Et une fois dans le tourbillon, il est trop tard. On n’a même pas le temps de s’en rendre compte. On a beau agiter les bras et résister de toutes ses forces, on est irrésistiblement happé.
Comme animé d’une force propre, presque luminescente, le linge blanc accroché aux fils ressort dans la pénombre estivale. Exposé à la rosée de la nuit et aux premiers rayons du soleil.
L’obscurité s’épaissit. Les lumières environnantes s’éteignent une à une. Mais ici, il ne fait pas vraiment sombre car de l’étendoir émane une lueur de plus en plus vive que l’effet destructeur de la nuit rend spécialement précieuse
« Vis-à-vis d’elle, il avait senti se développer en lui un absurde sentiment de propriété. » (p. 11)
S’il n’y a personne pour t’en donner une, prends-la donc toi-même. Pour cette seule et unique fois. Cette chemise propre, il faut que tu l’aies. Va donc toi-même la décrocher du fil.
Il résiste un peu. Mais seulement un peu. Pour lui, c’est comme s’il s’était lancé dans une folle aventure. Pourtant, c’est quelque chose de juste, et il est pressé ! Il sait qu’il n’en a plus pour longtemps avant de s’écrouler. Et sa chemise, il y a droit, comme n’importe qui d’autre, tant il est vrai qu’au moment de sa mort, chacun est en droit d’avoir et d’exiger une chemise propre.
...il s’est adressé à plusieurs personnes. Mais pas une d’entre elles n’a accepté d’emblée, dès la première demande. Toutes ont dit qu’elles allaient réfléchir : Je vais voir quand... rien de plus. Après quoi, elles l’ont tout simplement quitté. Les gens qu’il a sollicités faisaient plein de mines. Mais aucun n’était à l’aise.
Il devient de plus en plus évident que personne ne peut lui procurer ce qu’il recherche, le signe qu’il existe dans la pensée des gens. Et il se dit que jamais il n’y a eu sa place.
« Immobile, il est tout entier sous l’effet de ce qui le ravage. » (p. 8)
« L’aide que j’ai demandée m’a été refusée. Et quand je regarde le mur, je vois toujours un passant en train de déchiffre r honte. » (p. 115)
« Que vienne l’obscurité et qu’on en finisse, se met-il à souhaiter. Peu importe ce qui s’ensuivra. » (p. 47)
Si l’on choisit d’agir à la faveur de l’obscurité, ce n’est d’aucun profit pour la personne déshonorée.