Actuellement, la complication et la variation qu’ont atteint les processus de transformation, enclenchés surtout par le renouvellement incessant des innovations technologiques, demandent un saut de paradigme. En d’autres termes, nous devons interroger tout ce qui arrive et se déploie en ayant recours à une pluralité d’outils théoriques qui ne sont pas uniquement interdisciplinaires, mais qui doivent réussir à dégager, à travers une analyse attentive du langage, la nature des nouveaux dispositifs. Il s’agit de dispositifs non seulement de pouvoir au sens foucauldien du terme, mais encore de communication, de gouvernement des corps, des passions et du territoire comme expression créative du vivre quotidien. En ce sens, comme de nombreux chercheurs l’ont déjà remarqué, on ne peut pas réduire le territoire à sa cartographie.
Dans un texte de Gilles Deleuze intitulé Instincts et institutions, les institutions – le plan des institutions – sont esquissées comme des espaces matériels où se produisent non seulement des relations sociales dynamiques et mutantes, mais aussi comme de véritables domaines intensifs où les affects exercent un rôle prioritaire. Or, ces espaces, souvent évacués trop rapidement par une interprétation phénoménologique qui tend essentiellement à exalter la dimension virtuelle, constituent le défi puissant et complexe des mutations qui secouent le plus notre époque.
La ville, les métropoles, comme nous sommes encore habitués à les considérer sous de nombreux aspects, ont en réalité profondément muté. Une fois modifiés les fonctions ainsi que les scénarios qui constituaient le cadre du pacte précédent entre le citoyen et la polis, nous nous trouvons dorénavant dans une sorte de zone frontière, d’espace en devenir où d’anciens interstices mettent en évidence de remarquables formes de résistance à côté de changements profonds qui ont modifié la façon d’être du citadin et du quotidien urbain.
Le rapport qui se réalise entre les corps, les procès de subjectivation et les techniques d’expérimentation du contrôle est inhérent à un plan, le plan du territoire, qui doit être compris comme un ensemble de relations coextensives aux corps mêmes, à leurs besoins, au vivre quotidien, en définitive à leur expression même. Corps et territoire partagent une condition particulière, à savoir la disparition, la dématérialisation de la réalité qui les caractérisent.
Maintenant, puisque la dimension périphérique concerne l’habiter et le vivre quotidien, c’est vers cela que nous devons tourner un regard transformé, en pensant que la ségrégation des corps, l’affaiblissement de la puissance émotionnelle s’incarnent dans le collapsus des projets alors que ces derniers peuvent et doivent être réactivés non comme élément décoratif de ce qui existe déjà mais comme événement capable de penser le territoire de façon radicale.