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Critique de gabb


gabb
08 février 2020
Je ne sais pas qui, chez Babelio, est en charge de la sélection des heureux gagnants des "masses critiques privilégiées", mais je lui tire mon chapeau ! Cette fois encore, il ou elle a eu le nez creux et quand j'ai découvert dans ma boite mail ce titre mystérieux et poétique, imprimé sur une jolie couverture, et quand j'ai appris que ce premier roman était l’œuvre d'un auteur niçois, j'ai su tout de suite que ça pouvait le faire !
La lecture du livre ne fut qu'une agréable confirmation : ça l'a fait !
Écriture plaisante, sujet passionnant (qui m'a rappelé l'excellent "vin de la colère divine" de Kenneth Cook), et angle d'attaque plutôt original, je n'allais pas bouder mon plaisir !

Dans les années 1970, le jeune Bruno Veyrès séjourne chez son correspondant américain à Gallina, petite bourgade du Nouveau-Mexique. Il y fait la connaissance de Lise Barns, la mère d'un jeune appelé, mort au Vietnam. "Sa chambre était dans l'état où il l'avait laissée quatre ans plus tôt, lorsqu'il avait reçu sa feuille de route. Il avait dix-neuf ans et venait de terminer le lycée. Son uniforme pendait, impeccable, dans une vitrine, la Purple Heart accrochée à son revers, au-dessus d'un drapeau américain soigneusement plié."
Une expérience bouleversante, un choc et le début d'une fascination teintée d'effroi pour ce conflit du bout du monde et pour ces "images tropicales d'une beauté démoniaque où des maisons s'embrasent et où les compresses se gorgent de sang et de boue". le début surtout d'une admiration sans borne pour les jeunes appelés (environ 30% des 2.100.000 militaires qui servirent au Vietnam, eux qui se sont laissés prendre leur vie, eux que l'on a sacrifié pour un lambeau de jungle et un carré de rizière, pour quelques îles perdues du Pacifique dont on ignorait jusqu'à l'existence avant qu'elles ne se couvrent de sang).

Cinquante ans plus tard, à l'heure d'écrire son roman, Bruno Veyrès est toujours profondément marqué par le courage de ces soldats et par le chaos dans lequel ils furent projetés contre leur volonté.
Toutes les recherches qu'il a mené sur la vie de Clive Barns l'ont conduit à écrire un livre émouvant, intéressant, fidèle à l'Amérique de cette époque troublée et largement consacré aux mois qui précèdent l'enrôlement de Clive, à son amour pour Rose et à l'amitié indéfectible qui le lie à son frère Simon. Camaraderie, insouciance, premiers émois, voilà que tout vole en éclat en ce funeste jour de septembre 1968, quand Clive est appelé sous les drapeaux.

Pourquoi lui, pourquoi pas Simon ? Etait-ce le destin, la fatalité ? Comment peut-on sciemment envoyer des garçons mourir aux antipodes quand la majeure partie des jeunes de leur âge restent au pays ? Y avait-il un recours, une autre issue ? Pourquoi Tom, le père de Rose et de Simon, notable de Gallina et membre émérite du Bureau de recrutement, n'a-t-il pas dit un mot pour s'opposer à l'incorporation de Clive ?
Lui comme d'autres regretteront amèrement leur passivité, et plus d'une fois leur exemple nous incite à réaliser que "pour la plupart des hommes, le malheur vient de ce qu'ils n'ont pas fait".

Une histoire difficile, donc, faite bien souvent de lâchetés, de remords et d'injustices, mais néanmoins lumineuse par moment, notamment dans les relations puissantes qui unissent Clive, Rose et Simon. Dommage peut-être que ces trois personnages m'aient semblé un peu lisses, sans aspérité ni part d'ombre... Quelques rugosités dans la vie sans accroc de ces jeunes Américains modèles n'auraient en rien amoindri le bel hommage que l'auteur a souhaité leur rendre.
Un texte à la fois fort et sobre, qui nous parle de courage et de jeunesse brisée, qui sur la fin remue les tripes et qui met en lumière toute l'absurdité d'une guerre inepte, menée par des gosses qui n'avaient rien demandé...

Un grand merci à Babelio et aux Éditions du Toucan ! (pensez donc à moi pour le prochain roman de Bruno Veyrès ! ;-)
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