Bob Morane est un héros d'un autre temps. Il faut bien oser se l'avouer. J'admets avoir pris un certain plaisir, et un plaisir certain, à l'adolescence à lire d'une traites les aventures de Bob et Bill... pas Boule et Bill. Bob et Bill. En l'occurrence, Bill Ballantine me plaisait davantage que Bob. Finalement, je n'en ai pas lu tant que cela. le manichéisme, le sexisme latent, ce côté "roman de gare unilatéral", cela me laissait une impression de vide.
On retrouve tout cela dans cette BD, réimprimée dans la série 16/22 en 1977. L'original datant de 1970.
Les deux compères se baladent. Bob est visiblement en couple avec Nathalie Wong (pour ce que cela vaut pour ce séducteur). Bill parle de booze... Ils croisent un gaillard qui s'est fait agresser par des poupées. Bob le croit... c'est comme ça chez
Henri Vernes... Et la nuit suivante, Bob rêve de poupées qui l'agressent dans sa chambre d'hôtel... et quand il se réveille, les poupées sont toujours là. Bill trouvera d'ailleurs une chaussure de poupée dans la chambre... (N.B. même ressort que dans l'Epée du Paladin)
Tout cela est cousu de fil blanc. On plonge avec Bob et
Henri Vernes, ou on reste à quai.
Cerise on the cake... on découvre que Nathalie Wong a été enlevée et que ses poupées ont disparu. Quel hasard... Et quand Bob et Bill font le guet devant le magasin de poupées de la veille, ils voient un gros asiatique y entrer, dont ils se disent "mais c'est l'Ombre jaune"... Tout cela avance au turbo boosté à la dopamine. Plus c'est gros, plus ça passe.
Soupçonnés par la police, Bob et Bill vont délivrer Sophia, une amie journaliste, puis Nathalie Wong, avant que Bob ne retrouve Tania Orloff, la propre nièce de l'Ombre Jaune, qui les guide dans le labyrinthe des ateliers maléfiques de son oncle. Au passage on a de la technologie de pointe et du génie génétique chez l'Ombre Jaune, véritable successeur de Fu Man-chu.
Henri Vernes se tenait au courant des avancées de la science et n'hésitait pas à intégrer des éléments à ses romans, afin de leur donner un côté SF ou Fantasy pas déplaisant du tout.
Après une petite surprise lors de la confrontation avec l'Ombre jaune (seul moment intéressant qu'il aurait fallu faire durer), on s'achemine vers les traditionnelles excuses de la police, surl'air du "vous aviez raison". Et pour clore un tome qui ne s'embarrasse pas de détails, on a Tania Orloff qui retrouve Bob dans sa chambre d'hôtel... et qui déclare "je suis une poupée"... les féministes apprécieront. Une autre époque, définitivement.
Les dessins... très réalistes. La patte de
William Vance est connue. Elle est déjà bien affirmée dans les années 70 (Bruno Brazil, p.ex.), elle s'affirmera encore davantage avec XIII. C'est sombre et inquiétant. Comme il faut. Les poupées sont terrifiantes. On peut faire confiance à Vance pour cela. C'est parfois un peu brouillon, mais c'est l'époque aussi. On notera que le tome est scénarisé et dialogué par
Henri Vernes lui-même. Il ne s'agit pas d'une adaptation déconnectée de l'auteur du roman qui sert de base à la BD.
Henri Vernes est un homme fort sympathique, mais assez psycho-rigide quand il s'agit de son oeuvre. Souvenons-nous qu'il a refusé que la fameuse chanson d'Indochine porte le nom de son héros... c'est pour cela que cela s'appelle l'Aventurier.