Un bel album, même si je ne trouve pas ça très malin d'avoir mis tous les textes en majuscules. Une belle réédition du recueil «
Je voudrais pas crever», en hommage à l'illustrateur Martin Maatje, mort avant d'avoir pu faire aboutir son projet de livre avec le poème de
Vian «Quand j'aurais du vent dans mon crâne». du coup «les copains ont repris le pinceau là où il l'avait posé», nous explique-t-on, et c'est réussi.
Si les illustrations sont sympas, le ton des poèmes de
Vian lui, avec sa drôle de façon de mêler la joyeuseté et le tragique de la vie, a un charme fou.
Ça nous parle de la mort avec des jeux de mots macabrement réjouissants
«Quand j'aurai du vent dans mon crâne
Quand j'aurai du vert sur mes osses
P'tête qu'on croira que je ricane
Mais ça sera une impression fosse»
Ça nous parle de la vie, du monde qui n'est pas toujours bien marrant, et souvent carrément terrible, mais tant qu'le ciel ne nous tombe pas sur la tête, hein, il y aura toujours l'élan vital à quoi se raccrocher, le truc essentiel de sentir en soi la vie vivante
«Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J'aurais toujours un peu d'air
Un petit filet de vie
Dans l'oeil un peu de lumière
Et le vent dans les orties»
Ça nous parle de la création poétique, qui n'est pas toujours bien facile quand on passe après les autres
«Alors moi qu'est-ce qui me reste
Ils ont pris tous les mots commodes
Les beaux mots à faire du verbe
Les écumants, les chauds, les gros
Les cieux, les astres, les lanternes
Et ces brutes molles de vagues
Ragent rongent les rochers rouges
C'est plein de ténèbre et de cris
C'est plein de sang et plein de sexe
Plein de ventouses et de rubis
Alors moi qu'est-ce qui me reste»
En vrai, il en reste assez pour lui et sa créativité débordante fait jaillir un univers poétique inédit, surprenant, bien à lui, où l'inventivité et l'humour noir, l'émotion et la fantaisie, ont largement de quoi emballer le lecteur.