Énième Jules Verne mais dans un style complètement différent de ce à quoi j'ai été habitué, Face au drapeau est plutôt sombre. N'empêche, on retrouve plusieurs éléments familiers, à commencer par un protagoniste dans la lignée de ces héros romantiques. Simon Hart, alias Gaydon, est dévoué, prêt à tout pour réussir sa mission. Parfait ? Pour l'instant, il veille sur un compatriote, l'inventeur français Thomas Roch. Sa dernière invention, le Fulgurateur Roch (encore une fois, Jules Verne se fait visionnaire ou prophète, le roman ayant été écrit en 1896), a été refusée par les gouvernements occidentaux et on préfère l'interner plutôt que de voir son arme entre des mains étrangères ou ennemies. Ainsi donc, alors que sa santé mentale décline, il est retenu dans une maison de repos en Caroline du Sud. Mais c'était sans compter sur des pirates modernes…
En effet, assez rapidement, le comte d'Artigas (visiblement un nom d'emprunt derrière lequel se cache un redoutable ennemi) enlève les deux Français. le voyage sur la goélette Ebba est un peu long, j'ai lu rapidement cette partie. L'arrivée sur l'îlot Back-Cup a ravivé mon intérêt. C'est un repère parfait pour des pirates modernes, pas très loin des Bermudes, et il contient une caverne immense en son creux. Ça m'a rappelé les films de James Bond… Malheureusement, l'action traine ici aussi. Pourtant, c'est rempli de nombreuses péripéties, mais elles sont sans conséquences, très peu en lien direct avec l'intrigue principale. Éventuellement, les secours arrivent (il ne pouvait en être autrement), et en sous-marin, rien de moins. Il faut dire qu'à l'époque, le submersible était une technologie militaire relativement nouvelle, encore en expérimentation. Les rebondissements n'en finissent plus et aboutissent à une finale grandiose et inattendue. Face au drapeau est un roman pessimiste, où l'on peut voir le danger de l'armement. C'est ce qui en fait l'originalité, selon moi, parce que sa lecture ne m'a pas emballée.
Que vaut-il mieux ? Un savant « fou » qui invente une arme de destruction massive ? Ou un savant « pas fou » qui lui aussi invente une arme de destruction massive ? L'un et l'autre se valent, sans doute, et sont tous deux condamnables, même s'ils argumentent que l'arme est plutôt défensive qu'offensive. C'est ce que pensent (en tous cas j'espère) les lecteurs du XXIème siècle. En 1896, on n'en est pas encore là, et l'armement militaire est (déjà) un sujet à la fois stratégique et économique, d'autant qu'en coulisse les partisans d'une revanche contre l'Empire allemand aimeraient bien effacer l'humiliation de 1870.
« Face au drapeau » est l'histoire d'un savant français, Thomas Roch, qui a inventé une bombe d'une puissance inouïe et d'une force destructrice inégalée. Conscient de l'intérêt que peut susciter cette invention, il en demande un prix exorbitant à différents gouvernements, mais aucun ne peut le suivre dans cette voie. Il finit interné dans une maison de repos américaine. C'est là qu'il est enlevé, avec son infirmier, par un commando spécialisé, à la tête duquel figure l'énigmatique comte d'Artigas. Entraîné avec l'infirmier (qui est en réalité un espion français dont la mission est de soutirer à Roch le secret de son invention), il est emprisonné dans la base secrète du comte, une grotte sous-marine qui rappelle celle du capitaine Nemo dans l'île mystérieuse. Artigas, sous le nom duquel se cache Ker-Karraje, le redoutable pirate, oblige Roch à tirer sur des bateaux militaires qui croisent à proximité.
En 1896, Jules Verne est dans la dernière partie de sa vie et de son oeuvre : toute deux sont marquées par un pessimisme profond et par une inquiétude sur les progrès de la science. Les romans qu'il écrit dans ces dernières années du XIXème siècle ne sont pas comparables à ceux qui ont fait sa gloire entre 1860 et 1890. Non pas qu'ils ne soient pas intéressants (quelques-uns sont des chefs-d'oeuvre comme « le Château des Carpathes », « Face au drapeau » ou « le Sphinx des glaces ») mais on sent moins la « patte » du maître, la science est moins présente, souvent elle est montrée comme futile, ludique ou carrément dangereuse ; la manière de Jules Verne a changé : il se tourne volontiers vers des romans qui penchent vers le policier, l'espionnage, le politique, et s'éloigne du roman d'aventure et de voyage (voire de robinsonnade) qui faisait florès autrefois. Jules Verne essaye de faire du neuf avec du vieux : Artigas est un sous-Nemo, comme son sous-marin est un sous-Nautilus. Et quand l'auteur veut secouer la fibre patriotique, c'est avec de gros sabots. Ainsi le premier bateau visé par la bombe est sans doute un croiseur allemand : « le pavillon n'est pas hissé ; mais, par sa construction, il me semble bien que ce navire est d'une nationalité qui ne saurait être très sympathique à un Français ».
« Face au drapeau » reste toutefois un des grands romans de Jules Verne, même s'il ne figure pas parmi les plus connus, en particulier pour les raisons que je viens de citer. Mais on y retrouve beaucoup d'éléments rencontrés dans l'oeuvre antérieure, qui en font un roman vernien par excellence : un savant fou (ou pas loin), un personnage démiurge mystérieux, une grotte sous une île, un engin sous-marin, une histoire de balistique, des pirates, des volcans et… pas de femmes ! Et ça se lit toujours aussi bien.
Il n'existe qu'une adaptation au cinéma mais elle est somptueuse : En 1957, le réalisateur tchèque Karel Zeman réalise « Aventures fantastiques », projeté aussi sous le titre « L'Invention diabolique », dont la principale caractéristique est de faire évoluer des acteurs en chair et en os devant un décor issu tout droit des illustrations d'origine des romans de Jules Verne, signées entre autres Riou ou Bennett. le résultat est de toute beauté, un des plus beaux hommages à l'auteur, et un chef-d'oeuvre d'adaptation.
Thomas Roch est l'inventeur génial d'une arme terrible mais il est aigri car aucun gouvernement n'est prêt à payer le prix fabuleux qu'il en demande. Interné par le gouvernement pour maintenir son secret, il est contacté par deux étranges visiteurs le Comte d'Artigas et le capitaine Spade, qui finissent par l'enlever...
Un excellent roman, peut-être un peu moins réussi mais surtout moins connu que les autres ouvrages de Jules Verne, où transparaît l'inquiétude de l'auteur pour la technologie grandissante de l'industrie des armes et son dédain pour un certain patriotisme qu'il fait ressembler à du nationalisme.
Bon roman de Jules Verne.
L'histoire : Thomas Roch invente un explosif révolutionnaire et veut le vendre à un prix exorbitant. Il se fait enlever par le mystérieux et richissime Comte d'Artigas.
Extrait :
Il n'y avait aucun inconvénient à lui promettre une somme si énorme qu'elle fût. «Combien... combien ?... répétait-il.
- Dix millions de dollars, répondit Gaydon.
- Dix millions ?... s'écria Thomas Roch. Dix millions... un Fulgurateur dont la puissance est dix millions de fois supérieure à tout ce qu'on a fait jusqu'ici ?... Dix millions... un projectile autopropulsif qui peut, en éclatant, étendre sa puissance destructive sur dix mille mètres carrés !... Dix millions... le seul déflagrateur capable de provoquer son explosion !... Mais toutes les richesses du monde ne suffiraient pas à payer le secret de mon engin, et plutôt que de le livrer à ce prix, je me couperais la langue avec les dents !... Dix millions, quand cela vaut un milliard... un milliard... un milliard !...»
Face au drapeau, par son thème, est un roman typique de l'oeuvre de Jules Verne. D'ailleurs, avec son vaisseau sous-marin et le mystérieux comte d'Artigas, il rappelle L'île mystérieuse – qui est largement plus réussi, soit dit en passant.
Première critique, l'histoire ne m'a pas transcendé : un savant fou, Thomas Roch, qui a inventé une arme effroyable tombe entre les mains de pirates sans scrupule cachés à l'intérieur d'une île caverneuse des Bermudes. Pas très original, mais soit. Ensuite, les écrits du narrateur, l'ingénieur Simon Hart, bien que réalistes sur le fond, ne me semblent pas vraiment crédibles sur la forme. Enfin, le dénouement est un peu rapide, je trouve, surtout qu'il est gâché par le titre qui le trahit de façon tellement évidente !
Bref, ce n'est pas le meilleur de Jules Verne. Mais comme le roman est court, et qu'on est un fan inconditionnel, on lui pardonne, hein ?
Le personnage dont il s'agit était un français, nommé Thomas Roch, âgé de quarante-cinq ans. Qu'il fût sous l'influence d'une maladie mentale, aucun doute à cet égard. Toutefois, jusqu'alors, les médecins aliénistes n'avaient pas constaté chez lui une perte définitive de ses facultés intellectuelles. Que la juste notion des choses lui fit défaut dans les actes les plus simples de l'existence, cela n'était que trop certain.
Cependant sa raison restait entière, puissante, inattaquable, lorsque l'on faisait appel à son génie, et qui ne sait que génie et folie confinent trop souvent l'un à l'autre !....
(extrait de "Healthful-house", premier chapitre du volume de poche paru en 1967)
Je reste longtemps obsédé de ces réflexions que me suggère la révélation du nom de Ker Karraje. Tout ce que je connaissais de ce fameux pirate est revenu à ma mémoire, - son existence alors qu'il écumait les parages du Pacifique, les expéditions engagées par les puissances maritimes contre son navire, l'inutilité de leurs campagnes. C'était à lui qu'il fallait attribuer, depuis quelques années, ces inexplicables disparitions de bâtiments au large du continent américain... Il n'avait fait que changer le théâtre de ses attentats... On pensait en être débarrassé, et il continuait ses pirateries sur ces mers si fréquentées de l'Atlantique, avec l'aide de ce tug que l'on croyait englouti sous les eaux de la baie Charleston...
Pourquoi s'être séparé des habitants de la terre ?... Que trouverait-on dans le passé de ce personnage ?... Si ce nom d'Artigas, ce titre de comte, ne sont qu'empruntés, comme je l'imagine, quel motif cet homme a-t-il eu de cacher son identité ?... Est-il un banni, un proscrit, qui a préféré ce lieu d'exil à tout autre ?... N'ai-je pas plutôt affaire à un malfaiteur, soucieux d'assurer l'impunité de ses crimes, l'inanité des poursuites judiciaires, en se terrant au fond de cette substruction indécouvrable ?... Mon droit est de tout supposer, quand il s'agit de cet étranger suspect, et je suppose tout.
Quel est le premier livres écrit par Jules Vernes?