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Critique de Delphine-Olympe


Avec talent, Delphine de Vigan dépeint la face la plus sombre du monde du travail, la menace que peut représenter l'entreprise et l'oppression qui peut naître de la ville tentaculaire.

A travers le cheminement de deux personnages étrangers l'un à l'autre, Delphine de Vigan nous parle de notre société dans ce qu'elle peut avoir de plus dur et de plus destructeur pour les individus. Elle nous parle d'une violence feutrée, particulièrement dangereuse, car difficilement perceptible.

J'ai envie surtout de m'arrêter sur le personnage de Mathilde, parce qu'elle incarne vraiment ce que peut être aujourd'hui la souffrance au travail. Thibault, lui, est un personnage plus classique, un être souffrant de solitude, alors même qu'il est inséré socialement. Mais il a surtout la malchance, finalement, d'être tombé amoureux de la mauvaise personne.

Lorsqu'on fait la connaissance de Mathilde, au début du roman, elle est à un point de rupture. On comprend qu'un mal insidieux la ronge chaque jour un peu plus, la prive du sommeil réparateur de la nuit, lui ôte tout appétit de vivre, la réduit au néant.
Très vite, on comprend qu'elle est victime de harcèlement moral sur son lieu de travail.

En raison de la précision et de la justesse avec laquelle l'auteur dépeint la détresse de son personnage, on imagine sans peine qu'elle a dû vivre elle-même une situation comparable : l'incompréhension face à l'attitude subitement devenue hostile de son supérieur hiérarchique ; la torpeur qui l'enveloppe peu à peu et qui agit comme un dernier rempart pour ne pas sombrer et continuer malgré tout à effectuer les gestes du quotidien, tels que prendre le métro, réveiller les enfants le matin, travailler ; le désir fou d'être atteinte d'une maladie terrible qui la sauverait en lui permettant de ne plus retourner sur le lieu qui la détruit chaque jour un peu plus ; la fatigue, la confusion qui la gagnent ; l'impossibilité à expliquer l'intensité de cette violence qui est faite de brimades et de mesquineries qui, prises isolément, semblent anodines, mais qui ravagent par accumulation. Et l'impression constante, qu'elle surmonte pourtant quotidiennement, qu'elle «ne va pas y arriver».

Parce qu'elle s'en est manifestement sortie, Delphine de Vigan parvient à raconter cette expérience sans complaisance et en en soulignant toute l'absurdité :
«A trente ans, elle a survécu à la mort de son mari.
Aujourd'hui elle en a quarante et un connard en costume trois pièces est en train de la détruire à petit feu.» (p.144 éd. du Livre de poche) dit-elle par exemple.
Surtout, elle dépeint l'oppression que peut représenter l'univers professionnel, spécialement en ces temps de crise où, le travail se faisant rare, on tente de faire croire aux salariés qu'ils doivent tout accepter.
«Elle ne savait pas qu'une entreprise pouvait tolérer une telle violence, aussi silencieuse soit-elle. Admettre en son sein cette tumeur exponentielle. Sans réagir. Sans tenter d'y remédier.»(p.46)

Ce livre, au-delà de ses incontestables qualités narrative et littéraire, peut sans doute aider ceux, aujourd'hui trop nombreux, qui connaissent une telle situation. Car alors on se sent souvent seul, on perd sa confiance en soi, on doute, on essaie de tenir envers et contre tout, alors qu'il faut au contraire parler, se confier, dès le début, dès les premiers dérapages, avant de se perdre, avant qu'il ne soit trop tard.

Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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