Adieu, m'a-t-elle dit, meurs sage et vis fou.
Je déteste les histoires d'amour que les lecteurs d'aujourd'hui exigent encore des romans.
Peut-être est-ce cela la littérature : inventer une vie qui pourrait fort bien être la nôtre, inventer un double.
La littérature, me suis-je dit, est assaillie, comme elle ne l'a jamais été jusqu'à présent, par le mal de Montano, qui est une dangereuse maladie de carte de géographie assez complexe, puisqu'elle est composée des provinces ou des régions maléfiques les plus diverses et les plus variées ; l'une d'elles, la plus visible et peut-être la plus peuplée, en tout cas, la plus mondaine et la plus niaise, assaille la littérature depuis qu'écrire des romans est devenu le sport favori d'un nombre de gens frisant l'infini ; il est difficile pour un dilettante de construire des bâtiments ou de fabriquer au pied levé des bicyclettes sans avoir acquis une compétence spécifique ; pourtant, tout le monde, se sent capable d'écrire un roman sans avoir jamais appris ne serait-ce que les rudiments du métier, et il se trouve aussi que la vertigineuse augmentation du nombre de ces écrivains a fini par porter grièvement préjudice aux lecteurs, plongés désormais dans une terrible confusion.
Maintenir un certain lien avec ceux qui nous ont précédés a toujours fait partie de notre condition humaine. Se souvenir des morts est quelque chose qui nous distingue de l'animalité.
Je peux à présent tranquillement dire qu'entre la vie et les livres, j'opte pour ces derniers qui m'aident à la comprendre. La littérature m'a toujours permis de comprendre la vie. Mais c'est précisément la raison pour laquelle elle me laisse en dehors d'elle. Je le dis sérieusement ; c'est très bien ainsi.
Mon destin serait la solitude , la drogue , la violence et le suicide ...
Ecrire, c'est comme se droguer, on commence par pur plaisir et on finit par organiser sa vie comme les drogués en faisant tout tourner autour de son vice.
La littérature nous permet de comprendre la vie... Elle nous parle de ce qu'elle peut être, mais aussi de ce qu'elle a pu être.
Songeur, j'ai regardé la lune, écouté la rumeur de la mer, pensé combien on pense peu de nos jours. L'inculture, me suis-je dit, étouffe la pensée.
Un salut de l’esprit lié au salut de la littérature que je juge indispensable pour pouvoir attendre le jour où on trouvera la façon infaillible de disparaître de ce monde et de le faire définitivement.
Permettez-moi de vous dire que, depuis toujours, la littérature réelle, la vraie, s'est développée sereinement jusqu'à en devenir durable. Celle des maîtres des taupes de Pico, en revanche, n'est qu'apparence, parce qu'elle est pratiquée par des animaux qui se font passer pour des écrivains, leur littérature avance au galop en se frayant un passage au milieu du bruit et des cris de ceux qui la pratiquent et présente tous les ans des milliards d'oeuvres sur le marché, bien qu'au fil des années, on se demande où elles sont et ce qu'il est advenu de leur renommée si rapide et si bruyante ; il s'agit donc d'une littérature éphémère, à la différence de la vraie, qui est permanente, même si par les temps qui courent, la vraie doit faire de plus en plus d'efforts pour résister aux attaques des maîtres des taupes.