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3,08

sur 108 notes
Ressources inhumaines, percutant roman de cette rentrée littéraire 2015 édité chez Albin Michel, est comme son titre l'indique, est une critique au vitriol du monde de l'entreprise.

Le metteur en scène Frédéric Viguier, pour sa première expérience littéraire s'acharne à décrire sans concession aucune un système qui broie l'être humain pour le transformer en machine dépourvue de la moindre empathie.

Prenant pour décor principal comme plusieurs films récents l'ont fait un peu avant lui ( "Discount", "La loi du marché", "Jamais de la vie", étrange que ce secteur interesse autant les artistes), la toile de fond d'une grande surface la plus quelconque possible, ce livre nous dit tout des coups bas et des injustices dans un monde du travail qui ne jure que par recherche du profit et d'un meilleur rendement, au détriment du bien être de ses employés.

A travers le parcours d'une jeune stagiaire qui va vite comprendre comment fonctionne les rouages et les subterfuges pour gravir les échelons de son ascension professionnelle et qu'on va retrouver dans la seconde partie du roman, à une étape charnière de sa vie et face à un autre stagiaire qui lui renvoie l'image de ses débuts et qui va lui montrer qu'une autre façon d'appréhender les choses pourrait être possible.

Une écriture froide et acérée, un manque de densité psychologique parfois gênant (un reproche assez inhérent aux romans français), mais un regard juste et percutant sur un milieu qui tranche par sa violence, sa nocivité, et sa radicalité…

A lire pour bien comprendre ce mécanisme insidieux mais qu'un nombre d'entre nous a forcément rencontré une fois au moins dans sa carrière…
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un titre qui annonce parfaitement la couleur et à l'arrivée, une démonstration glaçante et implacable sur un monde du travail qui ne propose aucun sens, confine parfois à l'absurde et parvient à fabriquer des monstres. Mais il ne faut pas se tromper, le monde du travail - en l'occurrence l'hypermarché - pris ici comme cadre de l'intrigue n'est que la reproduction miniature de la société dans son ensemble. Constat terrible parce que très juste.

"Toi, tu as tout compris". Cette phrase l'héroïne - que l'on ne désigne que par le pronom "elle"- l'entend régulièrement murmurer sur son chemin au fur et à mesure qu'elle franchit les échelons, passant de stagiaire arrivée un peu par hasard dans ce rayon textile d'hypermarché à Chef de secteur. Pourtant, elle donne l'impression de naviguer à vue, sans ambition, sans envie particulière, sans beaucoup d'estime d'elle-même. Mais elle trouve dans l'entreprise un univers auquel se raccrocher, un écosystème dans lequel elle a enfin l'impression d'exister, elle qui se sent comme "une poche qui a besoin d'être remplie". La façon dont l'auteur dépeint l'entreprise est malheureusement parfaitement réaliste, le trait à peine forcé pour les besoins de la démonstration. Rapports humains faits de méfiance, de crainte et de représentation. Des jeux de rôles plutôt qu'une réelle implication dans son travail, à cause de méthodes de management où le vocabulaire brillant est là pour cacher la vacuité de l'ensemble.

Elle passe vingt ans à protéger son statut, à éloigner les petits ambitieux qui voudraient prendre sa place comme elle-même s'y est employée avec l'arrogance de ses vingt ans. Elle se raccroche à ce qu'elle peut : un statut, la proximité avec la direction qui symbolise le pouvoir et lui procure l'illusion de la réussite. Même la liaison qu'elle entretient avec un ancien cadre de l'hypermarché n'est qu'un mensonge qu'elle refuse de voir. Au point de passer à côté de sa vie de femme et de ne pas savoir saisir l'occasion d'un possible bonheur lorsqu'elle se présente.

Si le sujet peut sembler "casse-gueule', le résultat m'a agréablement surprise. Outre la description de l'univers du travail très bien sentie (les petits chefs, la quête du moindre pouvoir, l'épuisement des salariés et leur renoncement seule façon de préserver leur santé mentale...), la structure en deux parties rend le constat vingt ans après encore plus désolant et l'accélération de l'intrigue en fin de livre laisse un peu KO devant tant de gâchis. Enfin, la confrontation des générations apporte la dernière touche de vérité, avec l'apparition de "Il", symbole de la génération Y dont le rapport au travail parle de réalisation et d'épanouissement plutôt que de statut et de reconnaissance. Une génération que le monde de l'entreprise dirigé en majorité par la génération X n'a toujours pas réussi à comprendre. En quelques chapitres, ce roman en dit plus sur le sujet que la plupart des conférences qui lui sont dédiées.

C'est bien le roman du vide dont il s'agit, un thème illustré par les notes de l'héroïne à chaque fin de chapitre. le roman d'une vie absurde, fruit de la société dans laquelle nous vivons. A méditer.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour m'avoir sélectionnée pour cette lecture.

Pour un premier contact avec le monde du travail, une jeune-fille sans aucune aspiration, commence dans un hypermarché comme stagiaire. Ayant vite compris les manigances entre "petits chefs", elle aussi deviendra "chef". Responsable d'un rayon tout d'abord, puis sans diplôme et sans compétence, elle se hissera jusqu'à ce niveau d'une hauteur vertigineuse pour elle de... chef du secteur textile !
Sans compétence ?... pas totalement, puisqu'elle a le don de savoir satisfaire celui qui peut l'aider à grimper et à se maintenir au plus haut poste... elle couche, quoi !
Pathétique... lorsqu'elle s'imagine être comblée par son pouvoir de petit chef ; désespérante... par son incapacité à vouloir autre chose ; écœurante... lorsqu'elle n'a aucun scrupule à nuire si cela sert son ascension ; elle ne vit que pour l'hyper, pour ce petit pouvoir sur ses inférieurs, mais sans réaliser qu'elle n'est aussi qu'un rouage pour la machine qui l'emploie. Et être un rouage ce n'est pas vivre !

C'est une lecture édifiante (mais néanmoins plaisante) sur l'envers du décor de la grande distribution. Une vision assez cynique et s'il y a sûrement du vrai dans cette représentation, j'espère que les individus qui y travaillent sont tout de même un peu plus "humains" que notre héroïne. Tiens, on ne voit plus très souvent la mention "toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite" ... j'aurai bien aimé la voir ici, ça m'aurait un peu rassurée.
Dans la seconde partie, ouf ! Il y a un peu d'amour... on espère que notre "grande chef" va évoluer d'une façon positive, que son regard sur les autres va changer. Finalement, elle ...
...mais non ! je ne vous dirai rien d'autre.
Si vous voulez en savoir plus, tentez ce livre... à l'occasion, vous verrez probablement d'un autre œil votre hypermarché.
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Vous connaissez le Bel-Ami de Maupassant ? Histoire de l'ascension sociale et professionnelle fulgurante de Georges Duroy dans les milieux de la presse et de la politique, via les femmes, à la fin du XIXe siècle.
Même chose ici, transposée au début du XXIe siècle : parcours d’une jeune stagiaire de vingt-deux ans dans l'univers impitoyable de la grande distribution. Sans diplôme, elle brûle les étapes et se retrouve très vite « chef du secteur textile ». Poste prestigieux dans un hypermarché qui emploie 650 personnes. Drôle de femme qui se décrit comme « une poche plate et sans relief, parce que vide » qui se sent enfin exister en grimpant dans la hiérarchie, prête à se laisser grimper dessus par le premier venu occupant un poste stratégique, quitte à écraser du monde sur son passage et à affronter l’hostilité des collègues qu’elle a trahis, suscitant à la fois l'admiration et le mépris de ses supérieurs, car personne n’est dupe de ses manoeuvres.

On sait que les conditions de travail dans la grande distribution sont très difficiles : horaires de dingues, pression, compétition entre salariés (donc délation, manipulation, coups bas pour sauver sa peau)…
Je n’ai jamais remis en cause les situations décrites par l’auteur dans ce récit, « l’inhumanité » des relations entre ces salariés. Par contre, j’ai eu beaucoup de mal à croire au personnage de cette jeune femme glaçon, sans états d’âme, même pas perverse, à la fois fragile, pas très futée, et tellement douée pour tout piger et tirer les ficelles en ayant plusieurs « coups » d’avance. Est-ce une image concentrée de ce qui se passe dans cet univers ou bien le lecteur est-il censé trouver ce personnage crédible ? Je n’ai pas réussi, donc aucune empathie, donc distance…
L’intrigue m’a parfois semblé confuse, je me perdais dans les stratégies commerciales entre centrale d’achat et fournisseurs indépendants, faute de connaître ce milieu, sans doute. On peut s'enliser dans ce récit très répétitif et étouffant – « rayon textile », « secteur textile » apparaissent de manière lancinante – à l’image d’une vie professionnelle aussi aliénante, sans aucun doute, dont on ne s’extrait même pas en rentrant chez soi le soir et le week-end.
J’ai espéré un nouvel élan avec la seconde partie du roman, à mi-parcours, je m’y suis encore plus ennuyée, étant de plus en plus agacée par les comportements de cette femme blindée et lisse qui ne lâche jamais prise.

Avis mitigé, ma réticence portant essentiellement sur le personnage central que je n'ai pas "senti" - il est souvent fait référence à l'odeur de l'autre dans ce roman.
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Un jeune fille, sans compétences particulières, se retrouve propulsée chef de rayon peu de temps après avoir été embauchée comme vendeuse dans un hyper marché. Elle qui est indifférente à tout, aux autres et à elle même, commence à éprouver une étincelle d'intérêt dès qu'elle sent les effluves du pouvoir émanant des chefs lui chatouiller les narines. La situation lui plaît et elle se fixe un plan de carrière pas trop ambitieux pour ne pas se mettre en danger dans ce milieu où tout faux pas se paie cash. Mieux vaut être prudente et prête à toutes les bassesses pour y arriver .
Ce roman dénonce les méthodes toxiques de management qui font des ravages dans les entreprises en déshumanisant les relations au sein des équipes. Le sujet est passionnant mais je n'ai pas apprécié la façon dont l'auteur l'a traité, je l'ai trouvé beaucoup trop caricatural. Je sais bien que le monde du travail est loin d'être rose mais je ne le crois pas d'une telle noirceur. Cet hypermarché concentre tous les types de comportements propres à provoquer de la souffrance: critiques, humiliations, vexations, évictions et coups bas. De quoi faire déprimer n'importe qui. C'est un tableau bien trop désespérant et effrayant pour avoir envie d'y croire.
Cette lecture m'a quand même rappelé que dans mon hyper préféré, ne travaillent pas que des vendeuses, des caissières, des manutentionnaires et des vigiles. Se cache à l'étage toute une équipe que l'on ne voit jamais et dont la mission est d'élaborer les stratégies destinées à entuber les employés et les clients.
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Une histoire passionnante d'ambition, de sacrifices, de stratégies. du monde rude et impitoyable dans le secteur de la grande distribution, mais facilement transposable dans n'importe quel secteur d'activité.
J'ai beaucoup apprécié l'histoire de cette jeune stagiaire qui a brûlé les étapes de manière fulgurante et vécu uniquement pour sa vie professionnelle en occultant tout le reste.
C'est triste, pathétique, mais pas si loin de la réalité au final, car chacun de nous a déjà croisé ce type de personnage.
J'ai passé un bon moment de lecture.
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Critique de la société de consommation sans concession et implacable. Ce livre donne lieu à des interrogations profondes sur notre condition de consommateur, notre rapport à l'image, au travail et à la morosité de nos vies dédiées à la surconsommation et à la création de nouveaux besoins . J'ai aimé suivre le destin de cette femme pendant 20 ans, cette femme c'est madame tout le monde et personne à la fois, elle n'a aucune ambition, subit sa vie plutôt que de la vivre.

La vie d'une grande surface passée au peigne fin dans ce qu'elle a de plus cruel, de plus inhumain : la délation, les coups-bas, les mensonges, les licenciements abusifs, les menaces, les coucheries, le personnage est prêt à tout pour gravir les échelons et on va la voir évoluer et devenir cet être inhumain.

Un style percutant et vraiment efficace qui nous donne envie de nous révolter contre ce système qui casse l'humain pour le transformer en machine froide et sans empathie. Ca se passe dans la grande distribution, mais , par expérience je peux affirmer que c'est hélas comme ça dans bien des sociétés et qu'il faut une sacrée force de caractère pour ne pas accepter de se compromettre et ne pas renoncer à ses valeurs. Je l'ai d'ailleurs payé très cher puisque j'ai perdu mon emploi pour avoir refuser de mentir et de faire licencier des personnes qui n'avaient strictement rien fait.

D'ailleurs, je lance un appel je suis à la recherche d'un emploi… on ne sait jamais.

VERDICT

Un livre vraiment édifiant sur un sujet très peu abordé dans la littérature actuellement. Je le conseille à tous, car on est tous les témoins ou les victimes de ces injustices. A lire aussi pour la plume de l'auteur.
Lien : https://revezlivres.wordpres..
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Frédéric Viguier signe un premier roman implacable, glaçant et dérangeant sur l'inhumanité
de l'entreprise et l'indifférence ambitieuse. Au vide moral, affectif et intellectuel de son
héroïne, il répond d'une écriture sèche et minimaliste. D'une lucidité cruelle mais sans
cynisme, Ressources inhumaines donne à voir avec subtilité et intelligence les mécanismes de
notre société de consommation.

...Elle... "a tout compris" et elle va l'entendre au fur et a mesure qu'elle va gravir les échelons, en se en voulant se découvrir et découvrir les autres dans ce supermarché ou elle a été embauchée pour un stage a 22 ans... Elle y est encore 20 ans après....
Est-elle si naive qu'elle le laisse paraitre ? est elle si innocente ? je vous avoue que j'en doute !
Oui c'est glaçant, ca laisse a réfléchir... j'ai vraiment apprécié ce bouquin et je vous encourage a le lire. Reflet de notre société ??? Oui !
Lien : http://carnetsvie.blogspot.c..
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Après une telle lecture, on ne regardera plus le monde de la grande distribution de la même manière.
Ce livre décrit un monde où l'on grandit au détriment des autres sans remords, sans conscience, sans états d'âme.....Il en est de même pour la chute.
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Un roman sur la dépersonnalisation

Quand on commence Ressources inhumaines, de Frédéric Viguier, on pense naturellement aux scènes du Film La loi du marché de Stéphane Brizé, qui se passe dans un hypermarché, et qui a valu à Vincent Lindon la palme d'or au festival de Cannes. La façon dont une employée est mise à pied cruellement pour une raison futile y semble d'emblée assez comparable. On se dit également qu'il est bien normal que l'art s'empare de ce lieu hautement présent dans nos vies contemporaines et plutôt assez absent de la littérature jusqu'à présent, d'où le récent texte d'Annie Ernaux qui s'en saisissait également dans "Regarde les lumières mon amour".
Mais on se rend vite compte de la singularité du roman de Frédéric Viguier, qui à mon sens, dépasse l'entreprise stricte du roman réaliste, et nous parle de façon saisissante d'un sujet plus existentiel: la vacuité volontaire d'un personnage qui décide de se laisser porter par la vie et ses opportunités. Il est beaucoup question de poches qui se remplissent, dans ce livre, comme si "elle" (car l'héroïne n'a pas de nom...) n'était qu'une poche vide qui cherche à se remplir.
N'allez pourtant pas prendre pour une simplette cette petite stagiaire ravissante, qui n'hésite pas à recourir à la "promotion canapé" pour grimper fissa les échelons du magasin en donnant à tous l'impression "d'avoir tout compris", alors qu'elle n'obéit qu'à ses instincts - comme une sorte de prédatrice naïve, marionnette dérisoire de notre civilisation fondée sur les apparences. En fin de chapitre, des pensées du personnage en italiques apportent un point de vue distancé sur ce qu'elle ressent, beaucoup plus complexe que ce que les autres en perçoivent.
La jolie armure de protection de notre héroïne anonyme, qui se croyait invincible, se fissure donc quand elle rencontre "lui", "l'autre", un personnage masculin qui est un peu son antithèse, aussi humain qu'elle se refuse à l'être. "Il est bien connu que les contraires s'attirent", comme elle le dirait sans doute, elle qui aime tant s'exprimer par dictons: mais le rapprochement dangereux risque bien de faire exploser tout un système.
Le style sec de Frédéric Viguier a quelque-chose d'implacable, à l'image des verbes au futur qu'il aime utiliser, rares dans un roman, et qui annoncent, comme dans une tragédie, ce qui va arriver, en romancier super-omniscient. Ce surplomb troublant de l'écrivain par rapport à son personnage fait penser à celui des cadres sur les employés de l'hypermarché depuis la coursive... Et au dessus de la coursive, "il n'y a rien"...
Bref, j'ai beaucoup aimé la complexité de ce roman qui nous parle du vide d'aujourd'hui de façon glaçante, mais pas de façon simpliste.
Lien : http://effleurer.une.ombre.o..
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