Citations sur Gustave Eiffel et les âmes de fer (18)
L'oreille était assaillie par mille bruits discordants : partout on clouait, vissait, rivait, écrouissait, sciait, escapoulait, calorisait, rabotait, corroyait, étampait, décottait, corrodait, mazéait, grenaillait, ébrondait, dolait, dulcifiait, emboutissait, laminait, crampait, ébarbait, burinait, pilonnait, cinglait, brasait et brocardait. Ce vacarme déferlait avec une telle force qu'il poignait le crâne et empêchait de penser.
Lecteurs, je vais maintenant essayer de comprendre avec vous en quoi consistait le travail de notre cher Gustave. Je vais être sincère : je ne comprends pas grand-chose à la construction. Mes connaissances dans le domaine se limitent à monter des meubles Ikea, et encore, je dois me préparer psychologiquement avant.
-Pour obtenir les quantités d’énergies dont vous affirmez que mon corps a besoin, il faudrait bien plus qu’une barre de fer, dit-il. Il faudrait un pylône d’une hauteur considérable… au moins trois cents mètres… et personne n’a jamais construit cela.
-Mais ne pourriez-vous pas superviser un chantier de cette ampleur ? Pas trop loin de la Société, si possible?
-Vous voudriez que je fasse construire,au sein de la capitale, une tour de plus de trois cents mètres, entièrement en fer?
Alfred sourit.
-Avec vos nouveaux pouvoirs, dit-il, ce ne devrait pas être trop difficile.»
Gustave se plaça devant la glace pour enfiler sa chemise. Oui, l’idée était loin de lui déplaire. Il avait toujours rêvé de bâtir des monuments. Déjà, dans sa tête, les calculs s’enchaînaient. Il pourrait déposer la tour sur quatre piliers, chacun orienté vers un point cardinal. On ajouterait des arcs tendus au-dessus des piliers. Et trois étages.
L'air était saturé de cristaux de pyroxène, ces fines particules de fer magnétique que rejette un volcan avant d’entrer en éruption. Gustave fronça les sourcils. À sa connaissance, il y avait assez peu de volcans actifs à proximité de Levallois-Perret.
Nous recrutons de jeunes esprits scientifiques, et les formons à devenir des savanturiers : des combattants-chercheurs, à l'aise aussi bien dans un laboratoire que sur le champ de bataille.
Savez-vous que la poutre verticale contre laquelle nous sommes adossés, et qui soutient la charpente, s'appelle une âme ? Une âme de fer ! C'est joli, n'est-ce pas ? Celle-ci est faite de treillis enlacés, si bien que ce n'est pas une âme pleine, mais une âme évidée.
Imaginez le progrès ! Plus besoin d'employer des ouvriers qualifiés : les manœuvres devaient seulement savoir actionner un levier, visser un boulon, tourner une manivelle... Un enfant aurait pu le faire. D'ailleurs, la manufacture en employait quelques-uns. Et grâce à l'éclairage au gaz, plus besoin de s'arrêter à la nuit tombée.
Une nouvelle journée commencait, pleine de promesses, pour qui saurait saisir les opportunités qui se présentaient.
Cette année-là, Paris accueillait sa toute première Exposition universelle.Celle-ci s'étalait entre les Champs-Elysées, le cours de la Reine et l'avenue Montaigne. Son installation n'avait pas été une mince affaire. On avait abattu des ormes par dizaines, tué six ouvriers à la tâche, et blessé près de six cents autres. Mais cela en valait la peine.
- ici, pour trimer toute la journée, vaut mieux pas faire attention à nos petits bobos. On met notre carcasse de côté, on n'y pense pas. Et puis bon, on le sait bien, on n'est rien d'autres que de la chair à machine.