Jean-Michel Verne a regroupé dans ce livre les témoignages de neufs magistrats ayant successivement exercé en Corse sur la période allant du début des années 90 au milieu des années 2010 : Roland Mahy,
Bernard Legras, Philippe Toccanier,
Patrice Camberou,
Jacques Dallest, Claude Choquet, Guillaume Cotelle, Nicolas Bessone et Romain Manie-Simon.
Les constats qu'ils tirent de leurs expériences, au parquet ou en tant que juge d'instruction, sont globalement les mêmes. La société corse a une vraie soif de justice, mais elle se défie de l'institution judiciaire. Les coups de main informels, les compromissions, les décisions illégales des décideurs politiques (notamment en matière d'urbanisme), concourent au sentiment que tout se règle en coulisse. Jusqu'à très récemment, et la mise en place de dispositifs pour les repentis, personne ne parle. le silence est la règle et la criminalité organisée s'est installée et perdure sur ce terreau.
Les premiers intervenants insistent sur la porosité entre organisations nationalistes concurrentes et criminalité organisée. Les oppositions entre les différents mouvements conduisent à des règlements de compte, liées manifestement au contrôle d'activités crapuleuses. L'État semble avoir été obnubilé dans les années 90 par la chasse au terrorisme, négligeant le travail de fond sur les activités criminelles, qui se déroulent autant si ce n'est plus sur le continent qu'en Corse. le sommet de cette période est atteint en 1998 avec l'assassinat du préfet Erignac.
Quand, faute de moyens pour traiter l'ensemble des problèmes, la justice a pu s'intéresser dans le détail à l'action de groupes organisés comme la Brise de mer, il était trop tard. Malgré l'amélioration de la connaissance des activités criminelles menées en Corse grâce à de nouvelles formes d'organisation judiciaire avec notamment la création des Juridictions Inter-Régionales Spécialisées (JIRS), notamment celle de Marseille, la Corse subit une emprise mafieuse. La Corse ne compte que 300 000 habitants, mais il y a là-bas chaque année plus d'homicides qu'à Marseille.
Ce livre est inquiétant en ce qu'il traduit l'incapacité des institutions de la République à faire régner partout les mêmes règles. Un constat qui n'est pas forcément limité à la Corse...