire de la contemporanéité des publications de Jules Verne et de Zola : même si Zola « démarrera » sa carrière alors que Jules Verne aura déjà quelques succès de librairie (il est plus vieux de douze ans) à son actif, la majeure partie de leurs deux oeuvres est contemporaine. Et quelle différence saisissante ! Autant dans le style que dans les thèmes abordés.
Même s'il est un peu stupide de comparer ces deux monuments de la littérature française, j'assume et reste un inconditionnel de Zola.

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Le premier des voyages extraordinaires de Jules Verne.
J'ai trouvé une certaine ressemblance avec le tour du monde en 80 jours. Un homme, Fergusson, savant assez placide part en voyage avec son valet. Il y a d'ailleurs un certain mimétisme entre Passe-partout et Joe, la fidélité à toute épreuve, les qualités physiques. Dans ce périple il y a un troisième larron Dick Kennedy, l'ami qui n'a aucune envie d'effectuer cette exploration mais embarque lui aussi par fidélité.

L'idée est de traverser d'est en ouest l'Afrique, le continent encore inconnu bien que de nombreuses explorations par la terre lui ait été consacrées. Celles-ci sont d'ailleurs rappelées, Fergusson se proposant d'en retrouver les traces. Toujours le côté pédagogique.

Une assez longue première partie explique en détail la conception du ballon et celle de l'invention du docteur Fergusson. Sans doute passionnante pour ceux qui s'intéressent aux aspects techniques de l'aventure, elle m'a paru assez rébarbative. J'ai même failli arrêter ma lecture, mais il y a longtemps que je m'étais promis de le lire, aussi ai-je continué. Il m'a fallu pas mal de temps pour être vraiment transportée dans cette nacelle. J'ai trouvé le voyage un peu monotone malgré les péripéties, des rencontres mouvementée avec les autochtones, un orage, un sauvetage… L'intérêt à tout de même augmenté au fil des pages.


Ce qui m'a encore frappée est le mélange chez Jules Verne des idées de son temps : un racisme qui n'a pas conscience de l'être, et d'une vision prophétique des risques de la science malgré son amour pour elle. Voir l'extrait ou les “ nègres” sont confondus avec des singes tandis que la bombe atomique créé par les Américains est annoncée.

Je me suis demandé pourquoi Verne avait choisi des héros anglais. Si quelqu'un a une explication ?

Challenge 19e siècle
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De courageux explorateurs anglais veulent découvrir les sources du Nil : traverser l'Afrique, là où tant d'autres ont trouvé la mort, là où certains ont dû rebrousser chemin. le docteur Fergusson, le commandant de la mission, montre un sang-froid exceptionnel. du début jusqu'à la fin, on ne s'ennuie pas un instant, car Fergusson et son équipage doivent braver les pires dangers et le manque de vivres. L'équipage du ballon, le Victoria, rencontre des tribus barbares et les combats sont bien décrits. de nombreuses informations scientifiques sont communiquées régulièrement, comme la vitesse du Victoria, son altitude, et la température du chalumeau, ce qui, en tant que scientifique en herbe, m'intéresse beaucoup.
Heureusement que Jules Verne a écrit de nombreux romans, sinon, qu'est-ce que je m'ennuierais !
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Citations et extraits (104) Voir plus Ajouter une citation
Il y avait une grande affluence d’auditeurs, le 14 janvier 1862, à la séance de la Société royale géographique de Londres, Waterloo place, 3. Le président, Sir Francis M…, faisait à ses honorables collègues une importante communication dans un discours fréquemment interrompu par les applaudissements.
Ce rare morceau d’éloquence se terminait enfin par quelques phrases ronflantes dans lesquelles le patriotisme se déversait à pleines périodes :
« L’Angleterre a toujours marché à la tête des nations (car, on l’a remarqué, les nations marchent universellement à la tête les unes des autres), par l’intrépidité de ses voyageurs dans la voie des découvertes géographiques. (Assentiments nombreux.) Le docteur Samuel Fergusson, l’un de ses glorieux enfants, ne faillira pas à son origine. (De toutes parts : Non ! non !) Cette tentative, si elle réussit (elle réussira !) reliera, en les complétant, les notions éparses de la cartologie africaine (véhémente approbation), et si elle échoue (jamais ! jamais !), elle restera du moins comme l’une des plus audacieuses conceptions du génie humain ! (Trépignements frénétiques.)
– Hourra ! hourra ! fit l’assemblée, électrisée par ces émouvantes paroles.
– Hourra pour l’intrépide Fergusson ! » s’écria l’un des membres les plus expansifs de l’auditoire.
Des cris enthousiastes retentirent. Le nom de Fergusson éclata dans toutes les bouches, et nous sommes fondés à croire qu’il gagna singulièrement à passer par des gosiers anglais. La salle des séances en fut ébranlée.
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En voilà un assaut ! dit Joe.
– Nous t’avions cru assiégé par des indigènes.
– Ce n’étaient que des singes, heureusement ! répondit le
docteur.
– De loin, la différence n’est pas grande, mon cher Samuel.
– Ni même de près, répliqua Joe
– Et sait-on, répliqua le docteur, si quelque jour cette
contrée ne deviendra pas le centre de la civilisation ? Les peu-
ples de l’avenir s’y porteront peut-être, quand les régions de
l’Europe se seront épuisées à nourrir leurs habitants.
– Tu crois cela ? fit Kennedy.
– Sans doute, mon cher Dick. Vois la marche des événe-
ments ; considère les migrations successives des peuples, et tu
arriveras à la même conclusion que moi. L’Asie est la première
nourrice du monde, n’est-il pas vrai ? Pendant quatre mille ans
peut-être, elle travaille, elle est fécondée, elle produit, et puis
quand les pierres ont poussé là où poussaient les moissons do-
rées d’Homère, ses enfants abandonnent son sein épuisé et flé-
tri. Tu les vois alors se jeter sur l’Europe, jeune et puissante, qui
les nourrit depuis deux mille ans. Mais déjà sa fertilité se perd ;
ses facultés productrices diminuent chaque jour ; ces maladies
nouvelles dont sont frappés chaque année les produits de la
terre, ces fausses récoltes, ces insuffisantes ressources, tout cela
est le signe certain d’une vitalité qui s’altère, d’un épuisement
prochain. Aussi voyons-nous déjà les peuples se précipiter aux
nourrissantes mamelles de l’Amérique, comme à une source
non pas inépuisable, mais encore inépuisée. À son tour, ce nou-
veau continent se fera vieux, ses forêts vierges tomberont sous
la hache de l’industrie ; son sol s’affaiblira pour avoir trop pro-
duit ce qu’on lui aura trop demandé ; là où deux moissons
s’épanouissaient chaque année, à peine une sortira-t-elle de ces
terrains à bout de forces. Alors l’Afrique offrira aux races nou-
velles les trésors accumulés depuis des siècles dans son sein.
Ces climats fatals aux étrangers s’épureront par les assolements
et les drainages ; ces eaux éparses se réuniront dans un lit com-
mun pour former une artère navigable. Et ce pays sur lequel
nous planons, plus fertile, plus riche, plus vital que les autres,
deviendra quelque grand royaume, où se produiront des décou-
vertes plus étonnantes encore que la vapeur et l’électricité.
– Ah ! monsieur, dit Joe, je voudrais bien voir cela.
– Tu t’es levé trop matin, mon garçon.
– D’ailleurs, dit Kennedy, cela sera peut-être une fort en-
nuyeuse époque que celle où l’industrie absorbera tout à son
profit ! À force d’inventer des machines, les hommes se feront
dévorer par elles ! Je me suis toujours figuré que le dernier jour
du monde sera celui où quelque immense chaudière chauffée à
trois milliards d’atmosphères fera sauter notre globe !
– Et j’ajoute, dit Joe, que les Américains n’auront pas été
les derniers à travailler à la machine !

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Le Victoria faisait peu de chemin, et le vent semblait vouloir ménager son précieux fardeau.

Joe signala vers le soir une lueur immense dans l'ouest. Sous des latitudes plus élevées, on eût pu croire une vaste aurore boréale ; le ciel paraissait en feu. Le docteur vint examiner attentivement ce phénomène.

" Ce ne peut être qu'un volcan en activité, dit-il.
- Mais le vent nous porte au-dessus, répliqua Kennedy.
- Eh bien ! nous le franchirons à une hauteur rassurante."

Trois heures après le Victoria se trouvait en pleines montagnes ; sa position exacte était par 24° 15' de longitude et 4° 42' de latitude ; devant lui, un ciel embrasé déversait des torrents de lave en fusion, et projetait des quartiers de roches à une grande élévation ; il y avait des coulées de feu liquide qui retombaient en cascades éblouissantes. Magnifique et dangereux spectacle, car le vent, avec une fixité constante, portait le ballon vers cette atmosphère incendiée.

Cet obstacle que l'on ne pouvait tourner, il fallut le franchir ; le chalumeau fut développé à toute flamme, et le Victoria parvint à six mille pieds, laissant entre le volcan et lui un espace de plus de trois cents toises.
De son lit de douleur, le prêtre mourant put contempler ce cratère en feu d'où s'échappaient avec fracas mille gerbes éblouissantes.

(Chapitre XXII)
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-Faites entrer le docteur Fergusson dit simplement Sir Francis M.. .
Et le docteur entra au milieu d'un tonnerre d'applaudissements, pas le moins du monde ému d'ailleurs .
C' était un homme d'une quarantaine d'années, de taille et de constitution ordinaires ; son tempérament sanguin se trahissait par une coloration foncée du visage ; il avait une figure froide, aux traits réguliers, avec un nez fort, le nez en proue de vaisseau de l'homme prédestiné aux découvertes ; ses yeux fort doux, plus intelligents que hardis, donnaient un grand charme à sa physionomie ; ses bras étaient longs, et ses pieds se posaient à terre avec l' aplomb du grand marcheur .
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- Et sait-on, répliqua le docteur, si quelque jour cette contrée ne deviendra pas le centre de la civilisation? Les peuples de l’avenir s’y porteront peut-être, quand les régions de l’Europe se seront épuisées à nourrir leurs habitants.
- Tu crois cela? fit Kennedy.
- Sans doute, mon cher Dick. Vois la marche des événements; considère les migrations successives des peuples, et tu arriveras à la même conclusion que moi. L’Asie est la première nourrice du monde, n’est-il pas vrai ? Pendant quatre mille ans peut-être, elle travaille, elle est fécondée, elle produit, et puis quand les pierres ont poussé là où poussaient les moissons dorées d’Homère, ses enfants abandonnent son sein épuisé et flétri. Tu les vois alors se jeter sur l’Europe, jeune et puissante, qui les nourrit depuis deux mille ans. Mais déjà sa fertilité se perd; ses facultés productrices diminuent chaque jour; ces maladies nouvelles dont sont frappées chaque année les produits de la terre, ces fausses récoltes, ces insuffisantes ressources, tout cela est le signe certain d’une vitalité qui s’altère, d’un épuisement prochain. Aussi voyons-nous déjà les peuples se précipiter aux nourrissantes mamelles de l’Amérique, comme à une source non pas inépuisable, mais encore inépuisée. A son tour, ce nouveau continent se fera vieux; ses forêts vierges tomberont sous la hache de l’industrie; son sol s’affaiblira pour avoir trop produit ce qu’on lui aura trop demandé; là où deux moissons s’épanouissaient chaque année, à peine une sortira-t-elle de ces terrains à bout de forces. Alors l’Afrique offrira aux races nouvelles les trésors accumulés depuis des siècles dans son sein. Ces climats fatals aux étrangers s’épureront par les assolements et les drainages; ces eaux éparses se réuniront dans un lit commun pour former une artère navigable. Et ce pays sur lequel nous planons, plus fertile, plus riche, plus vital que les autres, deviendra quelque grand royaume, où se produiront des découvertes plus étonnantes encore que la vapeur et l’électricité.
- Ah! monsieur, dit Joe, je voudrais bien voir cela.
- Tu t’es levé trop matin, mon garçon.
- D’ailleurs, dit Kennedy, cela sera peut-être une fort ennuyeuse époque que celle où l’industrie absorbera tout à son profit! A force d’inventer des machines, les hommes se feront dévorer par elles! Je me suis toujours figuré que le dernier jour du monde sera celui où quelque immense chaudière chauffée à trois milliards d’atmosphères fera sauter notre globe!
- Et j’ajoute, dit Joe, que les Américains n’auront pas été les derniers à travailler à la machine.
- En effet, répondit le docteur, ce sont de grands chaudronniers! Mais, sans nous laisser emporter à de semblables discussions, contentons-nous d’admirer cette terre de la Lune, puisqu’il nous est donné de la voir. »
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Vidéo de Jules Verne
In the same year that Jules Verne published Around the World in 80 Days, Henri Cernuschi set foot in Asia – the ultimate goal of a journey that would give rise to one of the most impressive collections of Asian art in Europe. Starting in Japan before moving on to China, Indonesia, Ceylon and India, our traveller was struck by the artistic wealth of the countries he visited. In a matter of months, he collected several thousand objects, particularly bronzes, whose value he was the first to understand.
Upon returning to Paris, Cernuschi immediately exhibited his collection. Artists and craftsmen of the time were quick to view his Chinese and Japanese pieces as extraordinary sources of inspiration. The range of shapes and patterns and the technical innovation showcased in Cernuschi's collection became models for an entire generation of creators. True to his visionary intuitions, Cernuschi had an hôtel particulier built, which he designed as a museum space from the get-go. This property would go on to become the City of Paris' museum of Asian arts by the end of the 19th century.
This exhibition celebrates the 150th anniversary of Cernuschi's return from Asia and invites the public to rediscover the traveller's journey and the collector's contributions to the revolution in taste that would become known as “Japonisme”. From the start of the tour and throughout the exhibition, a projection and five audio stations punctuate the display, with each step painting a portrait of this outstanding collector.
New for this anniversary, this summer the museum's permanent collections will unveil restored Japanese sculpted dragons, which have not been exhibited in their entirety since 1930.
En savoir plus sur l'exposition : www.parismusees.paris.fr/en/exposition/return-from-asia
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