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EAN : 9782355221170
144 pages
Zones (26/10/2017)
4.27/5   11 notes
Résumé :
Depuis une dizaine d’années, que ce soit dans les bois de Sivens, à Notre-Dame-des-Landes, à Bure ou dans les Cévennes, il est évident qu’il se passe quelque chose du côté de la forêt. Certains ont commencé à habiter ces espaces, avec la détermination de sortir du monde mortifère de l’économie. Un tout autre rapport au monde s’y bâtit, à l’opposé de cette science militaire qu’est l’aménagement du territoire – ici contre un barrage, là contre un aéroport, ou une extr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Est-ce que c'est le texte de 4e de couverture qui a produit un malentendu ? Ou peut-être le sous titre ? Je termine la lecture d' Être forêts avec un important sentiment de déception. Pourtant voilà un ouvrage qui ne manque pas de qualités.

Je crois que ma déception vient simplement du fait que je croyais lire un bouquin explorant de nouvelles formes-de-vie (pour reprendre une expression tiqqunienne, dont Jean-Baptiste Vidalou semble partager plusieurs points d'analyse) dans les ZAD et autres lieux où le politique, les collectifs, se réinventent par l'expérimentation et la lutte. C'est ce que semble introduire ce sous titre, « habiter des territoires en lutte », mais aussi le texte de présentation : « La forêt, c'est un peuple qui s'insurge. Nous sommes allés à la rencontre de ces forêts et de ceux qui les défendent. Nous y avons découvert des continents innombrables, des sentiers inédits, des êtres ingouvernables ». Mais finalement, ce livre ne fait « que » s'attaquer à une certaine vision du monde, aujourd'hui dominante (chez nos élites en tout cas), une vision qu'on pourrait dire d'ingénieurs. Celle qui résume les forêts, mais la nature et la vie en général, à des chiffres, des flux à contrôler, des ressources à exploiter, de l'argent à se faire, un territoire à aplanir, rendre lisible, bref : gouvernable.

Cette critique, Jean-Baptiste Vidalou le fait au demeurant extrêmement bien. Avec de nombreuses exemples puisés dans l'histoire, notamment celle des Cévennes qu'il approfondit souvent. La conceptualisation théorique est pointue tout en restant largement compréhensible. La critique est stimulante, et on a autant envie de réfléchir avec lui que de prendre le maquis pour résister tout en vivant dans ces pays où le libéralisme n'a pas encore détruit tout les liens aux terres, aux coutumes, aux objets, aux gens, aux moments.

Ça m'a souvent donné l'impression de lire le prolongement des thèses développées dans les écrits du Comité Invisible. Une sorte d'étude par un exemple précis (les Cévennes) de ce que peut être l'absence au monde, le désastre qui est déjà qui est celui de l'Economie. Les lieux cités de résistance sont tous de montagne : Cévennes, Ariège, certains coins du Massif Central. On pense alors à Zomia, l'essai d'anthropologie libertaire de James c. Scott sur la violence de la civilisation qui est toujours un phénomène de plaines. Un livre assez anarchiste donc, même s'il ne se revendique pas comme tel.

Seulement cette critique, aussi passionnante qu'elle soit, ne mérite pas de prendre toute la place par rapport à la rencontre de ces « sentiers inédits » promis par le texte de présentation. Il faut attendre le dernier chapitre, « La forêt déborde », pour en voir quelques esquisses un peu sérieuses.
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Un ouvrage qui parle de luttes plus que de forêts, et l'on peut s'attendre à être un peu déçus par le titre si l'on s'y fie trop.
Plaidoyer vibrant pour les territoires de résistance, ce livre offre des réflexions intéressantes sur les zones à la marge, les bordures, ce "dehors rejoignable" qui échappe à une société reposant sur la gestion, l'administration et le contrôle de plus en plus d'espaces, qu'ils soient physiques ou mentaux.
Dans cet argumentaire où l'anarchisme et la géographie se tutoient, la forêt tient lieu de métaphore plutôt que de matière première : elle représente ce lieu foisonnant, habité, indéchiffré, qui agace les esprits planificateurs et galvanise les êtres (humains ou non) qui refusent d'être mesurés, comptabilisés, administrés puis finalement parqués en zones bien définies, parcs naturels ou zones exploitées "durablement". le développement partisan prend cela dit largement le pas sur les évocations de scènes forestières, fussent-elles de lutte : quelques lignes par chapitre, tout au plus, servent de base ou d'illustration à une pensée qui s'éloigne vite des frondaisons arborées.
Critique d'une idéologie ambiante qui se construit de nos jours sans trop susciter de questionnements, où le "durable", le "protégé" et le "stockage carbone" sonnent comme des incantations providentielles, Être Forêts a le mérite de remettre en cause un statu quo confortable sur un sujet plus que jamais d'actualité, le territoire et ses usages. À l'heure où le gaspillage des ressources est devenu patent, où l'attention se reporte sur les problématiques "locales", questionner l'habitat, les forces de vie qui l'habitent et leurs valeurs intrinsèques semble une démarche aussi évidente qu'absente des débats publics.
On pourrait dire en conclusion que ce livre est un peu comme une forêt : vous n'y trouverez peut-être pas ce que vous chercherez, mais ce qui s'y cache ne manque pas d'intérêt.
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Excellent ouvrage, extrêmement bien documenté sur l'histoire de l'aménagement des zones rurales en France, entre autres celles dites de "résistances". le cas des Cévennes est particulièrement approfondi et développé puisque l'auteur connaît bien cette zone.

On découvre la volonté étatique de désenclaver ces territoires de lutte, libertaires, pour mieux les dominer. L'aménagement du territoire est un excellent moyen, les nombreuses appellations aussi (classement au patrimoine mondiale, zone natura etc etc etc...), pour parvenir à leur fin: soumettre les derniers résistants.
Parallèlement, dans les villes, pour dominer l' espace, les citoyens et leurs activités, l'aménagement du territoire est essentiel aux gouvernants.

Ce "petit" livre par la taille est foisonnant et touffu: une vraie mine de savoirs sur ce qui se trame au nom de l'écologie (celle proposée par les gouvernants actuels pour la France de demain ou d'après). Une écologie commerciale, juteuse, pourvoyeuse de fonds, certainement pas centrée sur la nature, les humains, le respect des libertés et la protection de la faune et de la flore. Il s'agit même du contraire. Autant dire que la perspective n'est pas brillante voire inquiétante.

Au sein de ces territoires hostiles au pouvoir, la stratégie des entreprises "vertes" correspond à la vieille recette machiavélique du "diviser pour mieux régner" : le cas de l'Aveyron cité par Vidalou est très intéressant. Les poseurs d'éoliennes, de transfos et autres, divisent les concitoyens à coup de milliers d'euros annuels offerts, pour occuper l'espace.

J'ai beaucoup aimé cet ouvrage, sans concession, où l'auteur mouille sa chemise en fuyant la langue de bois et en faisant un inventaire des projets "écologiques " qui s'annoncent désastreux.

Ce livre fait l'effet d'une bombe. J'espère que l'auteur se trompe sur toute la ligne, mais la quantité de données rapportées laissent penser que toutes les informations sont vraies.

Un livre à lire si on veut rester lucides face aux belles promesses des publicitaires sur l'écologie de demain.
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Un très impressionnant détour par la forêt ancienne ou contemporaine pour mieux saisir ce qui se joue dans certaines luttes d'aujourd'hui et dans la mise en économie poursuivie de la nature.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/02/27/note-de-lecture-etre-forets-habiter-des-territoires-en-lutte-jean-baptiste-vidalou/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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critiques presse (1)
NonFiction
22 novembre 2017
Un plaidoyer pour un rapport renouvelé à la forêt qui se transforme en réquisitoire contre l’aménagement du territoire et les ingénieurs.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Cette époque semble ne plus tenir à grand-chose. Elle qui fuit son propre désastre en se réfugiant dans son « vaisseau spatial Terre ». Elle qui avait mis tant d’espoirs dans la religion du Progrès, voilà qu’elle se trouve livrée aux commandes d’un globe à la dérive, délestée de tout sens, proprement extra-terrestre. Elle qui prétend gouverner le monde, voilà qu’elle s’en éloigne irrémédiablement. Jusqu’à devenir hors sol. La gestion technocratique est le maigre salut dont elle peut encore se prévaloir.
Car cette époque ne fait plus que ça : gérer. Elle gère des éco-systèmes, elle gère les populations, elle gère les corps, au même titre qu’elle gère un réseau électrique, qu’elle gère une salle de contrôle, qu’elle gère une cabine de pilotage. Elle qui voulait se construire un paradis, voilà qu’elle vit un véritable enfer. La cartographie qu’elle nous donne à voir se décline désormais sur ce paysage dévasté : d’un côté des chantiers titanesques de destruction du vivant, de l’autre une biodiversité muséale.
On n’aura jamais autant parlé de la « planète », du « climat », de l' »environnement global » qu’au moment même où nous nous retrouvons enfermés dans le plus petit des mondes, le monde des ingénieurs. Jamais autant disserté sur la « diplomatie climatique » que là où l’on juge de tout par des calculs et des algorithmes. Autant glosé sur le carbone pour en planifier des marchés. Les milieux naturels comme les lisières ou les haies de nos campagnes deviennent des infrastructures parmi d’autres, des IAE – « infrastructures agroécologiques » – avec leurs « services écosystèmes » répertoriés par télédétection spatiale.
Cette vision stratosphérique procède de l’idée selon laquelle nous résiderions sur ce globe comme s’il s’agissait d’une carte 1/1, un plan sur lequel on pourrait mettre à plat les êtres et les choses en temps réel. À la manière dont un écran fait défiler telle ou telle variable de population, te ou tel curseur de biomasse. Toujours des points répertoriés, des flux contrôlés. Tout ce qui relève encore de l’hétérogène, tout ce qui vit d’une prodigue opacité, toujours trop chaotique aux yeux des « intendants de la planète », est sommé de se laisser intégrer à cette mise en équivalence généralisée. Rendu lisible et gouvernable.
(…)
Il paraît qu’on peut juger d’une époque à la manière dont elle traite ses forêts. On jugera celle-ci à la manière dont elle mesure, pixel par pixel, son propre anéantissement.
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La forêt revient, assurément. Mais la forêt ne revient pas comme un fantôme, elle revient comme une force désirante, pleine d'elle-même. Ce qui s'élabore là, dans une zone libérée ou une émeute, n'est pas un "chaos", ce fantasme occidental légitimant son seul ordre. La forêt est une d'une texture toute particulière, à la fois tellurique, enracinée, mais aussi extrêmement mobile, imprévisible, comme si elle s'agrandissait de ses centres irréductibles, tout autant que de ses lignes débordantes. On pourrait dire qu'il y a de la forêt partout où ça résiste, partout où ça s'insurge contre le ravage que constitue cette civilisation.
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En partant de là où on vit, de là où on lutte, notre pari est radicalement inverse. Tout n’est pas calculable, tout n’est pas économie. Il y a de toute part des êtres et des choses qui résistent à cette mise en équivalence intégrale. Des forces vives qui n’en peuvent plus de cette dévastation des existences. Tentant de déserter la machinerie sociale et ses circuits, elles créent de nouveaux espaces à la hauteur de leurs désirs, à même la Terre. Repartir de là, de cette gravité, éminemment politique. Cela ne veut bien sûr pas dire cesser de se rencontrer, ou de voyager, mais dessiner d’autres lignes, des lignes de vie, des lignes de lutte, se croisant, proliférant. Ce qui se passe ici résonne déjà ailleurs, plus loin.
Nous ne donnerons pas ici de recettes ni de solutions toutes faites. Nous tâchons d’être forêts. Comme une force qui grandit, tige par tige, racine par racine, feuille par feuille. Jusqu’aux cimes débordantes, entre ciel et terre, devenir ingouvernables.
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Plus qu'un statut juridique, les terrains communaux étaient donc pendant une large partie du Moyen-Age, une espèce de mixte mêlant des espaces et des usages qui 'ont jamais cessé de circuler les uns à travers les autres, les uns par-dessus les autres, les uns au milieu des autres. Intraduisible en langage économique, ils étaient donc pour lui, foncièrement ennemis. Les communaux étaient des lieux hautement signifiants, mais non clairement appropriés. Qu'ils soient portion de forêt, pré communal, ou four banal où l'on faisait cuire le pain, ils résidaient dans une épaisseur spatiale et coutumière, à laquelle tout un chacun avait accès et participait.
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"Cette vision stratosphérique procède de l idée selon laquelle nous résiderions sur ce globe comme s'il s'agissait d'une carte 1/1, un plan sur lequel on pourrait mettre à plat les êtres et les choses en temps réel. A la manière dont un écran fait défiler les telle ou telle variable de population, tel ou tel curseur de biomasse. Toujours des points répertoriés, des flux contrôlés. Tout ce qui relève encore de l'hétérogène, tout ce qui vit d'une prodigue opacité, toujours trop chaotique aux yeux des "intendants de la planète", est sommé de se laisser intégrer à cette mise en équivalence généralisée. Rendu lisible et gouvernable."
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