Difficile de commenter cet essai. Inutile de le résumer. Se référer à la biographie d'Artaud détaillée dans Wikipedia. Sinon lire ce livre comme un hommage à cet être torturé.
Antonin Artaud né à Marseille à la fin du 19ème siècle n'aura pas une vie très longue : il s'éteindra à l'âge de 52 ans. D'une enfance maladive mal soignée, il émerge accroc aux drogues de l'époque ce qui le conduira en psychiatrie et pourra aussi expliquer une vie de bohême.
L'important, c'est son héritage spirituel. Il adhérera au Surréalisme avec
André Breton pour mieux s'en distinguer plus tard. Il renouvellera l'art théâtral. A la recherche d'un théâtre de vérité, débarrassé des illusions du décor, il travaille à libérer l'esprit de ses entraves et cristallise toutes ses idées nouvelles dans un essai : «
le théâtre et son double » qui est encore aujourd'hui étudié. Il a vraiment une volonté d'en finir avec les faux décors et ce qui est sur scène doit servir et être vraiment utilisé par les comédiens. Il rêve d'un théâtre sans séparation, d'un théâtre intégral dont il sera à la fois le théoricien, le comédien, le poète et l'alchimiste. Au moment de l'Exposition coloniale qui s'est tenue à Paris, il est séduit par l'authenticité des danses balinaises. Il voit là un « théâtre vivant, total, débarrassé des mots et de la psychologie, qui attaque dans un même mouvement l'âme et le corps, qui entraîne le spectateur dans une forme d'extase mystique ». Plus tard, au Louvre, il découvre Les Filles de Loth, une oeuvre peinte par un primitif hollandais Lucas van Leyden. Il est le spectateur d'une scène « métaphysique », dont la puissance et l'efficacité lui rappellent celles des danses balinaises. de ses observations nait le «Théâtre de la Cruauté» dont la « vision a impulsé un puissant renouvellement de la pratique théâtrale au XXe siècle, inspirant des créateurs comme
Peter Brook,
Antoine Vitez,
Dario Fo ou
Carmelo Bene ».
Hors des clichés trop faciles du poète maudit, seul face à son art,
Antonin Artaud a un puissant réseau d'amis qui lui procure le gite et le couvert et plus encore quand le besoin s'en fait sentir.
Il a également ses amies de coeur – à commencer par sa mère et sa soeur toujours assez présentes, et puis beaucoup d'autres dont la célèbre
Anaïs Nin.
Il part à l'étranger au Mexique d'abord puis en Irlande. Au Mexique, il propose une pensée politique originale qui annonce, sous certains aspects, l'altermondialisme. J'ai aimé ce côté de sa personnalité si moderne. L'aventure irlandaise, me semble-t-il, s'est soldée par un échec. Il finit en H.P. Neuf années d'enfermement psychiatriques bourré d'électrochocs qui le fragilisent.
Si la partie que l'auteur a consacrée à son enfermement psychiatrique m'a fortement peinée, j'ai apprécié que
Laurent Vignat ait bien détaillé la profonde influence que cet homme a eu sur le théâtre, notamment le théâtre américain.
L'écriture est très agréable, facile à lire et les citations sont nombreuses. Les nombreux ouvrages qui émaillent la bibliographie sélective en fin de recueil sont bien utiles pour continuer à creuser la vie de ce « visionnaire hurlant ».
Je remercie les éditions du Jasmin pour l'envoi de cet essai à la demande de Babelio. J'aurais aimé l'avoir en 1970 lors de ma préparation de licence de lettres modernes, mais
Laurent Vignat venait juste de naître.