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Critique de candlemas


La poésie de François Villon est, paraît-il difficile à aborder, du fait de la langue et du contexte bien particulier dans lequel il écrit. En outre, bien qu'il ait été reconnu, dès après sa mort (notamment grâce à Clément Marot), comme le plus grand poète françois de son temps, ses oeuvres ont été rapidement dispersées et altérées... comme pressées de suivre la déchéance de leur auteur.
Il me faut donc rendre hommage au travail de compilation de l'éditeur JC Latès, qui m'a permis de lire ces oeuvres complètes. Par ailleurs, la langue n'a pas été un obstacle car je m'étois familiarisé, juste avant, à la lecture du vieux françois dans le Roman de Renart et chez Rabelais, entre lesquels François Villon prend chronologiquement place.
Quant au contexte, il s'agit de la France de Charles VII, royaume exsangue, affaiblie par la guerre civile des armagnacs et des bourguignons et encore à moitié occupée par l'anglois à la naissance de ... François.
Il fallait s'appeler Jeanne d'Arc, en de tels temps, pour entendre les voix qui allaient mener le pays à se redresser et à retrouver son unité et son identité. le clerc, poète et malandrin François, lui, fait les quatre cent coups dans le Paris étudiant, vole et se bat, échappe de peu au gibet, et disparaît à 32 ans, sans doute usé par les excès et dans le dénuement. Disons le, le "pauvre Villon" qui demande qu"on s'apitoie sur son sort, aurait fort bien pu trancher la gorge à son lecteur au détour d'une venelle.
Derrière la légende du poète maudit qui nous a été transmise par ses successeurs du XIXème siècle (Baudelaire, Nerval, Th. de Banville...), c'est donc un homme de son temps qu'il faut s'attendre à découvrir dans ses poèmes : on n'y trouve pas les fêtes galantes de Verlaine, mais les ballades de pendus. Ses vers en évoquent parfois d'autres, moins distrayants pour l'homme...
La souffrance, la cruauté des hommes et la mort sont partout présents en cette fin de Guerre de cent ans, et il faut toute la gouaille et l'ironie mordante d'un Villon pour écrire de beaux vers en des temps si durs. En cela, Villon est le petit frère de Gargantua et lointain cousin du goupil. Il traite avec cynisme et double sens sa vie, sa mort, ses emmerdes...
Mais, s'il se laisse porter par ces échos d'un autre temps, le lecteur confortable du XXIème siècle peut pourtant en ressentir toute la force et l'esprit de liberté : pas toujours gai, il est avant tout libre, comme Ferré et Brassens l'ont bien chanté.
Villon, pour cela est donc aussi incroyablement moderne. Ses références médiévales aux danses macabres, et d'autres qui nous échappent souvent, nous connectent à d'autres temps, mais lui, au ban de cette société où l'individu n'est encore que peu valorisé, nous confie sans détours ce qu'il est, ses états d'âme, avec un lyrisme digne des romantiques plusieurs siècles plus tard.
Volontiers sombre, cru, cassant les codes de l'amour courtois, il joue les bouffons, choque par ses débauches, puis se montre triste et grave, raille et émeut à la fois.
Non, décidément, ni la langue ni les allusions à ses amis de beuveries, qui nous échappent, ne sont un obstacle : la poésie de François Villon traverse le temps et nous touche, parce que, dépourvue de tout jugement moral ou esthétique, elle dévoile en tout liberté l'être qu'il fut, celui que nous sommes, dans toutes ses ambiguïtés.

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