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Marion Graf (Traducteur)
EAN : 9782846360562
190 pages
L'Esprit des Péninsules (04/03/2004)
4.06/5   9 notes
Résumé :

"Pour me rassurer pendant que ma mère est suspendue par les cheveux au chapiteau, ma sœur me raconte le "conte de l'enfant que l'on fait cuire dans la polenta ". Si je me représente l'enfant en train de cuire dans la polenta, et comme il a mal, je ne suis pas obligée de penser que ma mère pourrait tomber de là-haut. " Entêtant monologue où la narratrice, cadette d'une famille d'artistes de cirque qui a fui la dictat... >Voir plus
Que lire après Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta : Précédé d'une lettre de Peter BischselVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Pour me rassurer pendant que ma mère est suspendue par les cheveux au chapiteau, ma soeur me raconte le "conte de l'enfant que l'on fait cuire dans la polenta". Si je me représente l'enfant en train de cuire dans la polenta, et comme il a mal, je ne suis pas obligée de penser que ma mère pourrait tomber de là-haut. »

Le conte de l'enfant que l'on fait cuire dans la polenta est né comme antidote à la peur de la mort. Sa soeur aînée le lui récite à chaque fois que la petite fille craint de perdre sa mère, pendant un numéro. Des détails de plus en plus étranges et grotesques viennent amplifier la terrible histoire. Une histoire obsessionnelle. de plus en plus cruelle, augmentée absurdement : indices d'une peur qui ne fait qu'accroître.
Le conte de l'enfant que l'on fait cuire dans la polenta voudrait, de par sa fonction magique, tromper et devancer la réalité. La petite fille consent au jeu rusé de sa soeur aînée, mais ne renonce à aucun moment à sa propre vérité, à sa crainte – source d'une fantastique disponibilité fabulatrice.

La fiction n'est pas en mesure de devancer ou de se substituer à la réalité.

Mine de rien, la leçon que livre ce petit chef d'oeuvre est destinée à perdurer dans la mémoire...

Un poème en prose produit d'une perspective infantile : une marelle dans laquelle on se déplace en boitant, et chantonnée en phrases brèves.
Un court livre en vers tendres sur la vie du cirque et sur le cirque de la vie, sur les émotions labiles qui composent et décrivent une famille, sur les tours de magie et les contorsions nécessaires à la survie.
Ludiques, crues, tragiques, comiques ou tragi-comiques, les impressions de l'enfant morcellent la réalité sordide et la recomposent fastueusement. Dans le petit roman d'Aglaja Veteranyi brillent des petits riens déchirants et des sensations « second hand », doux et kitsch, hérités en même temps que l'anxiété, une vie d'errances et trois langues peu apparentées (le roumain, le hongrois, l'allemand) :
« Démonter la tente du cirque, c'est toujours pareil, c'est comme de grandes funérailles, c'est toujours de nuit, après la dernière représentation dans une ville.
Lorsque la clôture du cirque est démontée, des étrangers s'approchent parfois de notre caravane et pressent leur visage contre la vitre.
Je me sens comme les poissons au marché.
On conduit les caravanes et les cages à la gare avec des lampes qui clignotent, comme un cortège funèbre, puis on les charge sur des wagons de chemin de fer.
Tout se défait en moi et le vent me transperce. »

Née à Bucarest au sein d'une famille d'artistes de cirque et finalement établie en Suisse, Aglaja Veteranyi a été actrice, dramaturge et écrivaine. Pendant trois ans, entre 1999 et 2002, la chance semblait lui sourire, et son style singulier, acquérir des lecteurs émus.
Aglaja Veteranyi s'est donné la mort en février 2002.
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Pourquoi " Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta" ?
Les ingrédients qui composent la polenta d'Aglaja sont complexes ; il n'est pas facile de reproduire la recette. La tante d'Aglaja fut sa mère, sa mère fut sa tante, sa soeur fut sa mère, sa soeur n'est que la fille de son père, sa mère est la belle-fille de son père. "Avec sa mère à elle, qui est donc la grand-mère de ma soeur et l'ex-femme de mon père, elles vivent dans un hôpital parce qu'elles sont devenues folles". Sa mère est terrifiée à l'idée qu'elle devienne femme et donc folle à son tour. Plus tard, la poupée d'Aglaja deviendra sa soeur, avant qu'elle ne devienne elle et puis son petit chien Bambi deviendra son enfant bien qu'elle se promette de ne jamais avoir d'enfants. Une famille imaginaire compliquée mais la réalité l'est tout autant. Aglaja Veteranyi a grandi dans un cirque et c'est son enfance qu'elle raconte ici. Elle raconte pourquoi sa soeur lui racontait cette histoire, " Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta". Comment cette histoire la rassurait et la terrifiait et sa mère se suspendait par les cheveux pour les besoins de la représentation pendant qu'on lui racontait cette histoire. "MA MÈRE EST DIFFÉRENTE DE TOUS LES AUTRES PARCE QU'ELLE SE SUSPEND PAR LES CHEVEUX ET QUE CA TIRE LA TÊTE ET QUE CA ALLONGE LE CERVEAU." L'enfant Aglaja se coupait du monde, voulait enfermer sa mère dans une boîte, dans une valise, quitte à la mettre dans un cercueil, pour ne pas qu'elle tombe du haut du chapiteau, qu'elle meure.
C'est au tour d'Aglaja de se donner en spectacle, d'écrire un texte qui se proclame à voix haute comme sur scène, de parler dans un monologue enfantin qui raconte peut-être un peu n'importe quoi par moments (c'est adorable) mais la vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants ? Mais Aglaja, lorsqu'elle raconte des histoires, lorsqu'elle raconte que sa mère se suspend par les cheveux, on la croit pas. En effet, avoir grandi dans un cirque et s'être donnée en représentation dès sa plus tendre enfance, comme le veut la tradition du cirque, où les enfants ont un métier avant même d'être nés*, ce n'est pas commun, aussi se sent-elle étrangère, se sachant hors normes. Elle aimerait devenir femme serpent parce que se suspendre par les cheveux la terrifie. Innocente, elle connaît pourtant pas mal de choses que les enfants d'habitude, ne connaissent pas si tôt. Le conte de sa soeur, " Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta", est très étrange, d'autant plus qu'il en existe plusieurs versions (p.79) . Un très beau texte qui donne un peu le vertige parce qu'Aglaja se suspend par les cheveux donc se met la tête à l'envers pour écrire, à moins qu'elle ne se contorsionne comme la femme serpent, qu'elle ne danse dans un déshabillé ou bien qu'elle ne jongle avec les mots comme avec les quilles, ou qu'elle ne narre l'histoire du clown triste.

*"J'AI ÉTÉ QUELQU'UN SEULEMENT AVANT MA NAISSANCE.
Avant ma naissance, j'ai été pendant huit mois danseuse de corde sur la tête."
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Un livre tellement étrange. Une souffrance sans autres limites que celles de la nuit étoilée. L'univers familial du cirque, "de générations en générations". La dictature de Ceaucescu. L'exil rêvé. La mère acrobate suspendue en l'air par sa chevelure. Le père incestueux. Les questions tragiques que l'on peut se poser sur le sens de son existence. "Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?". Aglaja VETERANYI (1962-2002) sut assembler tout cela en une oeuvre certainement unique dans l'histoire protéiforme de la Littérature. "Tout est affaire de style", bien sûr... L'essence d'une oeuvre n'est-elle pas contenue dans cette façon inimitable de SAVOIR fabriquer sa propre poétique -- mûrissant lentement et se dorant telle la polenta qui gonfle ? Publié en Allemagne (München) en 1999 sous le titre "Warum das Kind in der Polenta kocht", et magnifiquement traduit en français en 2004 par Marion Graf.
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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La mère de la petite narratrice travaille dans un cirque. Elle est de celles qui se suspendent dans les airs par les cheveux. Pour se rassurer, la gamine imagine l'histoire de l'enfant qui cuit dans la polenta, que sa grande soeur lui conte à chaque spectacle, histoire de penser à autre chose qu'à sa mère suspendue par un fil à la vie.

Le récit d'Aglaja Veteranyi est déroutant. Découpé en trois parties bien distinctes, nous découvrons d'abord la vie de la famille, réfugiée d'une Roumanie dictatoriale, qui gagne son pain dans un cirque et vagabonde de villes en villes dans les caravanes. Les jours de la gamine sont alors rythmés par la crainte quasi permanente d'un accident lors d'un spectacle. Nous la suivons ensuite avec sa soeur dans un internat, pour enfin suivre son parcours chez Pépita, une meneuse de revues, dans des spectacles un poil malsains pour son âge.

Ce qui déroute le plus est la légèreté et la poésie des mots d'Aglaja pour décrire ce quotidien sombre où elle est partout étrangère, où « la terre entière n'est qu'allées et venues » (p. 105). Rien de mieux pour survivre à la difficulté d'être dans ce chaos que de lâcher régulièrement des cris, des souffles, en lettres capitales, traversant des pages entières pour dire que « LES JOURS ONT FROID » (p. 95) ou alors que « LE CIEL RESSEMBLE À UNE ARTÈRE OCULAIRE ÉCLATÉE. » (p.174). N'appartenir à aucune frontière, ne pas trouver sa place sur Terre, qui devenir parmi cela ?

L'enfant qui écrit éclaire cette tristesse de son regard affûté et poétique, nous laissant coi devant tant de légèreté et d'imagination. Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta a le goût d'une longue nuit semée de cauchemars et de rêves, une de ses nuits où l'on a du mal au réveil à se lier à nouveau à la réalité. Les cris étouffés lancés dans le récit rassurent, comme l'histoire de l'enfant qui bout dans la polenta rassure la petite. Ils nous rappellent que nous ne sombrerons pas dans la dure mais douce folie du monde. Une lecture singulière, passionnante !
Lien : https://horspistes.wordpress..
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J'ai d'abord cru que je ne le finirais pas. Puis je n'ai pas pu le lâcher et maintenant ce livre me hante.
Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta, c'est le conte que la grande soeur d'Aglaja lui raconte pour la distraire chaque soir quand sa mère est suspendue par les cheveux dans le vide. C'est aussi le titre qu'elle donne à ce roman en vignette, l'histoire (autobiographique) d'une fillette dans une famille d'immigrés roumains artistes de cirques.
L'écriture (je ne sais pas si la traduction fait honneur à la version originale mais elle se lit très bien) saisit incroyablement bien la voix de l'enfant. C'est un mélange de candeur émouvante et de violence absolue qui vous lâche du haut du chapiteau. A force de basculer entre certaine nostalgie et un choc certain, on se glisse dans l'attente. Pourtant on n'anticipe pas tout à fait le prochain cri du coeur en toutes capitales.
Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta n'est pas vraiment un "beau" livre, certainement un livre un peu étrange mais je ne me le suis pas encore sorti de la tête, donc je crois pouvoir dire que c'est un succès.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Démonter la tente du cirque, c'est toujours pareil, c'est comme de grandes funérailles, c'est toujours de nuit, après la dernière représentation dans une ville.
Lorsque la clôture du cirque est démontée, des étrangers s'approchent parfois de notre caravane et pressent leur visage contre la vitre.
Je me sens comme les poissons au marché.
On conduit les caravanes et les cages à la gare avec des lampes qui clignotent, comme un cortège funèbre, puis on les charge sur des wagons de chemin de fer.
Tout se défait en moi et le vent me transperce.

[Aglaja VETERANYI, "Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta", 1999, traduit de l'allemand par Marion Graf -- L'esprit des Péninsules/Editions d'en Bas, 2004, page 37]
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Je me représente le ciel.
Il est tellement grand que je m’endors aussitôt pour me rassurer.
Au réveil, je sais que Dieu est un peu plus petit que le ciel.
Sinon, chaque fois que nous prions, nous nous endormirions de terreur.
Dieu connaît-il les langues étrangères ?
Est-ce qu'il comprend les étrangers ?
Ou bien y a-t-il des anges dans de petites cabines de verre, qui font des traductions ?
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J'aimerais être comme les gens qui sont dehors. Ils savent lire, ils savent tout, leur âme est en fine fleur de farine.
J'aimerais être morte. Tous pleureraient à mon enterrement, ils se feraient des reproches.

[Aglaja VETERANYI, "Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta", 1999, traduit de l'allemand par Marion Graf -- L'esprit des Péninsules/Editions d'en Bas, 2004, page 37]
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ON RESTE MORT BEAUCOUP PLUS LONGTEMPS QUE VIVANT, VOILA POURQUOI IL FAUT AUX MORTS BEAUCOUP PLUS DE BONHEUR.

Etre mort, c'est comme dormir.
Tu ne mets pas ton corps dans un lit, mais dans la terre.
Puis tu dois expliquer à Dieu pourquoi tu préfères être mort plutôt que vivant.
Si tu n'arrives pas à le convaincre, il t'éteint le cerveau et tu dois recommencer la vie à zéro.
etc.
etc.
etc.
etc.
etc.
etc.

[Aglaja VETERANYI, "Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta", 1999, traduit de l'allemand par Marion Graf - L'esprit des Péninsules/Editions d'en Bas, 2004, page 66]
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QUAND ON REVE DE DENTS QUI TOMBENT, C'EST QUE QUELQU'UN VA MOURIR.

[Aglaja VETERANYI, "Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta", 1999, traduit de l'allemand par Marion Graf -- L'esprit des Péninsules/Editions d'en Bas, 2004, page 36]
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