Déclenchée en mars 2011 par la répression des manifestations pro-démocratie, la guerre en Syrie s'est progressivement complexifiée avec l'implication, sur un territoire déjà très morcelé, de groupes djihadistes, de forces régionales et de puissances internationales.
La communauté internationale n'a pas augmenté son aide à mesure de l'aggravation de la crise humanitaire ; elle a même fermé ses frontières.
Ziad Majed parle de « génocide lent » suite au blocage des convois humanitaires, au bombardement systématique des hôpitaux, des commerces, des écoles et des unités résidentielles.
En se prolongeant dans le temps, le conflit syrien est devenu à la fois une guerre civile, une guerre confessionnelle et une guerre par procuration. Depuis mars 2011, le conflit a fait plus de 500 000 morts.
Témoigner, raconter à tout prix : c'est ce qui meut Noor, l'héroïne du roman de
Patricia Vigier. Nous la suivons de mars 2011 à mars 2017 dans la première partie de l'ouvrage et nous la retrouvons ensuite jeune adulte dans une seconde partie.
Depuis l'enfance, Noor rêve d'être journaliste. Elle partage sa passion avec Faisal, son ami de toujours. Elle apprend son métier de jeune reporter en devenant témoin de la guerre qui s'installe dans son pays. Les manifestations sont réprimées à balles réelles ; de nombreux jeunes y perdent la vie. C'est le cas de Marwa, sa soeur. Noor multiplie pourtant les reportages, dans un pays aux prises avec les attentats et les interventions violentes des Chabihas.
Ce roman est très engagé et très touchant. Les personnages sont attachants, complexes, en proie à de multiples contradictions. Ainsi Faisal, l'ami de toujours mais aussi le rival dont les actes invitent à se questionner sur la déontologie des journalistes. La tante Sarjawi, pour qui Noor est la nouvelle Bathzabbai, promise à un grand destin. le père de Noor, tiraillé entre les deuils, la demande d'exil de sa femme, la peur pour les siens et la fierté de voir son enfant témoigner et résister. Harum, le rayon de soleil, le cadeau venu du plus heureux hasard.
Car la vie continue en Syrie. La solidarité s'installe au fil des pages et des années qui passent : petites structures d'accueil de quartier, échanges pour la garde des enfants, pour l'alimentation, implication des organisations humanitaires ;
Patricia Vigier nous dépeint un quotidien fait de petits bonheurs et de grandes désillusions.
La professionnalisation croissante de Noor, au fil du roman et son ouverture à sa vie de femme libre, sous le regard de son bienveillant protecteur Husam, le photographe des génocides, permettent au jeune lecteur d'aller vers plus de maturité, plus de lucidité. le lecteur grandit en même temps que Noor traverse le conflit syrien. Ce roman rappelle aux jeunes que chacun peut trouver sa voie : même quand les trajectoires semblent sans lumière, l'amour et l'engagement restent des remparts à notre humanité blessée.