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Citations sur Les gratitudes (423)

Vieillir, c'est apprendre à perdre.
Encaisser, chaque semaine ou presque, un nouveau déficit, une nouvelle altération, un nouveau dommage. Voilà ce que je vois.
Et plus rien ne figure dans la colonne des profits.
Un jour, ne plus pouvoir courir, marcher, se pencher, se baisser, soulever, tendre, plier, se tourner, de ce côté, puis de l'autre, ni en avant, ni en arrière, plus le matin, plus le soir, plus du tout. S'accommoder sans cesse.
Perdre la mémoire, perdre ses repères, perdre ses mots. Perdre l'équilibre, la vue, la notion du temps, perdre le sommeil, perdre l'ouïe, perdre la boule.
Perdre ce qui vous a été donné, ce que vous avez gagné, ce que vous avez mérité, ce pour quoi vous vous êtes battu, ce que vous pensiez tenir à jamais.
Se réajuster.
Se réorganiser.
Faire sans.
Passer outre.
N'avoir plus rien à perdre.

Page 130, JCLattès, 2019.
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Elle m'attend dans le fauteuil.
Elle ne fait rien en m'attendant. Elle ne fait pas semblant de lire, de tricoter, ou d'être occupée.
Ici, attendre est une occupation à part entière.

Page 87, JCLattès, 2019.
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Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci ? Un vrai merci. L'expression de votre gratitude, de votre reconnaissance, de votre dette.
À qui ?
Au professeur qui vous a guidé vers les livres ? Au jeune homme qui est intervenu le jour où vous avez été agressé dans la rue ? Au médecin qui vous a sauvé la vie ?
À la vie elle-même ?

Pages 11-12, JCLattès, 2019.
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Quand je serai vieille, je m'allongerai sur mon lit ou me calerai les reins dans un fauteuil et j'écouterai la musique que j'écoute aujourd'hui, celle qui passe à la radio ou dans les boîtes de nuit. Je fermerai les yeux pour retrouver la sensation de mon corps en train de danser. Mon corps délié, souple, obéissant, mon corps au milieu des autres corps, mon corps affranchi de tout regard, quand je danse seule au milieu de mon salon. Quand je serai vieille, je passerai des heures ainsi, attentive à chaque son, à chaque note, à chaque impulsion. Oui, je fermerai les yeux et je me projetterai mentalement dans la danse, dans la transe, je retrouverai un à un les mouvements, les ruptures, et mon corps épousera de nouveau le rythme, la mesure, au plus près de sa pulsation.
Quand je serai vieille, si je le suis un jour, il me restera ça. Le souvenir de la danse, les basses qui cognent dans le ventre, et l'ondulation de mes hanches.

Page 96, JCLattès, 2019.
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Quand je vais rendre visite à Michka, j'observe les résidentes. Les très très vieilles, les moyennement vieilles, les pas si vieilles, et parfois j'ai envie de leur demander : est-ce que quelqu'un vous caresse encore ? Est-ce que quelqu'un vous prend dans ses bras ? Depuis combien de temps une autre peau n'est pas entrée en contact avec la vôtre ?
Quand je m'imagine vieille, vraiment vieille, quand j'essaie de me projeter dans quarante ou cinquante ans, ce qui me paraît le plus douloureux, le plus insoutenable, c'est l'idée que plus personne ne me touche. La disparition progressive ou brutale du contact physique.
Peut-être que le besoin n'est plus le même, que le corps se rétracte, se recroqueville, s'engourdit comme lors d'un long jeûne. Ou peut-être qu'au contraire il crie famine, un cri muet, insoutenable, que plus personne ne veut entendre.

Page 95, JCLattès, 2019.
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On croit toujours qu'on a le temps de dire les choses, et puis soudain c'est trop tard.
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Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l'absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d'un prénom, d'une image, d'un parfum. Je travaille avec les douleurs d'hier et celles d'aujourd'hui. Les confidences.
Et la peur de mourir.
Cela fait partie de mon métier.
Mais ce qui continue de m'étonner, ce qui me sidère même, ce qui — encore aujourd'hui, après plus de dix ans de pratique — me coupe parfois le souffle, c'est la pérennité des douleurs d'enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s'efface pas.

Page 115, JCLattès, 2019.
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« Nous rions, nous trinquons. En nous défilent les blessés,
Les meurtris ; nous leur devons mémoire et vie. Car vivre,
C'est savoir que tout instant de vie est rayon d'or
Sur une mer de ténèbres, c'est savoir dire merci. »
François Cheng, Enfin le royaume

« Où vont les mots Ceux qui résistent
Qui se désistent
Ceux qui raisonnent
Et empoisonnent ? [o..
Où vont les mots
Ceux qui nous font et nous défont
Ceux qui nous sauvent
Quand tout se sauve ? »
La Grande Sophie

Page 7, JC Lattès, 2019.
Citations en exergue du roman.
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Quand je les rencontre pour la première fois, c'est toujours la même image que je cherche, celle de l'Avant. Derrière leur regard flou, leurs gestes incertains, leur silhouette courbée ou pliée en deux, comme on tenterait de deviner sous un dessin au vilain feutre une esquisse originelle, je cherche le jeune homme ou la jeune femme qu'ils ont été. Je les observe et je me dis : elle aussi, lui aussi a aimé, crié, joui, plongé, couru à en perdre haleine, monté des escaliers quatre à quatre, dansé toute la nuit. Elle aussi, lui aussi a pris des trains, des métros, marché dans la campagne, la montagne, bu du vin, fait la grasse matinée, discuté à bâtons rompus. Cela m'émeut, de penser à ça. Je ne peux pas m'empêcher de traquer cette image, de tenter de la ressusciter.

Page 41, JCLattès, 2019.
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— Mais l'un n'empêche pas l'autre, Michk’ : l’orthophoniste vient deux fois par semaine dans ta chambre, mais toi tu peux aller en bas à l'atelier mémoire, le mercredi, avec les autres. Tu as déjà essayé ?
— J'aime pas. Il y en a une qui répond à tout, comme ça, du tic au tic. . . pas une seconde d'hésitation. À brûle-pourpoint, elle dit la bonne réponse. Elle connaît tous les mots possibles et imaginaux, elle fait la fière, tu vois, ça me tagace. Pourquoi elle vient, si elle sait déjà tout ? En plus, elle pourrait s'habiller, eh ben non, même pas, elle passe sa vie dans une robe des champs comme si c'était du plus grand choc, tu vois...
— Elle se sent peut-être plus à l'aise comme ça.
— Oui, mais bon, un peu de clémence ne nuit pas. Pourquoi tu ris ? Au moins, si ça te fait rire. Mais tu sais, tu as mieux à faire, franchement. Tu ne devrais pas venir si souvent. Tu vas t'ennuyer.

Pages 62-63, JCLattès, 2019.
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