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L'auteur présente ce livre comme l'effort d'un incroyant pour comprendre comment le christianisme, religion très minoritaire (qu'il chiffre au maximum à 10 % de la population) a pu s'imposer en moins d'un siècle comme la religion officielle de l'empire romain. Il n'est pas le premier à se poser cette question, le livre est relativement court, et relève probablement plus de la catégorie de l'essai, dans lequel l'auteur donne davantage ses opinions sur la question (certes construites sur des connaissances très approfondies) avec des partis pris, plus qu'une étude poussée, s'appuyant sur une revue complète des points qui font débat, avec des démonstrations rigoureuses des thèses avancée justifiées par des données minutieusement rassemblées. D'où d'ailleurs le fait qu'il est plutôt facile et agréable à lire. Paul Veyne accorde une grande importance à la décision d'un homme, pas n'importe lequel, Constantin, qui allait devenir l'empereur tout puissant de l'empire dans son ensemble. Il considère que ce dernier a vraiment adhéré au christianisme par conviction, par foi sincère, et non pas par un désir d'utiliser cette religion d'une façon instrumentalisée. L'auteur considère le fait religieux comme inhérent à l'homme, un besoin de s'identifier à une religion, à une spiritualité, au point d'en trouver des traces même dans notre monde contemporain que l'on qualifie souvent de sécularisé. Il balaie d'un revers de la main l'idée souvent avancée que le christianisme s'est imposé parce qu'il correspondait à une attente, qu'il était dans l'air du temps, mais au contraire parce qu'il offrait quelque chose de différent et de neuf, et que c'est à cette nouvelle vision qu'a adhéré Constantin. Paul Veyne, même s'il attribue le succès du christianisme essentiellement à la décision de Constantin de s'y convertir, considère que la victoire de la nouvelle religion restait fragile : le changement de cap effectué par Julien dit l'Apostat le montre. S'il avait vécu plus longtemps, si les empereurs à sa suite eussent été païens, tout aurait pu être remis en question. Il ne pense pas que ce que le christianisme apportait de neuf devait obligatoirement s'imposer, dans une sorte d'évidente marche de l'histoire. Paul Veyne rappelle les moments forts de la victoire du christianisme : 312, la victoire du pont Milvius, où Constantin défait Maxence alors que ses troupes portent « le symbole du Christ » suite à un songe prémonitoire, 313 le fameux rescrit de Milan (appelé souvent à tort « l'edit ») qui accorde à tous, et particulièrement aux chrétiens la liberté religieuse jusqu'à l'interdiction du paganisme en 394 par Théodose. le christianisme deviendra vraiment la religion de tous sur les territoires de son empire deux à trois siècle après la mort de Constantin. En se transformant, en adaptant ses pratiques. Constantin a manifesté une sorte de tolérance face aux autres religions, même s'il se montrait très méprisant vis-à-vis du paganisme, et qu'il favorisait, en particulier financièrement l'église chrétienne. Il s'est en revanche fait le garant de l'unité chrétienne, prétendant établir l'exclusivité de la vérité, et réprimant la divergence d'opinion, considérée comme hérésie ou schisme. Il a convoqué le premier concile de Nicée en 325, qui a statué sur un certainement nombre de points du dogme, et qui finira par excommunier Arius suite à une intervention musclée de l'empereur. Mais les souverains qui régneront à sa suite n'auront plus forcément la même capacité à s'ériger en maître : Paul Veyne insiste sur la transformation du rapport entre le politique et la religion avec l'avènement du christianisme : désormais le pouvoir politique (« César ») doit être au service de Dieu. Le livre ouvre incontestablement de passionnantes perspectives, même si certaines des idées de l'auteur ne sont pas forcément consensuelles ni universellement acceptées. + Lire la suite |