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Citations sur Les métamorphoses du gras : Histoire de l'obésité du Moyen .. (43)

Les médecins du XVIe siècle recourent aux descriptions alarmantes : pesanteur insupportable, gestes entravés, le « gros » est évoqué jusqu’au ridicule, pour mieux frapper les esprits, justifier la « sobriété » alors que se confirme la relative indifférence à désigner des seuils. Le flegmatique, illustré par Ambroise Paré, par exemple, l’être débordant de liquides épais et catarrheux, n’existe que grossi à toute extrémité : « face plombine et bouffie », esprit « lourd grossier et stupide », ventre émettant des « bruits grenouillants », individu « vomissant », « crachant », « jetant des excréments par le nez », ayant « un appétit canin » et des maladies d’ « œdèmes et de tumeurs ».
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Montaigne dit concrètement sa volonté de conserver sa propre apparence, celle de s’abstenir d’engraisser. Il avoue « dérober parfois quelque repas » pour guérir son estomac, éviter la réplétion, repousser le profil de Bacchus surtout, ce « petit Dieu indigeste et roteur, tout bouffi de la fumée de sa liqueur ».
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« La graisse lui sortait par les yeux comme les puces sautent dans un four qui sue de froid. »

-Moyen de parvenir, Béroalde de Verville-
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Impossible, quoi qu’il en soit, de comprendre l’objet de ces stigmatisations du « gros » sans mesurer la vision tout aussi redoutée du « maigre ». L’obligation affirmée d’un « équilibre ». […] Le danger de cette maigreur serait de faire disparaître ce qu’une graisse « normale » est censée promouvoir : volume et modulation de formes. D’où la description fortement alarmée de la maigreur elle-même : « exténuation extrême » du corps, reconnaissable à « la lâcheté de la peau lorsque, étant attirée haut avec le bout des doigts, se sépare facilement d’avec la chair ». D’où encore la sanction sociale possible de cette maigreur : le renvoi brutal de Hosse Clichtove comme « confesseur royal » en 1517 pour « excès de maigreur », ou l’ironie de Brantôme sur ces femmes « si décharnées que le plaisir et la tentation en sont bientôt passés » ; voire celle de l’Arétin, sur la « garce du couvent », femme jugée « revêche et sans grâce » que la maigreur transformerait en « figure de possédée ».
La maigreur alarme, rappelle la famine, la peste, les décharnements. Elle est dessèchement, aspérité, faiblesse, ce qui, dans l’imaginaire ancien, s’oppose aux ressorts de la vie. Elle profile l’inéluctable, le chemin de la vieillesse, celui de la mort : « Il n’y a rien qui dessèche comme l’âge bien que ce soit lentement ».
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La graisse fabriquerait de l’impuissance. La carence du gros devient, avec la modernité, celle des dynamiques et des capacités. Elle avive aussi des dénonciations collectives, où l’embonpoint des nantis traduirait leur rapine autant que leur sourde inefficacité : nobles et abbés de la fin du XVIIIe siècle, aux ventres rebondis et aux corps affaissés, en sont l’exemple, « profiteurs » que les images révolutionnaires livrent au « pressoir réducteur » tout en dévoilant leur inutilité.
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[…] Jean Riolan prétend en 1661 que la graisse est unie par une membrane disposés sous la peau, véritable « tunique » permettant d’agréger ses émiettements, tout en recouvrant le corps « comme un habit ». Alors que Diemerbroeck insiste en 1672 sur l’aspect diffus de cette « huile » infiltrée sans limité précise, ou que Fabrice de Haldan suggère au contraire, en 1682, l’existence de boules de graisse accentuant le volume du ventre en flottant libres dans l’abdomen, comme autant d’objets « autonomes », susceptibles d’être rejetés tel un déchet.
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La dénonciation du ventre, fût-il éloigné de l’extrême obésité, est aussi celle d’un monde : une société où nombre d’attentes promises par les constituants semblent oubliées, où ce contentement confinerait à la superficialité, où l’allure des notables « satisfaits » correspondrait encore au refus de tout changement dans un univers lui-même imparfait. L’existence, autrement dit, d’un « foyer de pathologie sociale ruinant la morale dominante ».
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Autre recours excitant, enfin, celui de l’électricité : le fluide et ses commotions, les chocs « expérimentés » au milieu du XVIIIe siècle par quelques amateurs et savants. Schwilgué propose un bain froid doté de courant électrique dont il attend resserrements et sécrétions. L’abbé Nollet conseille une électrisation directe dont il dit chiffrer les effets : « Un chat électrifié fut plus léger de 70 grains, un pigeon de 35 à 37 grains, un moineau de 6 ou 7 grains. » Calculs dérisoires s’ils ne révélaient la préoccupation de l’amaigrissement autant que celle de sa vérification ; calculs plus suggestifs, en revanche, une fois appliqués au corps humain : « Un jeune homme et une jeune femme de l’âge de 20 à 30 ans, ayant été électrifiés pendant cinq heures de suite, perdirent plusieurs onces de leur poids. »
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La critique du gros change avec la Renaissance, centrée davantage sur la lenteur, la fainéantise, voire l’inintelligence des choses et des gens. […]
L’épaississement devient « retard », inadaptation à un monde où l’activité prendrait une nouvelle valeur. Non que la faiblesse ait été jusque-là négligée, non que la lenteur ait été ignorée. Mais la vigilance médiévale retient d’abord la gourmandise, la gloutonnerie. Elle se fixe aux péchés capitaux. La modernité s’attache plutôt aux mollesses, aux efficacités. La belette de La Fontaine, banquetant dans son grenier, devenue « mafflue et rebondie » au point d’être incapable d’emprunter le trou par où elle est entrée, focalise à elle seule l’absence de ressort, l’inhabilité condamnant la grosseur.
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Dans ses lettres de la fin du XVIIe siècle, la princesse Palatine donne une image d’elle-même : « Ma taille est monstrueuse de grosseur, je suis aussi quarrée qu’un cube, ma peau est d’un rouge tacheté de jaune… » Le témoignage est précieux parce que l’autodescription physique est rare dans la France d’Ancien Régime. Elle suppose une distance, une objectivation de soi, un jugement de surplomb que seul un lent travail de culture a pu autoriser.
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