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Chatterton. Pour beaucoup, ce nom évoque principalement un ruban adhésif en plastique coloré, vaguement élastique. Pour quelques nostalgiques de Serge Gainsbourg, ce patronyme rappelle au mieux un titre de 1967. Pour quelques autres, férus de littérature britannique et/ou moyenâgeuse, ce nom ravive faiblement le lustre de la poésie du XVIIIème siècle.

Mais pour nous autres, amateurs à nos heures de dramaturgie française du XIXème, ce nom porte le sceau de l'inéluctable tournant romantique propre à la première moitié de ce siècle.

Bon, soyons clairs, pour apprécier le Chatterton de Vigny, il faut soit avoir quinze ans révolus et impérativement moins de vingt, soit être adepte inconditionnel du romantisme pur jus, première pression à froid, dans l'acception la plus typique, caractéristique, presque caricaturale du terme.

De puissants relents de tragédies antiques festonnent les trois actes de cette pièce qui est une relecture très libre, très aménagée et fort peu historique de la vie de Thomas Chatterton, poète anglais disparu en 1770 dans sa dix-huitième année par ingestion volontaire d'arsenic.

La postérité en a fait une icône du poète incompris, donnant tout à son art et le tenant en plus haute estime que tout le reste sur cette Terre. D'où une certaine arrogance face au commun des mortels, lui qui, crevant la misère, a préféré la mort à une vie de labeur ordinaire dans un quelconque patelin obscur sans aucune chance de reconnaissance.

Ajoutons à cela qu'il eut l'idée lumineuse, l'animal, d'écrire en vieil anglais et d'attribuer ses propres vers à un moine du XVème siècle ce qui eut pour mérite de le faire accuser de plagiat et de malhonnêteté, ce qui renforce bien évidemment son statut de « martyr » de l'Art, avec un grand A comme Autosuffisance.

En somme, le candidat idéal pour Alfred de Vigny qui s'attelait à l'écriture d'une pièce sur le sort réservé aux gens de son engeance, les Artistes avec un grand tAs. Il y greffe certains clins d'oeil à sa propre biographie ainsi qu'une histoire d'amour digne de plaire à Théophile Gautier (voir sa fort peu digeste « Spirite » par exemple), mais probablement pas à moi qui hais en littérature (comme ailleurs) les grands sentiments entièrement noirs ou blancs, ce que je nomme, pardonnez-moi l'expression le cul-culisme ou le gnan-gnantisme sentimental et dont Chateaubriand était un savant orfèvre.

Une oeuvre en somme que je qualifierais pour son sujet ou pour le tempérament de ses personnages d'assez caricaturale dans l'ensemble mais il y demeure la belle et solide écriture d'Alfred de Vigny, qui elle, reste limpide et rafraîchissante.

Le personnage du Quaker me semble le plus intéressant, sorte de vieux sage entremetteur et bienveillant. À noter également, la brève mais incisive et percutante dénonciation du capitalisme naissant à l'Acte I (la pièce a été écrite, rappelons-le, en 1834, donc à l'aube du virage de l'économie moderne, beau coup d'oeil Monsieur de Vigny, chapeau bas). Il ne vous reste plus qu'à faire votre marché parmi tout cet attirail littéraire, voici du bon, voici du moins bon, mais aussi et surtout, bien sûr, tout ce que j'exprime ici n'est que mon avis, autant dire, pas grand-chose.
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Alfred de Vigny, de nos jours, c'est un nom sur une liste de lecture au bac. Un romantique quelque part dans le tas entre Nerval, Chateaubriand et ainsi de suite. Y compris pour moi. Mais j'ai voulu combler ce manque, et j'ai bien fait.

Chatterton' est une petite pièce complexe et fort surprenante. Un jeune poète a trouvé refuge dans une misérable chambre garnie. Bien qu'issu d'une famille riche, son père vient de mourir en le laissant ruiné. Ses vers magnifiques l'ont rendu célèbre, mais ne lui ont presque rien rapporté. Ses amis d'Oxford aux vêtements cousus d'or lui sont devenus insupportable, et il a fui pour essayer d'échapper à la misère. Mais la famille où il a trouvé refuge est pour le moins originale. le maître des lieux, John Bell, fait partie de la jeune classe montante des industriels. Dur, brutal, impitoyable, il règne sans pitié sur ses ouvriers, et terrifie ses enfants et sa jeune épouse.

Celle-ci, mistress Bell, est un personnage extrêmement intéressant. Très pieuse, généreuse, aimante avec ses enfants, elle se débat avec désespoir dans un mariage qui l'écrase, et dans une société à l'image de son époux. On est témoin de ses peurs, de ses plaintes et de ses révoltes amères auprès de son unique confident : le quaker.

On ignore son nom, il n'est désigné que par ce sobriquet impersonnel pour souligner que, à l'instar de Giminy Criquet, il n'est pas vraiment un personnage, mais plutôt l'âme et la conscience de la maison. Celle de John Bell surtout à qui, dans un dialogue magnifique, il n'hésite pas à dire ses quatre vérités – que ce dernier accepte avec cynisme. Pourquoi un quaker ? A l'époque, ce courant du protestantisme représente une sorte d'idéal de pureté, réputé pour ses valeurs de bienveillance, de compassion et de désintéressement.

Bien que romancée, la pièce s'inspire d'une histoire vraie : celle du poète Thomas Chatterton, qui s'empoisonna à dix-sept ans plutôt que de mourir de faim. Tout comme ce dernier, elle mérite d'être tirée de l'oubli ; car elle est bien plus qu'un hommage.
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Kilito (écrivain marocain) nous raconte son anecdote avec un professeur à l'université qui, après avoir assisté à sa conférence sur Al Jahiz (un conteur arabe, un auteur classique), lui demanda: est-ce que cet auteur existait vraiment ou bien l'aviez-vous inventé?

En effet, qui de nos jours connait l'oeuvre de Chatterton? Une élite limitée. Et l'on se demande en lisant ce drame si le héros est réel ou fictif. Et Chatterton demeure plus une figure mythique du poète incompris, du paria de la société qu'un écrivain anglais comme Lord Byron ou Keats.

Vigny en avait déjà parlé dans son roman Stello. Mais cette fois, l'auteur, familier de la dramaturgie shakespearienne veut mettre en scène son héros romantique. Avant de commencer la lecture de ce drame, on trouve l'excellente présentation de Vigny intitulée « Dernière nuit de travail » où l'auteur explique ses intentions. C'est moins un plaidoyer du suicide qu'une défense et illustration du poète ou « homme spiritualiste étouffé par une société matérialiste ». Certes, on peut constater, lecteur moderne que nous sommes, toute cette exagération des sentiments maladifs qui ont mené le poète au suicide. Mais cette pièce est une occasion pour retrouver Vigny le dramaturge (en tout cas pour moi) après l'avoir lu comme poète et romancier.
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Chatterton , la raison pour laquelle j'ai voulu lire la pièce c'est parce que j'avais été très touchée par le tableau d'Henry Wallis ; tableau que j'avais dû voir dans un livre français au lycée pour illustrer un texte romantique.

Mais qui est donc ce bougre dont on connaît d'avance la triste fin ? Un jeune homme de 18 ans, un idéaliste qui rêve de vivre de ses vers. Mais, son destin en décide autrement ...

L'écriture d'Alfred de Vigny n'a rien de particulièrement marquant ou bouleversant. Et la fin de la pièce est trop bâclée à mon goût.
En revanche, j'ai apprécié l'opposition entre John Bell, le capitaliste sans coeur qui détourne toutes les lois (mêmes celles du Seigneur! ) à son profit et Chatterton, l' homme de lettres et tous les thèmes qui en découlent.
La flamme qui naît entre Chatterton et Kitty Bell est bien chaste et pudique, et le Quarker y veille de près ! (ouf ! cette sainte institution qu'est le mariage est sauvée ! )

Une pièce de théâtre qui pour moi n'aura rien de mémorable. J'ai au moins la satisfaction de connaître l'histoire derrière le beau tableau !
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Il s'agit d'un immense plaidoyer pour ce poète méconnu. Thomas Chatterton (1752-1770), était un jeune prodige qui avait commencé à écrire très tôt, vers l'âge de 11 ans. A 16 ans, il fera publier ses textes. Personnalité étrange, arrogante, Chatterton a une ambition démesurée. Il part à Londres afin d'y trouver le succès. Mais ses rêves de gloire se brisent très vite et il ne doit sa survie qu'à un protecteur qui lui offre une mansarde pour se loger. le décès de ce mécène provoquera le suicide du jeune poète qui, se sentant perdu, mettra fin à ses jours, à 17 ans, en avalant de l'arsenic. Il devient ainsi une des figures symboliques du romantisme.

Vigny fut marqué par la destinée de Chatterton. Il décide alors de reprendre son histoire afin de souligner l'indifférence de la société face à l'art. S'il veut vraiment subsister, le poète va devoir accepter des fonctions utilitaires qui va le détourner de sa mission, chose qu'il regrette bien évidemment. Fidèle à son style et son courant, la pièce est également un drame d'amour, l'amour toujours suggéré de Chatterton pour Kitty Bell. Ceci dit, Vigny a pris là quelques libertés puisque cette histoire avec Kitty n'est que pure fiction.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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En première année de licence de lettres, j'ai été dans l'obligation de lire cette pièce de théâtre dans le cadre de mon cours de littérature française du XIXème siècle. Lors de ma première lecture, sorte de tour de paysage de l'oeuvre à étudier, j'ai découvert une jolie histoire, bien construite, très intéressante, à l'aspect moraliste. Mais c'est seulement lorsque nous avons commencé l'analyse du livre que j'ai découvert bien d'autres thèmes méconnus, des sujets que je n'ai pas relevé lors de ma première lecture.

Alfred de Vigny a publié son livre en 1835, tandis que l'histoire racontée se situe dans les années 1770, à Londres, ville grandissante, caractérisée par son or et son capitalisme montant. La figure de John Bell, père et mari, se fait, dans l'ouvrage, le chef de fil des matérialistes. Cet avare autoritaire, qui effraie autant sa femme que ses enfants, loue une chambre dans sa maison à un poète de passage, poète éponyme du roman, du nom de Chatterton.

Dès le début du récit, une certaine tension se fait ressentir à travers John Bell. Tension qui s'accroît avec l'apparition de Chatterton. On peut d'ors et déjà découvrir une contrariété entre l'avarice matérialiste de l'industriel et l'aspect spirituel du poète. Alfred de Vigny va jouer sur cette distinction pour mettre en avant les valeurs de l'esprit, qu'il estime égales voire supérieures à tout argent.

Chatterton, c'est aussi un roman d'amour, singulier, particulièrement touchant et attendrissant. En effet Kitty Bell, la femme de l'industriel, va peu à peu tomber amoureuse de Chatterton, sans se l'avouer. Se dégageant de ses fonctions de femme et de mère, elle se tourne vers ce poète, n'hésitant pas à désobéir à son mari - comme lorsqu'elle fait crédit au poète, sans l'accord de John Bell. Mais cet amour se sait sans être révélé. le lecteur le devine à travers une série de regards et de gestes qui ne trompent pas. Les deux tourtereau eux-mêmes arrivent à se comprendre sans se parler, signe de la coalition de leurs esprits, qui se regroupent en un sublime ensemble.

Malheureusement, sans vouloir briser le charme de ses sentiments purs, je dois vous prévenir que Chatterton récèle un héros à la destinée tragique. Ce poète déjà meurtri par les événements de la vie, continue d'écrire pour exister. Les matérialistes briseront ses derniers espoirs, l'empêchant de se découvrir pleinement et de réaliser ses projets.

Je ne parlerai pas du dénouement, volontairement pour ne pas révèler aux personnes à qui j'aurais donner l'envie de découvrir cette pièce de théâtre, l'amère déception de le connaître avant de l'avoir lu. Mais sachez tout de même que c'est une fin spectaculaire que nous offre Alfred de Vigny, dignement jouée sur scène par Marie Dorval.

Jetez-vous sur cet ouvrage. Facile de compréhension, il recèle néanmoins de nombreux thèmes inédits et modernes, nous fait ressentir divers sentiments, nous horrifie autant qu'il nous fascine. J'ai adoré le lire, le relire et le re-relire. Un plaisir d'étudier ce genre d'oeuvre.
Lien : http://addictbooks.skyrock.c..
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C'est une pièce magnifique, très dépouillée, confinée, mais sur un poète. le romantisme dans toute sa splendeur avec Chatterton, poète incompris, jouet d'une galerie mondaine qui se rit de lui et veut juste se divertir. Ce rapport de force, encore et toujours valable dans n'importe quel domaine artistique aujourd'hui, est le principal interêt de la pièce, la défense de l'Artiste avec un grand A, le messager romantique divin, contre l'establishment mondain qui ne veut que du divertissement et se joue du véritable sens, du statut ridicule qu'a pour eux le saltimbanque...

L'amour touchant de Chatterton pour Kitty Bell, les paroles du Quaker, renforcent le caractère frappant de ce drame romantique pourtant réduit au plus simple appareil. Comme quoi, tout est dans les mots, nul besoin de 30 personnages et de voyages à travers les frontières. (chose qui ne me gêne absolument pas chez Shakespeare ou Hugo, mais Vigny réussit le tour de force d'adopter le parti-pris opposé, au romantisme)
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Une piece oubliee mais splendide que ce Chatterton : Vigny a cote de ses poesies celebres nous a laisse aussi cette splendide piece injustement oubliee ! La relecture ou decouverte de cette piee vous surprendra , bonne lecture !
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Un classique à découvrir pour les intéressés, qui ne prend pas beaucoup de temps et qui vaut le détour.
Lien : http://booksetboom.blogspot...
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On ne peut pas parler de déception, mais de décalage dans le temps.

Bien que je ne suis plus, loin de là, une jeune adulte de l'âge des principaux protagonistes : Chatterton et Kitty BELL, il est difficile au XXIeme siècle d'adhérer au romantisme de ce drame en 3 actes.

Si certains personnages peuvent encore être d'actualité: le sage ou philosophe: le quaker, les "people" : Lord Talbot et ses amis, l'entrepreneur odieux : John Bell, le politique.. sans autre commentaire : lord Beckford , il n'est pas crédible qu'une jeune mère de famille tombe amoureuse d'un jeune poète, locataire depuis quelques semaines, que de plus elle ne croise pas, au point de mourir quelques minutes après le suicide du jeune poète.

C'est un drame bien écrit mais de nos jours peu réaliste.
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