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EAN : 9781090062208
Editions iXe (20/03/2014)
4.29/5   35 notes
Résumé :
Depuis sa publication, en 2014, ce petit livre a largement contribué à légitimer les efforts visant à rendre la langue française plus souple, plus inclusive, plus égalitaire. Simple et accessible, il démontre que dès sa mise en place, au XVIIe siècle, la masculinisation de la langue française a suscité de vives résistances. Et expose avec humour la misogynie cultivée des siècles durant dans ces chasses gardées de l'entre-soi masculin que furent les cercles de lettré... >Voir plus
Que lire après Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue françaiseVoir plus
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Nous sommes les héritières et les héritiers d'un long effort pour masculiniser notre langue

Une remarque pour commencer. Je ne sais si c'est la fréquentation des autrices De La Renaissance, mais il est assez rare de trouver une si belle langue dans un essai, même sur les évolutions du langage. L'élégance des phrases se double d'un sens de l'humour, qui ne manquera de ravir les lectrices et les lecteurs. « du coup, on a nommé e féminin le e non accentué, et e masculin le e correspondant au son é – qu'on se met parallèlement à doter d'un accent (tant il est vrai, sans doute, que l'homme se caractérise par un petit quelque chose en plus, qui monte quand il est dur »

Eliane Viennot souligne dans son avant-propos que la langue, dans ses aspects sexistes, relève « des interventions effectuées sur elle depuis le XVIIe siècle par des intellectuels et des institutions qui s'opposaient à l'égalité des sexes », que des hommes et des femmes ont pensé et lutté contre ses infléchissements sexistes, que les savoirs institués à l'école et à l'université restent silencieux sur ces sujets, que des solutions linguistiques existent pour que le masculin ne l'emporte plus sur le féminin.

Ses analyses sont illustrées par des exemples, des mots, des accords utilisés ou non au fils des évolutions imposées.

L'auteure parle de la « vitupération des femmes », entre autres, par la clergie, de ces célibataires endurcis, généralement d'Église, monopolisant les métiers du savoir, de leur combat contre l'égalité des sexes ; elle évoque Christine de Pizan, les questions débattues, les textes misogynes et leurs dénonciations.

Elle souligne le tournant que représente l'imprimerie et l'émergence de réflexions sur les langues, la survivance des anciens usages…

Au passage, l'auteure qualifie de très byzantine, la règle des accords du participe passé avec l'auxiliaire avoir, règle étrange entraînant de multiples fautes d'orthographe pour les commun-e-s des mortel-le-s. Quoiqu'il en soit, les règles ont une histoire, une histoire aussi sociale.

C'est vers le milieu du XVIe qu'émergent les premières ratiocinations linguistiques, les « rimes féminines » et les « rimes masculines », les « équivalences imaginaires » dans un comptage syllabique assez peu rationnel, sans oublier l'alternance des deux types de rimes, traduisant « l'idéal hétérosexuel des rapports humains ».

Eliane Viennot parle des origines de la « Querelle des femmes », des évolutions du rapports des forces entre les sexes, de la « déclinaison dans le domaine de la langue, des progrès de ce que les masculinistes appellent ‘l'ordre naturel' ». Tiens, déjà cet « ordre naturel », comme celui qui concernerait le mariage et la filiation, brandi par les participant-e-s de la mal nommée « manif pour tous ». Masculinistes, inégalitaires, (hétéro)sexistes, toujours les mêmes inventions pour préserver un ordre bien social. Je m'égare.

La formation des États modernes s'accompagne d'un développement massif des « fonctions publiques », « or un groupe particulier s'y est taillé un monopole : les chrétiens de sexe mâle ». L'auteure insiste sur la place de l'invention de la loi salique contre l'histoire et la « présence et continue de femmes au pouvoir », les réponses des femmes et leur défaite.

Question de pouvoir, question de savoir, question de langue.

Et cependant, des femmes de lettres, des « succès considérables avec leurs écrits », des autrices brillent avec leurs romans. Elles sont aussi dramaturges, conteuses, historiennes, moralistes, poétesses… et leur succès public « pose à l'évidence la question de l'égalité des sexes ».

Eliane Viennot poursuit avec les noms de métiers et des fonctions prestigieuses, un sujet qui fâche. le genre des noms désignant des fonctions dépendait du sexe des personnes qui les exerçaient. L'attaque des masculinistes commence par les terminaisons féminines, la logique de la langue qui marquait « non le féminin, mais la différence des sexes », les sonorités, etc. Et que dire du terme « autrice » et des autres « victimes désignées » dont citoyen (les termes citoyen et citoyenne seront couramment utilisés durant les Révolutions 1789, 1848…). Pour Diderot citoyen est un « substantif masculin ». Sylvain Maréchal écrit un projet de loi portant défense à lire aux femmes (1801) et considère que auteur est un titre « propre de l'homme seul », anarchiste peut-être mais, comme plus tard Proudhon, violemment antiféministe.

Des modifications, des contestations et la multiplication des « fautes de français ».

Autre niveau, la question des accords, la matérialisation du « genre le plus noble ». Eliane Viennot détaille les accords victimes de la masculinisation, les accords de proximité (Comme illustration, je choisis des exemples parmi ceux préconisés par les Editions iXe : « les hommes et les femmes sont belles », « Joyeuses, des clameurs et des cris montaient de la foule » ou comme Racine dans Iphigénie : « Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête »), les accords des participes présents. le masculin doit l'emporter puisque « le masculin est plus noble que le féminin »…

L'auteure poursuit avec la question des pronoms, les il(s) se substituant aux elle(s) et il(s), des pronoms attributs, « Il est difficile de dire quand les poils ont commencé à pousser au menton des femmes », des noms d'inanimés, des « frappes collatérales », des messages subliminaux qui suggèrent la prééminence absolu du masculin, les messages misogynes (voir, par exemple, le « Abonnez vos amants et vos maîtresses » trouvé dans la RDL. Car enfin nommer « maîtresses » les dominées est au moins inconséquent ! Pourquoi ne pas dire « amantes » ?).

« Les grammairiens ne cessent de réemployer les phrases les plus aptes à traduire l'idéal social et politique qu'ils défendent ». L'auteure montre comment « la violence symbolique imposée aux femmes au cours des siècles précédents est donc réutilisée contre de nouvelles générations de femmes – et leurs possibles alliés ». La nomination des sexes, la nomination des femmes « le beau sexe », « le sexe faible », l'assignation du sexe aux femmes, « le sexe, pour désigner l'ensemble des femmes », sans oublier la réduction des femmes à la femme, l'abandon du nom et parfois du prénom pour les femmes mariées… le code civil et le code pénal, écrits par des hommes sont saturés de ces formules qui disent et construisent l'inégalité.

Violence imposée à la langue, énergie déployée pour contraindre la grammaire et les utilisateurs et utilisatrices, ampleur des résistances, importance de l'entreprise de masculinisation de la langue, « Il nous revient donc aujourd'hui de démanteler cette entreprise – à l'égale des autres ». Sur le terrain de la langue, je rappelle les injonctions de l'école de la République, l'interdiction des langues régionales et des « patois », les politiques anti-immigré-e-s et la volonté de faire de la langue un « critère d'intégration »…

Eliane Viennot propose de renouer avec les logiques de la langue française, d'annuler les remaniements opérés au nom du « masculin l'emporte », de nommer les activités des femmes de noms féminins, d'adopter l'accord de proximité lorsqu'il n'y a pas d'ambiguïté, de renouer avec l'accord des participes et de leur sujet, d'innover « tranquillement » par exemple sur les pronoms communs « (elles/ils/iels ? Elles/eux/iels ? Celles/ceux/ciels?) » ou le toustes belge, de poursuivre sur les adjonction des e (français.es, français-es, françaisEs)… bref de faire reculer la masculinisation de la langue.

Dans le domaine des rapports sociaux, donc aussi dans les règles linguistiques, les restructurations, les impositions, le sont toujours par un groupe social qui défend des intérêts. Elles donnent toujours lieu à des résistances, des luttes, qu'il convient de faire connaître. Il n'y a aucune « neutralité », ni linguistique, ni sociale, à ce que le masculin l'emporte sur le féminin. Eliane Viennot en fait une belle démonstration et propose des pistes d'innovation, poursuivant le travail des féministes qui « ont commencé de pléonastiquer » malgré les injonctions des Académies.

Pour construire un nouveau bloc social hégémonique inclusif, porteur d'alternatives émancipatrices, il convient aussi de revenir ou d'inventer des règles qui n'invisibilisent pas ou n'infériorisent pas la moitié des êtres humain-e-s. Il faut le faire en permanence, avec la règle de proximité préconisée par les éditions iXe, par la féminisation des termes, la visibilité du E, etc…

Cela, par ailleurs, obligerait à penser les rapports sociaux de sexe, pas seulement dans un éventuel paragraphe qui parle des femmes…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Dans Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin !, essai de près de 120 pages publié aux éditions iXe, Eliane Viennot nous raconte les différentes étapes de la masculinisation de la langue française depuis le XVIIe siècle, avec ce but d'entretenir les rapports de forces entre les hommes et les femmes.

La première partie de cet essai est très historique et revient sur l'histoire de France, sur les rois successifs et le rôle des reines, des filles ou des mères de rois. Jusqu'à la fin du XVIe siècle, on s'interrogeait uniquement sur la place des femmes dans les questions politiques : il est alors question de la transmission du trône, la loi salique, etc. On évoque ensuite le monopole du clergé dans les lieux de savoir, dans les universités réservées aux hommes chrétiens, mais aussi le rôle de celui-ci dans ce que l'on appelle « la vitupération des femmes » avec la production de textes misogynes. On revient également les changements induits par l'invention de l'imprimerie, la « querelle des femmes »…
Mais l'apparition d'autrices célèbres, qui obtiennent un grand succès par leurs ouvrages, à l'instar de Marguerite de Navarre qui encouragea les femmes à suivre son exemple et à publier leurs écrits, changea la donne. La lutte contre l'égalité des sexes devint également linguistique.

Dans la suite de son livre, Eliane Viennot s'attache à présenter les anciens usages de la langue et à expliquer les évolutions, les combats liés à différentes catégories grammaticales de mots. Sont ainsi successivement évoqués les noms de métiers et des fonctions, les accords, les pronoms et les noms d'êtres inanimés. Un chapitre est également réservé aux messages subliminaux dissimulés dans certains discours ou choix d'exemples qui permettent d'asseoir la supériorité des hommes sur les femmes.

C'était vraiment une lecture très intéressante. Outre le fait que les transformations de la langue ont souvent été fait en dépit du bon sens, j'ai été surprise de la résistance à laquelle s'est heurtée cette masculinisation de la langue, résistance qui puise ses forces dans les usages de parole des Français-es. Quand on a toujours appliqué la règle de proximité, quand les noms de métiers ou de fonction ont toujours eu un masculin et un féminin en fonction du sexe de la personne, difficile de changer ses habitudes et de tout mettre au masculin en défiant toute logique. Ce fut donc une bataille de longue haleine qui s'est déroulée sur plusieurs siècles et c'est finalement l'école républicaine qui a permis l'acceptation de ces nouvelles règles.
Ensuite, cet ouvrage apporte des solutions pour re-féminiser la langue française. On s'interroge, on se demande comment faire pour les noms de métiers ou de fonctions par exemple. Mais il suffit de regarder en arrière, de retrouver les usages que l'on avait encore il n'y a pas si longtemps parfois : on peut les adapter à notre temps, mais l'histoire de la langue fournit des pistes.

Eliane Viennot est très claire et ne perd jamais son lecteur. Pourtant, même si j'aime lire, parler de livres, je n'ai jamais été une passionnée des cours de français, des catégories grammaticales et de ce genre de choses. Mais c'est ici très bien écrit, avec une pointe d'humour de temps en temps. Dans chaque catégorie, les exemples sont nombreux, ce qui est toujours plus agréable (c'était d'ailleurs une de mes attentes). Nous trouvons également plusieurs citations d'hommes de lettres et de linguistes, souvent révoltantes tant elles rabaissent les femmes.

Comme beaucoup de monde – comme quasiment tout le monde –, j'utilise ces règles parce qu'on les a bien ancrées dans ma cervelle. Je tente de féminiser autant que je peux les noms de métiers, j'utilise des systèmes du genre étudiant-es (mais je suis sûre que je dois oublier de le faire parfois). Mais il faut que nous pensions toustes (pour reprendre le néologisme belge utilisé par Eliane Viennot à la fin de Non, le féminin ne l'emporte pas sur le masculin) que les règles apprises à l'école ne sont pas logiques et qu'elles contribuent à rendre invisible la moitié de la population. Chacun à notre manière, nous pouvons contribuer à changer cela.

On nous enseigne le français, mais non son histoire. C'est là une erreur que corrige cet ouvrage passionnant qui pousse à la réflexion et qui nous donne envie – et les moyens – de lutter contre cette masculinisation systématique de la langue.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Le titre est assez éloquent : cet essai parle d'un bout de l'histoire de la langue française, ces deux/trois siècles où certains intellectuels ont décidé de changer le français pour que notre langue reflète leur propre idéologie.
En effet, ce qu'on ne sait pas assez aujourd'hui, c'est que la règle « le masculin l'emporte sur le féminin » n'a pas toujours existé car on appliquait alors la règle de proximité (par exemple : « les belles bagues et colliers » mais « les beaux colliers et bagues »), que les tous les métiers avaient leur pendant féminin (autrice, peintresse…), que les participes présent s'accordaient en genre et en nombre (« étante présente, Emilie participe à la réunion »).
Mais que certains messieurs ont voulu changer tout ça à partir du 17ème siècle ! Et ça a fait l'objet de plusieurs polémiques – un peu comme l'écriture inclusive aujourd'hui.
Eliane Viennot fait plus que nous en parler : elle nous partage des extraits de textes de l'époque, que ce soit les mots des pro réforme ou ceux des personnes qui étaient contre, par féminisme ou plus souvent parce que ces changements n'étaient pas plaisants à l'oreille (c'est d'ailleurs amusant que cet argument ressorte aujourd'hui pour critiquer l'inverse !).

C'est un essai de 120 pages, court mais efficace. A la fois chronologiquement et thématiquement, on comprend comment la langue française a vraiment été masculinisée par force. Certes, le français ne connaît que deux genres, mais avant ce changement il n'était pas une langue sexiste. Les réformateurs ont fait plus que le masculiniser, ils l'ont même complexifié (en créant des règles illogiques, des exceptions…) et donc ainsi réservé le français correct à une élite.
Ce changement a pu se faire grâce aux institutions et à l'instruction. On a enseigné des règles qui n'étaient pas naturelles, comme si le français parlé avait été un dialecte et que petit à petit il avait disparu au profit du nouveau français masculinisé.
Et voilà que cette langue sexiste nous est devenue naturelle et que l'on n'envisage que difficilement de la féminiser, car « ça a toujours été comme ça ». Cet essai prouve que non, que le français n'a pas toujours été sexiste et qu'il est possible de le démasculiniser en revenant tout simplement à d'anciennes règles de grammaire et de lexique.

Désolée pour les réac' : la lecture de cet essai m'a encore plus indignée que je ne l'étais et m'a encore plus convaincue, si j'en avais besoin, de la nécessité d'écrire et de parler le plus possible un français féministe, car c'est possible.
Je parlerai donc de mes auteurs et autrices préférées, je m'adresserai parfois à vous au féminin car vous êtes une majorité de femmes à me lire et peut-être même que j'accorderai l'auxiliaire avoir en genre et en nombre même si le COD est placé après le verbe. Ça fera bizarre, on aura l'impression que je fais des fautes… mais c'est ma manière à moi de m'insurger contre les règles sexistes que la société nous inculque.

(et je viens de rédiger un post sur le forum... en accordant les participes présent ! C'est très étrange mais après tout, encore une fois, il n'y a pas de raison)
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Dans cet ouvrage, Eliane Viennot nous apprend la place et le succès qu'ont toujours eu les femmes en littérature. Or, comme nous le rappelle aussi Titiou Lecoq, L Histoire écrite par les hommes, et diffusée dans les écoles (d'abord réservées aux garçons) n'a eu de cesse d'essayer d'effacer les femmes du récit historique national. Qui se souvient aujourd'hui du succès de la princesse Marguerite de France (la Reine Margot) dont les Mémoires ont été désignés alors par l'Académie comme étant l'un des meilleurs ouvrages de son temps (seul livre écrit par une femme à jouir de cet honneur nous apprend l'autrice) ? de cette époque, personne n'a cependant oublié (ni manqué de les étudier à l'école...) Molière, La Fontaine, Racine, Charles Perrault, Corneille, Pascal... On se souviendra en parallèle du mépris d'un ancien président de la République française envers le best-seller du XVIIème siècle que fût La princesse de Clèves de Madame de la Fayette.
[...]
Si aujourd'hui, la langue française et la grammaire sont devenues pour nous des habitudes langagières, on perçoit très bien dans cette histoire de la langue française combien le français du XXIème siècle est le résultat d'une volonté politique et sociale visant à mettre la femme dans une position d'infériorité par rapport à l'homme jugé plus noble. D'où la nouvelle règle de grammaire apparu au XVIIIème siècle qui veut que le masculin l'emporte sur le féminin.
[...]
Un livre indispensable qui montre combien les choses pourraient être plus simples et aussi plus logiques d'un point de vue étymologique. La langue est un objet mouvant, qui évolue avec son époque. Or certain.es tentent d'en faire un objet discriminant, figé dans une époque où certains hommes (avec la complicité de certaines femmes curieusement) s'acharnaient à reprendre le pouvoir sur leurs filles et leurs compagnes, dans un siècle où le genre masculin était jugé plus noble que le féminin. Depuis cette lecture, et ma découverte de Titiou Lecoq, je parle d'autrices et rêve de pouvoir écrire à Madame la Mairesse !


Lien : https://itzamna-librairie.bl..
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Un grand merci aux Éditions Ixe pour m'avoir proposé des SP. J'ai donc attaqué par le plus petit des deux que j'ai reçu. Eh bien non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin, même en grammaire.
Je me suis toujours demandé « comment en est-on arrivé là. » À apprendre très jeune que le féminin doit disparaitre au profit du masculin. Ça coule de source non … Eh bien non. Ce livre apporte des éléments de réponses. Et j'ai ainsi découvert que cela avait été un processus de longue haleine et qui ne se fit pas sans résistance d'hommes et de femmes ! Mais la société (et les grammairiens et académiciens) étant des hommes … le temps à fait le reste.
C'est un très bon petit livre, mais comme je suis un peu plus scientifique que littéraire, j'ai un peu buté sur du vocabulaire propre au débat sur la langue. Et comme c'est un domaine que je connais peu, j'ai du faire une ou deux recherches dans le dictionnaire. Mais il reste totalement accessible !
Et la lutte pour la féminisation (ou le retour de certains mots féminins disparu) continue .
A mettre entre toutes les mains !

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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
En réalité, la langue n’est qu’un terrain de plus où s’est menée la guerre du savoir : non le savoir gratuit, celui qui enrichit intimement la personne, mais le savoir comme clé du pouvoir – le seul que connaisse la clergie. Qu’on veuille bien réfléchir à cela, ne serait-ce qu’à cela : il pourrait y avoir des femmes magistrates, parlementaires, universitaires… depuis le XIIIe siècle. Il pourrait y avoir des ministres, des députées, depuis le XVIIIe siècle. Or elles ne sont parvenues à ces postes, à ces fonctions, qu’au XXe – et l’on est encore loin du compte. Aucun effort n’était à négliger. Aucun ne l’a été.
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Sauf exceptions bien sûr, on continuera d’employer des substantifs masculins pour parler de femmes, en croyant de plus en plus que « en France, c’est comme ça ». Quitte à infliger le même sort aux mots qui dépendent de ces substantifs (articles, pronoms, adjectifs, participes), et donc à occulter totalement le sexe de la personne dont on parle, ou à provoquer la surprise au bout de quelques lignes. Ou quitte à multiplier les fautes de français, en mettant dans la même phrase certains mots au masculin et certains au féminin (Madame la maire est sortie, le professeur est arrivée…).
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On l'a vu, la masculinisation de la langue a maille à partir avec cet élitisme, notamment pour ce qui concerne le lexique : des cohortes d'académiciens sont descendus dans l'arène pour interdire autrice, avocate, écrivaine, médecine, magistrate, ministre, présidente..., mais aucun n'a jamais contesté coiffeuse, crémière ou assistante... métiers bons pour les femmes. Celles qui occupent un poste de direction dans une université ou une administration sont-elles conscientes de ce biais de classe lorsqu'elles déclarent : "Ah non, moi, je suis directeur ! Directrice, ça fait directrice d'école ! " Ou bien " Ah non, moi je suis maître de conférences ! Maîtresse, ça fait maîtresse d'école !" Que leur ont donc fait les maîtresses et directrices d'école, à part leur permettre d'arriver où elles sont ? Ces métiers seraient-ils si méprisables ? Les femmes qui les exercent le seraient-elles ? Pourquoi soutenir le point de vue de gens qui n'ont toujours pas avalé ce qu'il fallut des siècles pour imposer : que les filles aussi soient instruites ? Que des femmes aussi puissent enseigner ?
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Les académiciens qui ont modifié le français, avant d'inaugurer la litanie des "Ne dites pas... mais dites...", n'avaient pas en ligne de mire le vulgum pecus. Ceux des temps modernes ne s'en soucient pas davantage, bien que ledit pecus ait fait irruption dans le paysage depuis longtemps. Plus la langue est compliquée, plus elle comporte d'illogismes, et plus il y a besoin d'experts - ou de pseudo-experts - pour observer les entrailles de la bête et prescrire ce qu'il convient de faire. Depuis quelques années, les sites prescrivant "le bon usage" se sont multipliés. La rubrique "Dire, ne pas dire" de l'Académie française n'est plus qu'une parmi d'autres. A cette particularité près qu'elle diffuse des usages archaïques, et qu'elle est - comme le site lui-même et le fameux dictionnaire que personne ne lit - entretenue aux frais des contribuables, par des fonctionnaires qui seraient plus utiles sur d'autres postes.
Les responsables de l'enseignement public, qui ont en charge l'instruction de millions d'enfants, gagneraient à reprendre le dossier en main. Est-il bien raisonnable de sacrifier le plus grand nombre des élèves sur l'autel du français châtié, pour que quelques centaine puissent un jour épater leurs contemporain.es avec un savoir de cuistres, et quelques dizaines espérer briller aux championnats du monde de l'orthographe ? Non seulement l'État devrait cesser de financer une institution qui se moque allègrement de ses lois (il en existe depuis 1986 sur la "féminisation des titres", et depuis 2000 sur "l'égal accès des femmes et des hommes" aux fonctions supérieures), mais il serait grand temps qu'il revienne sur les complications semées à loisir dans notre langue depuis quelques siècles. Autrement dit, il est temps que les choses se passent en France comme dans les autres pays de langues romanes, et qu'on y écoute les linguistes qui appellent depuis des décennies à ces réformes.
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Sous l'ancien Régime, les femmes mariées conservaient généralement leur nom, ne prenant celui de leur mari que lorsque ce que ce dernier portait un titre prestigieux (et prenant alors jusqu'à celui-ci, comme la fictive Présidente de Tourvel ou la très réelle Présidente d'Arconville). De la même façon, les hommes de la noblesse prenaient le titre de leur épouse quand il était plus élevé que le leur (c'est ainsi que Louis de Gonzague devint Duc de Nevers, et Albert Gondi comte de Retz).
[...]
Au sortir de la Révolution, en revanche, en lien avec la batterie de lois, qui dès 1789, enregistre la modification du rapport de force entre les sexes en faveur des hommes, l'habitude se prend pour les femmes mariées d'abandonner leur nom et jusqu'à leur prénom: on dira désormais Mme Émile de Girardin, traduction mécanique de la dépendance absolue des épouses instaurées par le Code civil.
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Vidéo de Éliane Viennot
A la suite des travaux d'Eliane Viennot, Julien Centrès évoque les représentations de "la reine Margot" au petit écran de "La Caméra explore le temps" d'Alain Decaux et André Castelot au film de Patrice Chéreau (INA).
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