"Un métier c'est d'abord un langage qui entre en vous."
Dans cette ruelle en terre battue, c'était une cohue de charrettes à bras, de vélos pourris, de gens en guenilles, d'autres plus élégants, coiffés de petits bonnets rouges, des tarbouches. ça criait, ça interpellait, ça riait aussi. Il y avait là une pauvreté pleine de vie et de démerde, bien loin de celle, silencieuse, abattue, esseulée, que l'on voit dans les couloirs du R.E.R.
C'est vrai que c'est un sacré bazar, le réel. C'est beaucoup plus reposant de vivre dans une seule dimension. Une fois qu'on vous a ouvert d'autres portes, d'autres univers, ça vous colle le tournis, surtout les jours fériés quand un bonne partie de votre famille vient vous rendre visite.
J'aime les mots savants. Lorsque j'en possède un, je possède mieux le monde. Florian, mon meilleur copain, toujours soucieux de sa vie sociale au collège, me dit que je me la pète quand j'en sors un et que ça fait mauvais effet. Je n'insiste pas et planque mon mot comme quelque chose de honteux. Essayez d'expliquer, dans une cour de collège, que manger de mots, c'est manquer de monde ! Que sans un mot précis, unique, pour désigner une chose, c'est le monde entier qui coule à travers les doigts comme une pâte slime.