Un vieil homme quitte le monde turbulent de la vie citadine où il s'y sent invisible pour se réfugier à l'abri dans une bicoque au bord de la mer achetée il y a des années grâce à un ticket de loterie. Décidé à y vivre en ermite jusqu'à la fin de sa vie, ce vieil homme est pourtant rattrapé par l'humanité sous les traits d'un neveu inconnu désirant connaître le passé de la famille , des migrants arrivés sur la plage ; des policiers à leur recherche. Sans compter que ce vieil homme est également sujet à des hallucinations, voyant ses parents décédés se promenant sur la plage ou imaginant une tribu préhistorique cachée depuis des millénaires et attendant de pouvoir rejoindre les siens suite à la montée des eaux et l'immersion de l'entrée de leur grotte.
Notre vieil homme subit tous ces événements, mais refuse par-dessus tout d'y être mêlé...
Ce roman se présente comme un récit en entonnoir. Quatre parties constituent ce roman qui au fil de la lecture s'amenuise de plus en plus. La première permet de comprendre les raisons de ce vieil homme de s'isoler loin de tous et toutes. Convaincu d'être invisible et sans importance par la société et son grand âge, il a préféré prendre les devants et partir là où il ne manquera à personne. Cet isolement lui permet de revenir sur son passé, sa famille et de voir les premières hallucinations se mettre en place. La seconde partie fait entrer le présent et l'actualité dans son univers avec la découverte de migrants sur la plage. Lui qui pensait être loin de tout se retrouve confronter à la misère des migrants, à leur désarroi et prend conscience que le sentiment d'invisibilité qu'il ressent peut être une protection pour d'autres. La troisième partie est plus physique puisque notre vieil homme comprend rapidement que son isolement ne le protège pas. Il prend également conscience des réponses de la société face à ce genre de situation. Enfin, la dernière partie est un épilogue où notre vieil homme, face à cette société sans coeur, prend un nouveau départ...
Au départ, ce roman m'a quelque peu perturbée dans ma lecture. Sara Vidal nous propose un récit à la première personne où le narrateur n'est autre que le vieil homme. Mais par moment, cette structure se modifie par une sorte de jeu de miroir où une sorte de voix off explique ce que notre vieil homme ne peut nous relater comme le passé des migrants, leurs manières de survivre sur la plage... Une fois cette structure acquise, le récit est plutôt sympathique et agréable, voire même poétique.
L'arrivée des migrants dans l'univers solitaire de ce vieil homme l'oblige à s'interroger sur la société en général et ce qu'il découvre n'est pas très agréable. Son désir de transparence se mue en désir de retour à l'âge préhistorique où l'homme ne pensait qu'à survivre et non à gérer des frontières.
Un récit humain, philosophique par moment d'un fait d'actualité perçu par un homme que la société, en raison de son âge ne prend plus en compte.
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Un vieil homme qui veut se retirer du monde, qui s'installe dans une bicoque au bord de la mer. Voilà une histoire qui me plaisait bien, qui faisait écho en moi. Je suis un peu déçu car à la lecture de ce livre j'ai trouvé que le sujet n'était pas trop bien traité. J'ai été emballé au début, porté par ce changement de vie mais je me suis ensuite laissé perdre par les tournants de cette histoire pas toujours bien racontée.
Bref, ce n'est pas mauvais mais ce n'est pas top non plus.
Je remercie chaleureusement les éditions Arpents Riveneuve pour ce livre reçu (avec un joli marque page !) dans le cadre de Masse critique.
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La chance de posséder ce terrain malaisé, bancal, col rocheux, impropre aux envies de fleurs, d'herbe douce, de potager. Des pins élégants, des chênes courts qui donnent une ombre maigre. Vers le fond, une maison mal foutue qu'on pourrait appeler bicoque. La seule chose qui vaille la peine dans ce patrimoine misérable, et alors là oui qui vaut vraiment la peine, plus que l'or, plus que des actions, plus que tous les trésors monnayables - il s'enflamme toujours quand il en parle ou quand il y pense -, la MER emplissant l'horizon. De la maison bicoque on ne la voit pas, mais on l'entend, on la respire, on la hume, on reçoit des dentelles d'embruns quand il a tempête. Il suffit de descendre en pente douce sur une centaine de mètres une piste caillouteuse, s'asseoir sur une grande dalle rocheuse en guise de vigie et là voilà, sa MER à l'infini.
[...] Quand on réussit à attraper un souvenir... Ça ressemble à une feuille sèche, presque translucide, une de ces feuilles que tu ramasses avec précaution sur le chemin des promenades. Que tu vas mettre à l'abri entre deux pages d'un livre, d'un cahier, pour qu'elle ne se délite pas davantage. On voit la dentelle des nervures qui n'ont presque plus de force pour la tenir ouverte et par transparence une vague couleur orangée. Mes souvenirs ressemblent à ça. Réduits à la transparence. Tu te dis : "Tout ça a vraiment eu lieu ? C'était moi, lui, elle ?" [...]
Tous les matins ou presque, elle secouait les puces de l'appartement, traquait les poussières invisibles avec le balai ou, pire, l'aspirateur ouvrait en grand les fenêtres, qu'il vente ou qu'il soleille, ramassait le linge, étendait le linge, lavait les murs une fois par mois. Et lui, qui rêvait au réveil de bisous et de baisailles, il s'enfermait dans sa chambre, ou il était déjà parti.
Il n'a jamais été sociologue ni aménageur urbaniste, mais il vient de comprendre qu'une ville ça bouge, expulse, accueille, fait le mélange ou ne le fait plus.