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EAN : 9782709661584
208 pages
J.-C. Lattès (03/01/2018)
  Existe en édition audio
3.82/5   3001 notes
Résumé :
« Chacun de nous abrite-t-il quelque chose d'innommable susceptible de se révéler un jour, comme une encre sale, antipathique, se révélerait sous la chaleur de la flamme ? Chacun de nous dissimule-t-il en lui-même ce démon silencieux capable de mener, pendant des années, une existence de dupe ? »
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Critiques, Analyses et Avis (586) Voir plus Ajouter une critique
3,82

sur 3001 notes
Des adultes qui n'en sont pas vraiment.

Et des enfants qui n'en sont plus.

Un livre contemporain. Qui traite de problèmes de notre époque. Réellement.

Ce livre, en peu de pages, parle de beaucoup de choses de manière juste. La maltraitance. L'amour maternel. le couple. L'amitié. L'éducation. Internet. Et surtout de loyautés.

Les loyautés. « Les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves. »
Cette réflexion sur les loyautés intimes qui sont l'essence de chacun d'entre nous m'a passionné. Chacun sa vision de par son éducation, son milieu social, son vécu. Ces liens intérieurs qui nous définissent et qui, à la fois nous élèvent mais nous ramènent également à la terre ferme, plus ou moins brutalement. Je me suis senti bouleversé par ces mots.

Delphine de Vigan est sacrément douée pour explorer l'intime. L'infime délicat. Ces choses qu'on ne savait pas ressentir avant qu'elle mette un mot dessus.

Un bien joli livre.

Lien : https://labibliothequedejuju..
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« Les fidélités silencieuses »

Suis-je loyal envers ma famille, mon passé, envers moi-même, c'est la question que nous pose Delphine de Vigan dans son nouveau roman. Texte court et incisif qui met en scène successivement quatre personnages, tous en prise avec eux-mêmes, en prise avec leurs « loyautés ».

Hélène, professeure de SVT dans un collège parisien qui remarque très vite en Théo, son jeune élève de 5ème, un mal-être qui lui rappelle tellement le sien : la maltraitance. Elle croit voir en sa fatigue permanente et dans son regard fuyant les stigmates des coups qu'elle-même a reçus à son âge.

Théo Lubin, 12 ans encaisse en effet les coups sur son corps, mais seulement ceux dont il s'inflige lui-même. Les cours de sciences naturelles d'Hélène aident à mieux comprendre le fonctionnement de la digestion. Pour lui, il s'agit d'améliorer les effets de l'absorption de puissances nocives. L'alcool, dans son tube digestif d'enfant. Boire à s'en faire « exploser » la tête.
Boire pour oublier, s'oublier, disparaître. Ne plus avoir à passer « d'un monde à l'autre » : une semaine chez sa mère, rongée par la déception et la haine de l'homme qui l'a quittée, son père ; une semaine chez cet homme qui n'en est plus tout à fait un, ravagé par la déchéance sociale qui le cloue au lit, incapable de toute responsabilité paternelle, impuissant.

Mathis Guillaume, 12 ans lui aussi, qui accompagne et soutient Théo. C'est son copain. Il vit chez ses deux parents dans un bonheur apparent, mais qui n'est que de façade.

Si chez Hélène et Théo, les « loyautés » sont trahies par les corps meurtris, chez Mathis et sa mère, Cécile, ce sont les mots qui enchaînent. Les mots que celle-ci a dûs apprendre pour paraître dans ce milieu bourgeois qui n'est pas le sien. C'est celui de William, le père de Mathis. Mais les mots qu'il lui a appris pour qu'elle parle un « bon français », lui servent en fait, grâce à une double personnalité sur internet, à exprimer ses haines « racistes, antisémites, homophobes et misogynes ».

Les corps qu'on aliène. Les mots qui enchaînent. Les « loyautés » sont difficiles à vivre pour Hélène, Théo, Mathis et Cécile. Quatre personnages pris dans la tourmente de notre monde d'aujourd'hui, entravés par ces « tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves ».
Mais celles-ci peuvent aussi être « les tremplins sur lesquels nos forces se déploient »...C'est donc le souffle court, dans ce roman dense et intense que nous partirons à la recherche de cet espoir, à la recherche de notre « propre lumière ».
De la première ligne à la dernière, c'est seulement en tournant la dernière page, grâce à une narration implacable, que vous reprendrez votre respiration, face à ces « loyautés », face à vous même.

Après ses deux derniers livres à succès et largement récompensés : Rien ne s'oppose à la nuit, qui obtint notamment le prix du Roman Fnac en 2011, et D'après une histoire vraie, prix Renaudot et Goncourt des Lycéens en 2015, Delphine de Vigan, avec ce huitième roman, renoue avec la trame narrative des Heures souterraines, publié en 2009, sur « les violences invisibles d'un monde privé de douceur »...
Les Loyautés, ces « fidélités silencieuses », comme elle les définit elle-même, laisseront en vous des traces invisibles mais tenaces.

Lu en janvier 2018.

Retrouvez mon article sur Fnac.com/Le conseils des libraires :
Lien : https://www.fnac.com/Les-Loy..
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Hélène s'inquiète pour Théo, son élève de douze ans et demie.
Théo, parents divorcés, vit en garde alternée, deux ennemis, deux mondes, deux langues différentes. Un gamin plus intelligent que ses parents, donc pire pour lui.
Hélène, une enfance maltraitée, un père sadique, une mère qui préfère ignorer.
Mathis, l'ami inséparable de Théo. Cécile, sa maman n'approuve pas la relation, surtout que d'autres problèmes plus graves se pointent à l'horizon.
Voici le préambule du nouvel opus de De Vigan. Un roman choral, à quatre voix.
Deux enfants et deux adultes en prise avec des circonstances dramatiques, et qui s'enfoncent. Des circonstances où les enfants jouent le rôle d'adultes vis à vis des parents et autorités de l'école.....de quoi vous serrer la gorge .
De Vigan va-t-elle les laisser couler ou leur accordera-t-elle une sortie salvatrice ? Et par ce biais nous apaiser.....car ce livre se lit la gorge nouée, du moins je l'ai lu ainsi, donc je vous conseille une période sereine pour sa lecture.
J'aime les personnages de De Vigan, tellement humains, touchants....je me serais comportée exactement comme Hélène, loyale à ses convictions, bien que socialement parlant son comportement ne serait pas considéré éthique; j'ai adoré le petit Théo qui se débrouille comme il peut; j'ai aimé Mathis pris entre deux feux de loyauté et Cécile,qui malgré le pétrin où elle se trouve, ne lâche pas prise.
J'ai apprécié le portrait de prof acerbe de la Berthelot, qui punit Théo sans aucune empathie, aucune sensibilité pédagogique, avançant la raison que le garçon ne lui plait pas, tellement courant même dans les institutions privées.
Delphine est aussi sans pitié pour les couples, la vie de couple et son après, une fois terminée,.....beaucoup de vérités déclamées à travers la fiction, rien de nouveau mais exprimées avec tellement de douceur et d'élégance.
La loyauté à soi-même, à l'ami , à la mère, au père, à l'élève, ne vont pas vraiment aider nos quatre protagonistes, ni eux-mêmes ni les sujets auxquels ils le sont , mais sa dimension humaine, pure, sans calcul fait chaud au coeur.
Bref encore une fois De Vigan me touche avec son sujet, son histoire et sa prose.
À votre avis, si on a lu un livre d'une traite et qu'on y a pris plaisir, même si lu la gorge serrée, est-ce le signe d'un très bon livre ? Si oui, et bien c'est le cas.

“Parfois, il se demande si cela vaut vraiment la peine d'être adulte. Si le jeu en vaut la chandelle,.....”
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Les loyautés - Delphine de Vigan - lu en mai 2018.
les personnages, Hélène, professeur , ayant eu une enfance maltraitée.
Cécile et Wiliam, parents de Mathis. Un couple qui fonctionne vaille que vaille.
Théo, fils d'un couple divorcé, père dépressif au chômage, mère lointaine.
L'histoire de ces personnage s'entrecroise, Hélène le professeur qui se rend compte que Théo a un problème et qui voudrait bien l'aider. Mathis, meilleur ami de Théo, au grand dam de sa mère qui n'aime pas Théo sans bien définir pourquoi. Mathis et Théo sont dans la même classe. Théo est en souffrance, il veut qu'elle s'arrête cette souffrance, il n'en parle pas, il a honte de son père et en même temps en a pitié, sa vie se passe en alternance entre son père et sa mère, chaque semaine il doit s'adapter à deux milieux totalement différents.
Mathis qui admire Théo ne comprend pas bien où il veut en venir mais accepte de le suivre et même pour cela, mentir et désobéir à sa mère.
Jusqu'au drame que je ne vous décrirai pas. 12-13 ans, une enfance sans affectif , le chômage, le divorce, la violence silencieuse, la solitude, l'alcool.
Comme dans tous ses livres, Delphine de Vigan entre dans l'intime de ses personnages, elle décrit des situations qui peuvent être tout à fait d'actualité. Un livre lourd, grave, bien écrit. J'aime tout particulièrement l'introduction :
Les loyautés.
Ce sont des liens invisibles qui nous attachent aux autres - aux morts comme aux vivants -, ce sont des promesses que nous avons murmurées et
dont nous ignorons l'écho, des fidélités silencieuses, ce sont des contrats passés le plus souvent avec nous-mêmes, des mots d'ordre admis sans les avoir entendus, des dettes que nous abritons dans les replis de nos mémoires.
Ce sont les lois de l'enfance qui sommeillent à l'intérieur de nos corps, les valeurs au nom desquelles nous nous tenons droits, les fondements qui nous permettent de résister, les principes illisibles qui nous rongent et nous enferment. Nos ailes et nos carcans.
Ce sont les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves.
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Hélène s'est beaucoup trop impliquée dans cette histoire, elle le reconnaît. Son métier de professeur exigeait une réserve et un recul qu'elle n'a pas eu avec Théo, son jeune élève. Elle pourrait attribuer cela à son enfance maltraitée, des blessures lointaines et secrètes encore mal refermées. Mais cette trop grande sensibilité n'est-elle pas ce qui peut sauver Théo ?

Delphine de Vigan décrit la souffrance des enfants perdus des parents en crise, les difficultés des adultes pour les protéger contre leur milieu et eux-mêmes. Sans généraliser, elle montre comment les traumatismes de l'enfance façonnent une personnalité et, d'une génération à l'autre, se reproduisent sans qu'il soit possible de rompre le cercle vicieux.

Avec la multiplication des séparations et des divorces, une évolution de la cellule familiale, analysée finement et sans jugement, qui si elle est très noire ne l'est pourtant pas totalement. Delphine de Vigan, subtile, concise et bouleversante, révèle aussi les loyautés de certains — parent, enfant, camarade ou enseignant — qui avec leurs moyens, soutiennent l'autre pour tenter de le sauver.

Challenge MULTI-DÉFIS 2018
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critiques presse (6)
LeJournaldeQuebec
23 avril 2018
L’écrivaine française Delphine de Vigan, maintes fois lauréate pour ses grands succès Rien ne s’oppose à la nuit et D’après une histoire vraie, s’est intéressée aux secrets cachés et aux abus d’alcool des adolescents dans un nouveau roman court, nerveux et percutant, Les loyautés.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeJournaldeQuebec
13 mars 2018
Après nous avoir offert les excellents Rien ne s’oppose à la nuit et D’après une histoire vraie, l’écrivaine française Delphine de Vigan signe un autre roman bouleversant.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Culturebox
31 janvier 2018
Un roman qui plonge le lecteur dans les violences invisibles d'une famille en plein divorce. Au cœur du conflit, un jeune garçon qu'une professeure va tenter de sauver.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
17 janvier 2018
Dans son dernier roman, Delphine de Vigan décrit avec une rare acuité les relations qui se tissent et se nouent entre les êtres.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Bibliobs
10 janvier 2018
L'auteure de "D'après une histoire vraie" revient avec "les Loyautés", témoignage essentiel sur des jeunesses en détresse.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
08 janvier 2018
Delphine de Vigan renoue avec le style de ses précédents romans, Les Heures souterraines ou No et moi. Avec Les Loyautés, roman sobre et puissant à la fois, elle explore les failles de l’enfance et touchera un large public, au premier chef, celui des grands adolescents.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (331) Voir plus Ajouter une citation
Nous négocions sans relâche, nous pratiquons la concession, le compromis, nous protégeons notre progéniture, nous obéissons aux lois du clan, nous louvoyons, nous mijotons notre petite cuisine.
Mais jusqu'où ?
Jusqu'où peut-on être le complice de
l'autre ?
Jusqu'où doit-on le suivre, le protéger, le couvrir, voire lui servir d'alibi ?
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Les coups je les ai reçus et le secret je l’ai gardé jusqu’au bout. J’ai trente-huit ans et je n’ai pas d’enfant. Je n’ai pas de photo à montrer, ni prénom ni âge à annoncer, pas d’anecdote ou de bon mot à raconter.
J'abrite en moi-même, et à l’insu de tous, l’enfant que je n’aurai pas. Mon ventre abîmé est peuplé de visages à la peau diaphane, de dents minuscules et blanches, de cheveux de soie. Et lorsqu’on me pose la question – c’est-à-dire chaque fois que je rencontre une nouvelle personne (en particulier des femmes), chaque fois qu’après m’avoir demandé quel est mon métier (ou juste avant), on me demande si j’ai des enfants –, chaque fois donc que je dois me résigner à tracer sur le sol cette ligne à la craie blanche qui sépare le monde en deux (celles qui en ont, celles qui n’en ont pas), j’ai envie de dire : non je n’en ai pas, mais regarde dans mon ventre tous les enfants que je n’ai pas eus, regarde comme ils dansent au rythme de mes pas, ils ne demandent rien d’autre qu’à être bercés, regarde cet amour que j’ai retenu converti en lingots, regarde l’énergie que je n’ai pas dépensée et qu’il me reste à distribuer, regarde la curiosité naïve et sauvage qui est la mienne, et l’appétit de tout, regarde l’enfant que je suis restée moi-même faute d’être devenue mère, ou grâce à cela.
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Oui, j’étais peut-être une mouette engluée par la marée noire, mais aujourd’hui je ressemble étrangement au corbeau de l’histoire que me racontait ma grand-mère, ce volatile grossier au plumage d’ébène qui rêvait d’être un oiseau blanc. Car ainsi se poursuit la fable : l’oiseau se roule d’abord dans le talc, puis dans la farine, mais le subterfuge est de courte durée et ne pas à s’évaporer. Ainsi, il se trempe tout entier dans le pot de peinture blanche, duquel il reste prisonnier. Je suis cet oiseau noir qui voulait devenir blanc et qui a trahi les siens. Je me croyais plus maline. Je me croyais capable d’imiter le chant des tourterelles. Mais moi aussi j’ai perdu l’usage de mes ailes, et là où je suis, il est inutile de se débattre.

Page 167, Jean-Claude Lattès, 2018.
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HÉLÈNE
J’ai pensé que le gamin était maltraité, j’y ai pensé très vite, peut-être pas les premiers jours mais pas longtemps après la rentrée, c’était quelque chose dans sa façon de se tenir, de se soustraire au regard, je connais ça, je connais ça par cœur, une manière de se fondre dans le décor, de se laisser traverser par la lumière. Sauf qu’avec moi, ça ne marche pas. Les coups je les ai reçus quand j’étais gosse et les marques je les ai cachées jusqu’au bout, alors à moi, on ne me la fait pas. Je dis le gamin parce que franchement il faut les voir, les garçons, à cet âge-là, avec leurs cheveux fins comme ceux des filles, leur voix de petit poucet, et cette incertitude qui colle à leurs mouvements, il faut les voir s’étonner grands yeux écarquillés, ou se faire engueuler, mains nouées derrière le dos, la lèvre tremblotante, on leur donnerait le bon Dieu sans confession. Pourtant, il n’y a aucun doute, c’est à cet âge-là que ça commence, les vraies conneries.

Quelques semaines après la rentrée, j’ai demandé un entretien avec le Principal au sujet de Théo Lubin. Il a fallu que j’explique plusieurs fois. Non, pas de traces ni de confidences, c’était quelque chose dans l’attitude de l’élève, une sorte de claustration, une manière particulière de fuir l’attention. Monsieur Nemours a commencé par rire : fuir l’attention, mais n’était-ce pas le cas de la moitié de la classe ? Oui, bien sûr que je savais de quoi il parlait : cette habitude qu’ils ont de se tasser sur leur chaise pour ne pas être interrogés, de plonger dans leur sac ou de s’absorber soudain dans la contemplation de leur table comme si la survie de tout l’arrondissement en dépendait. Ceux-là, je les repère sans même relever les yeux. Mais cela n’avait rien à voir avec ça. J’ai demandé ce qu’on savait de l’élève, de sa famille. On devait bien pouvoir trouver quelques éléments dans le dossier, des remarques, un signalement antérieur. Le Principal a repris avec attention les commentaires rédigés sur les bulletins, plusieurs professeurs ont en effet observé son mutisme l’année dernière, mais rien de plus. Il me les a lus à voix haute, « élève très introverti », « il faut participer en classe », « bons résultats mais élève trop silencieux », et j’en passe. Les parents sont séparés, le gamin en garde alternée, rien que de très banal. Le Principal m’a demandé si Théo était lié avec d’autres garçons de la classe, je ne pouvais pas dire le contraire, ils sont toujours fourrés ensemble, tous les deux, ils se sont bien trouvés, même figure d’ange, même couleur de cheveux, même carnation claire, on croirait des jumeaux. Je les observe par la fenêtre quand ils sont dans la cour, ils forment un seul corps, farouche, une sorte de méduse qui se rétracte d’un coup lorsqu’on l’approche, puis s’étire de nouveau une fois le danger passé. Les rares moments où je vois Théo sourire, c’est quand il est avec Mathis Guillaume et qu’aucun adulte ne franchit leur périmètre de sécurité.

La seule chose qui a retenu l’attention du Principal, c’est un rapport établi par l’infirmière à la fin de l’année passée. Le rapport n’était pas dans le dossier administratif, c’est Frédéric qui m’a suggéré d’aller voir à l’infirmerie, au cas où. Fin mai, Théo a demandé à sortir de classe. Il disait avoir mal à la tête. L’infirmière mentionne une attitude fuyante et des symptômes confus. Elle a noté qu’il avait les yeux rouges. Théo a expliqué qu’il mettait beaucoup de temps à trouver le sommeil et que, parfois, il pouvait passer presque une nuit entière sans dormir. En bas de la feuille, elle a inscrit en rouge « élève fragile », et souligné la remarque de trois traits. Ensuite elle a sans doute refermé le dossier et l’a remis dans le placard. Je n’ai pas pu l’interroger car elle a quitté l’établissement.

Sans ce document, je n’aurais jamais obtenu que Théo soit convoqué par la nouvelle infirmière.

J’en ai parlé à Frédéric, il m’a semblé inquiet. Il m’a dit que je ne devais pas prendre cette histoire trop à cœur. Il me trouve fatiguée, depuis quelque temps, à cran, c’est le mot qu’il a employé, et j’ai aussitôt pensé au couteau que mon père gardait dans le tiroir de la cuisine, accessible au premier venu, un cran d’arrêt dont il faisait jouer la sécurité, d’un geste mécanique, répétitif, pour calmer sa nervosité.
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J’ai remarqué sur son cou les traces du fond de teint qu’elle n’avait pas bien estompé et sur ses joues des rougeurs que le maquillage ne dissimulait plus. Le col de son chemisier était un peu élimé, et ses mains m’ont paru très abîmées pour son âge. C’était une femme que la vie n’avait pas épargnée. Une femme dont le rêve avait été piétiné et qui tentait de faire bonne figure.

Page 88, Jean-Claude Lattès, 2018.
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Vidéo de Delphine de Vigan
Elle est l'éditrice attitrée de plusieurs écrivains contemporains qui comptent dans le paysage littéraire français, tels que Hervé le Tellier, Delphine de Vigan ou encore Monica Sabolo. Depuis 2019, elle s'évertue à faire briller le talent des écrivains de la prestigieuse maison d'édition Gallimard, dont elle est secrétaire générale. Elle y a rapidement porté de grands succès, comme par exemple le livre L'anomalie de Hervé le Tellier, prix Goncourt 2020. Rencontre.
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