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EAN : 9782707345745
128 pages
Editions de Minuit (10/10/2019)
3.96/5   36 notes
Résumé :
Icebergs est une série de promenades dans les allées d'une pensée qui tourne et vire, une pensée à vrai dire obsédée par les formes qu'elle peut prendre. Cette nature inquiète qui l'abrite se demande surtout comment les autres, tous les autres, ont fait avant elle. Alors elle enquête, elle arpente les rayons des bibliothèques, elle se promène sur internet, elle se renseigne sur la vie des écrivains, elle s'assied sur un banc - autant de manières pour elle de résoudr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
« Iceberg », Tanguy Viel (Editions de Minuit 120p)
Voici donc un essai sur la littérature, sur l'écriture, sujets a priori qui ont tout pour m'intéresser. Visites chez les grands auteurs appréciés de TV, dans leurs oeuvres comme dans leurs bibliothèques, c'est le chemin auquel il nous invite. Il s'interroge par exemple sur la pertinence du journal intime (publié), celui du moins qui suit le fil des jours. Ainsi nous dit-il « Je me retrouve plus volontiers dans cette déclaration d'Anaïs Nin disant :'Si j'étais un véritable auteur de journal comme Pepys ou Amiel, je me contenterais de consigner, mais ce n'est pas le cas, je veux remplir les intervalles, transformer, étendre, approfondir, je veux cette floraison ultime qui vient de la création.' » Et de reprendre à son compte la formule de Robert Pinget : "S'il y avait moins de paresseux, il y aurait moins de journaux intimes". J'ai pourtant regretté à ce propos qu'il ne questionne guère de manière plus illustrée cette tendance majeure de la littérature contemporaine du récit autofictionnel, tellement auto et si peu fictionnel, à la lecture d'auteurs vivants.
Et je relève quelques phrases, citations ou passages qui m'ont touché, fait réfléchir. Citations de Viel ou qu'il reprend d'autres écrivains. Dans le désordre, au fil de mes coups de crayons ou de pages cornées :
« (…) Il est si difficile (…) de séparer la vie psychique (de l'auteur NDR) de l'oeuvre. »
Ou cette autre, qu'il emprunte à Michel de M'Uzan : « Car s'exprimer sans plaire — disait le texte — expose l'écrivain à être rejeté dans sa solitude et son impuissance, (…) mais d'un autre côté plaire sans s'exprimer, c'est-à-dire renoncer à sa vérité au nom d'une satisfaction narcissique immédiate, c'est s'infliger à coup sûr une blessure narcissique autrement plus profonde puisqu'elle touche aux racines mêmes de l'être. »
J'avais beaucoup aimé « Article 353 du code pénal », tant au niveau de l'intrigue que de la langue choisie pour en rendre compte. J'avais aussi apprécié « La fille qu'on appelle », mais avec déjà une réserve certaine par rapport à son écriture, que j'avais trouvée alambiquée. Là, c'est encore plus difficile à lire. Il n'y a pas le fil de l'intrigue (ce qu'on ne reprochera pas à un tel texte, quoique), mais la lourdeur de la prose se fait ici vite indigeste. Les phrases de moins d'une demi-page sont rares, celles d'une page ou plus assez fréquentes, et comprenant régulièrement trois ou quatre idées différentes. Il y a tant d'auteurs de romans (Milan Kundera, Daniele Sallenave, Erri de Luca, Lydie Salvayre, Belinda Cannone …), qui savent « essayer » (tiens, ne manque-t-il pas un mot pour dire ‘écrire des essais'), sans nous imposer une telle lourdeur, nous donnant accès plus clairement à leur pensée. Ici, malgré quelques apports intéressants, c'est ce qu'il m'aura manqué, même s'il est possible que ma lecture ait été trop superficielle et/ou fragmentée (Est mea culpa).
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Un auteur peut avoir le talent de raconter des histoires qui nous agréent – des romans noirs à suspense, dirons-nous, on serait mal à l'aise d'associer à cet écrivain le terme "polar" qui peut connoter roman de gare – par la trame, la forme, le ton, sans que nous ayons avec lui de communs ressorts et convictions plus particuliers, plus intimes. Cette proximité de nature et de prédilections m'apparaît ici avec l'introspectif "Icebergs" de Tanguy Viel. le titre est adéquat, car ces textes très personnels sont des illuminations, polies et facettées, cueillies dans le flux d'une pensée dont l'immense part demeure, en chacun de nous, évanescente, informe, sous la surface du dire, évanouie dans les abysses obscurs de l'inconscient. Alors qu'iceberg dit glace, on trouvera dans ces réflexions, si on la veut les suivre et si on aime la littérature, une chaleur tangible, nonobstant leur degré d'abstraction.


C'est le genre de livre à relire, je viens de le faire avec le même intérêt et le sentiment de croiser des préoccupations familières. Parmi ses visées, la part indicible autour de laquelle gravitent bien des littérateurs, cette part "que nos livres, nos chants, nos gestes reflètent", un secret peut-être, qu'aucune raison n'explique et que l'on effleure à peine : "un ou plusieurs fils nous tirent vers l'avant et comme narrativisent notre existence, abstraction suffisamment magnétique pour nous faire avancer, en dessous de quoi nous irions errant sans but, pas même amarrés au temps qui passe".

Une légère mélancolie sourd de ces lignes, on la perçoit dans la citation de Charles du Bos qui émeut tant l'auteur d'"Icebergs" :"Si l'homme n'était soutenu dans l'effort d'écrire par le voile d'illusions que tisse autour de sa pensée le travail même qu'il déploie pour l'exprimer, il verrait sa pensée nue et grelottante et il ne pourrait en supporter le vide et la vanité." Viel évoque une ”nuit mentale éclairée par la grande confrérie du vide” qui jaillit des livres lorsqu'il les ouvre dans sa bibliothèque, consolation de croiser d'autres errances. Il conçoit aussi la nécessité personnelle d'écrire sur la mélancolie.

Il ne s'inclut toutefois pas dans les "psychostatiques", dont la pensée se retourne sans cesse sur elle-même, rumination d'un « je pense donc je suis », autocentrisme quotidien générateur de journaux-fleuves – Maurice de Guérin, Amiel, Robert Shields. Et de citer Robert Pinget, sévère : "S'il y avait moins de paresseux, il y aurait moins de journaux intimes".

Le livre explore des flux de pensée remarquables et insolites, depuis ces incroyables journaux où l'homme "se perd et s'enfonce dans la brume épaisse et sombre, comme une route qui sort de la ville et se dissout dans l'obscur" jusqu'au fil déroulé au-dehors par Virginia Woolf, qui a "dans ses romans l'élégance de confier à la matière, aux ciels de mer comme aux trottoirs des villes, tous les discours de l'âme, [...] hors des seuls filets de l'introspection, et comme dissoute dans le coeur des fleurs". Et les mouvements de l'âme intuitive d'Aby Warburg ont engendré l'organisation par associations d'idées de la fameuse bibliothèque ; ses exégètes s'accordent à y voir du génie.


Tanguy Viel trouve les échos réconfortants de ses spéculations dans la littérature, non du côté des paquebots regardés "à distance, entre admiration et indifférence" (Hugo, Tolstoï), mais plutôt du côté des bateaux qui n'ont jamais navigué, ce qui touche justement, où l'absence d'oeuvre est à soi seule une aventure : "je me glisse si joyeusement et amicalement dans les circuits fragmentés de Valéry, de Perros, de Montaigne ou de Pétrarque" .

Cet ouvrage qui s'attache à "la difficulté aussi intime qu'infinie de négocier avec les puissances mentales" ne saurait faire l'impasse sur Montaigne qui, selon Viel, est peut-être le seul qui y soit parvenu. Nous le savons dompteur des mille cinq cents pages des essais, mais il a aussi "cette manière de se jouer de l'esprit en une pensée flottante et volatile, au point qu'on sente la phrase elle-même élargie à ses rêves, promesses et inaccomplissements divers, comme se tenant infiniment sur la ligne de son caprice et de sa nonchalance [...]".

Discret opuscule (121 pages format Minuit), "Icebergs" convie à une promenade confidentielle, fleurie de citations et bonnes pages, comme chuchotées, qui lui procurent une griffe.

Clôturons en donnant les mots de Christine de Pisan, qui offrent à ces dix textes un lignage distingué : "Considérant le monde tout plein de lacs périlleux et qu'il n'est qu'un seul bien qui est la voie de la vérité, je me tournai au chemin où ma propre nature incline, c'est à savoir l'amour de l'étude." ("Le chemin de longue étude" - 1402)
Lien : https://christianwery.blogsp..
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Posté là sur son « belvédère spéculatif », Tanguy Viel relève avec "Icebergs" le pari fou de suivre la pensée, cette « éblouissante réverbération de la vie en nous », jusque dans les formes qu'elle se donne, «ces incarnations d'une violence sublime ».

Saisir la pensée à l'instant fugace où elle se trouve un « abri provisoire pour consister », c'est ce que l'auteur réussit avec un brio qui force le respect.

« Fort d'une justesse de ton qui fraye avec le sortilège », l'auteur s'offre, entre deux romans, une respiration à couper le souffle pour « bâtir les ponts possibles entre la pensée, l'image, la réalité ».

Prenant avec une nonchalance libératrice la roue de grands astreignants - Montaigne, Dante, Woolf, Artaud, Blanchot... - Viel montre au final d'une plume exquise et enrobante que « toutes les grandes oeuvres racontent le parcours qui les mènent à elles mêmes ».

Jules Supervielle écrit « ne touchez pas l'épaule du cavalier qui passe, il se retournerait et ce serait la nuit », ici le cavalier c'est Viel, regardez le écrire en silence et vous entendrez peut-être dans la nuit un écho: celui de cette « grande fraternité du chuchotement »
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Il faut déjà bien connaître les romans de Tanguy Viel pour apprécier cet essai sur la littérature. En quelques articles, il fait le point sur le travail de l'écrivain : de l'idée, pensée fugace ou obsessionnelle, à la forme - libre et "oisive" à la Montaigne ou corsetée dans une rigueur dramatique. Il nous livre son rapport aux citations, à Virginia Woolf, Proust, Dante .... etc
Un tournant sans doute dans son oeuvre, une occasion pour le lecteur de découvrir son cheminement.
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Ce n'est pas parce que Tanguy Viel fait une pause au roman qu'il faille le laisser tomber quand il se met à penser.
C'est tout à l'honneur de cet auteur qui a tout pour nous surprendre et nous séduire, lui quand il écrit un roman, c'est dans le genre, et quand il écrit un essai, c'est dans le genre. Dans la bonne tradition littéraire en quelque sorte et j'aime ça plutôt que ces textes fourre tout sans queue ni tête que l'on retrouve trop souvent (deux fois sur trois) chez les auteurs contemporains.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
04 décembre 2019
Dans un bel essai, Tanguy Viel étudie l’écriture même, entre plénitude et vide, joie et mélancolie.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
       un presque-livre…



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suit n’est pas un vrai livre : pas de coque ni d’épon-
tille, encore moins d’étrave pour déchirer aucune
mer. Cet ouvrage, à la limite,  est un poisson, mais
plutôt même, une algue. Son biotope est pélagique :
il vit dans ce que les océanographes appellent la
zone photique, là où il est encore possible qu’un
peu de lumière irrigue la faune, avant que la nuit
tombe sur la profondeur. En fait, il vit dans l’immi-
nence de la lumière, excité par sa presque actualité
mais il lui faut tenir là, sur ce « presque » : voilà,
c’est un presque-livre et comme tendu par la pro-
messe du jour filtrée par l’eau.
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Les vrais livres ont quelque chose de marin, ils sont conçus pour tenir la mer, la contredire même jusqu’à un certain point , à force de fendre les flots, traverser la vague et puis, si possible, avec souplesse retomber dans son creux, armés qu’ils sont de varangues invisibles qui tiennent la coque et l’empêchent de plier. Les vrais livres conservent le long de leur parcours cette résistance à la déformation qui permettra à tous d’être déposés là-bas, de l’autre côté de la fable, déplaçant à la surface de l’eau la masse calculée de leur volume. En ce sens, ce qui suit n’est pas un vrai livre : pas de coque ni d’épontille, encore moins d’étrave pour déchirer aucune mer. Cet ouvrage, à la limite, est un poisson, mais plutôt même, une algue. Son biotope est pélagique : il vit dans ce que les océanographes appellent la zone photique, là où il est encore possible qu’un peu de lumière irrigue la faune, avant que la nuit tombe sur la profondeur. En fait, il vit dans l’imminence de la lumière, excité par sa presque actualité mais il lui faut tenir là, sur ce « presque » : voilà, c’est un presque-livre et comme tendu par la promesse du jour filtrée par l’eau. (p. 7-8)
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Tanguy Viel, un des écrivains les plus doués de sa génération.

Je me souviens de quand j'ai lu pour la première fois, dans une vitrine parisienne, la couverture d'un livre intitulé Sur la fuite des idées, saisi de voir énoncé si abruptement le coeur battant d'un problème qui semblait me concerner de si près, comme si dans cette seule expression lue derrière la vitre d'une librairie de la rue des Ecoles, quelque chose s'était éclairé pour moi. Cela nous arrive quelquefois, n'est-ce-pas, mais quelquefois seulement, que survienne là, dans une vitrine involontaire , sur la couverture d'un livre, cet intime sentiment de percevoir d'un seul coup d'oeil, noir sur blanc, en un titre ou en une phrase, la tension qui nous compose. Et c'est comme si soudain, fugacement, on se rassemblait tout entier en une unique formule, miroir chiffré de nous dans lequel reconnaître, certes illusoirement mais quand même, le mouvement fixé de soi ..
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Je suis bien heureux qu'en français le mot "caractère" qui donc s'applique à la couleur de l'âme désigne aussi l'empreinte de la lettre sur le papier : au fond, de l'un à l'autre, de l'esprit à la lettre, il n'y a peut-être pas de différence essentielle mais une infinie palette de formes et de figures, glissant le long d'un grand nuancier des humeurs et des psychologies.
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       Les vrais livres…



       Les vrais livres ont quelque chose de marin, ils
sont conçus pour tenir la mer, la contredire même
jusqu’à un certain point, à force de fendre les flots,
traverser la vague et puis, si possible, avec souplesse
retomber  dans   son  creux,   armés   qu’ils  sont  de
varangues invisibles qui tiennent la coque et l’empê-
chent de plier. Les vrais livres conservent le long de
leur parcours cette résistance à la déformation qui
permettra à tous d’être déposés là-bas, de l’autre
côté de la fable, déplaçant à la surface de l’eau la
masse calculée de leur volume.
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Videos de Tanguy Viel (32) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tanguy Viel
Mercredi 10 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022
Cycle Autour de Minuit, jusqu'à minuit Lectures de et avec Laurent Mauvignier, Yves Ravey, Tanguy Viel & Régis Goudot
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