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Citations sur Grand paradis (6)

[...] ... "Le premier juillet 1887, à la suite d'un refroidissement, [Léontine] fut prise d'un mal de gorge et commença à ressentir de la raideur dans le cou. Le lendemain matin, elle était devenue aphone. [...] Le médecin de sa famille l'envoya consulter à La Salpêtrière, et elle entra dans le service de Monsieur le Professeur Charcot au mois de septembre 1887. [...] On remarqua alors que l'on pouvait, par la pression sur les globes oculaires, la mettre dans l'état désigné sous le nom de "petit hypnotisme." Dans cet état, on pouvait, par suggestion, [...] la faire parler à haute voix ; mais l'aphonie revenait au bout de quelques heures."

Je presse de mes pouces mes yeux dans leurs orbites, jusqu'au rouge. Ca ne m'hypnotise pas. Ca me fait mal. Ca aide à monter l'idée stupide des larmes. ... [...]
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Et survint ma première vision.

Elle entre dans la boutique, je n'ai pas la moindre idée de comment peut se présenter un studio de photographie à l'époque, mais elle entre, avec un adulte sans doute, sa mère ou son père, ou peut-être les deux, pourquoi pas, ses frères, ses sœurs, jamais il ne m'était venu à l'esprit qu'il puisse y avoir d'autres enfants dans la famille, mais maintenant, 72, rue des Fonderies, j'imagine des ribambelles de Lenoir se pressant, bousculant la toute petite fille en bottines, allons viens, la tirant par le bras, dépêche-toi, la soulevant de terre, ne touche pas ta robe avec tes mains sales, tu feras bien ce que le monsieur te dira, tu souriras et tu ne bougeras pas, tu vas tenir cette fleur-là, cet œillet rose, c'est une belle chose que cette fleur, tu aimes les fleurs, hein, serre-la contre toi comme on te le demande, ne prends pas cet air ahuri, Léontine, regarde ta mère, regarde le monsieur, n'aie pas peur, Léontine, je te dis d'arrêter d'avoir peur, toujours cette inquiétude, derrière toi, tapie, ah, tais-toi Léontine, tu me fatigues avec ta peur, avec ta souffrance.

J'aurais voulu en rester là.
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[...] ... [La troisième photo] était vraiment différente des autres. Plus grande. Le papier, lui non plus, n'était pas le même : ni cartonné, ni glacé. On aurait dit la page frottée d'un vieux livre, lisse et usée. Le portrait en lui-même, deux fois plus haut, deux fois plus large que celui de la Petite Moi, s'étalait au beau milieu de la page. De mes doigts écartés, Dieu sait pourquoi j'ai commencé à mesurer l'ensemble. Quinze centimètres sur vingt-trois. A peu près.

Coupée sous les seins par le cadrage serré, Léontine, c'était écrit et même imprimé en toutes lettres, Léontine L., me faisait face sans me regarder tout à fait. C'était une jeune adulte à présent. Ses cheveux, un peu plus foncés, un peu moins bouclés, étaient retenus en un chignon serré dont seule une mèche vrillait au-dessus de l'oreille. J'ai reconnu la bouche, petite, bien dessinée, qui avait gagné en maturité ce qu'elle avait perdu en stupeur. Léontine L. portait une veste noire, à moins qu'il ne se soit agi d'une robe d'hiver, austère, boutonnée jusqu'au cou et dont on ne distinguait plus ni les plis ni les ombres, avalés par le papier.

Léontine me regardait, mais ne me regardait pas. J'ai pensé à ma grand-mère Marthe qui, presque jamais, ne m'a regardée en face. ... [...]
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Et puis, il aurait existé une explication à l’écart, que je sentais réel, entre les autres et moi. J’étais différente, c’était une chose indiscutable. Sans doute, tous les enfants, à un moment de leur vie, se croient seuls de leur espèce. Pour moi, le moment c’était bien longuement étiré.
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Jamais je n'avais essayé d'imaginer un métier à Léontine. Couturière ? Jamais de la vie. Ni couturière, ni princesse, ni danseuse, ni quoi que ce soit. Pas de métier. Elle était mon arrière-grand-mère et je n'avais pas pensé plus loin. Son emploi était de m'attendre, depuis des années, cachée sans bouger dans une enveloppe. Les ancêtres n'ont pas de chair, pas de sentiments. Ils n'ont pas de vie. Ni aujourd'hui, puisqu'ils sont morts, ni même jamais. C'est ce que j'avais cru.
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Un dimanche, nous l’avions trouvée en bigoudis, les ongles faits, couchée de tout son long devant son fourneau bien astiqué. Marthe avait mis de la musique, une petite musique aigrelette, pour s’envoler dans la cuisine.
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