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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'auteur, économiste fraîchement diplômé part en 1985 au Kampuchea avec une ONG médicale française, la seule autorisée dans ce pays. le Cambodge a subi la dictature des Khmers rouges de 1975 à 1979, puis a été « libéré » par les Vietnamiens, qui l'ont occupé jusqu'en 1990. le Vietnam est aussi une dictature communiste, mais moins sanguinaire que celle de Pol Pot. Philippe Vinard nous partage les deux années passées dans ce pays. A son arrivée, il se reconstruit très lentement, il est toujours en guerre, même si on voit peu de soldats dans les rues, les Khmers rouges continuent leur guérilla près des frontières avec la Thaïlande. le régime est tatillon, hyperbureaucratique et peu efficace. Il faut demander une autorisation pour n'importe quelle sortie, les quelque Occidentaux sont toujours accompagnés de leur guide, chargé à la fois de les aider et de les surveiller. La corruption règne à tous les niveaux et le plus étonnant, c'est que l'argent des ONG coule à flot, les organisations étant en concurrence sur tous les projets, car il y a bien plus d'argent que de projets autorisés par cette administration kafkaïenne. C'est très prestigieux d'obtenir une réalisation. Les Occidentaux vivent dans un ancien palace, ils n'ont pas le droit de louer un appartement, ni de rendre visite aux habitants.

Il y a aussi de nombreux coopérants des Pays frères, autrement dit des pays de l'Est, qui vivent aussi en huis clos dans leurs ambassades, les ressortissants des deux blocs ne se croisent que lors des nombreuses cérémonies organisées par le pouvoir. Philippe se liera avec très peu d'entre eux, c'est très mal vu. Les ressortissants de l'Est ont une vision très négative de ce pays, qui relève du Tiers-Monde pour eux.

Le livre se découpe en de nombreux chapitres, chacun consacré à un problème précis ou le plus souvent à une personne rencontrée lors de cette mission. Philippe a réussi à se lier avec quelques habitants, qui lui demandent toujours de nombreux cadeaux. Il nous parlent aussi de ses collègues, comme Swen, un Suédois qui travaille, pour l'Unicef mais déteste les enfants en secret. Il y a toujours de l'émotion dans ces portraits. En outre ce livre est vraiment très intéressant en nous parlant d'un pays et d'une époque que l'on a largement oubliés. C'est un témoignage exceptionnel de cette période marquée par la paranoïa des autorités. Mais au bout des deux ans, l'Etat reprend nettement du poil de la bête et devient encore plus omniprésent. Les Occidentaux doivent cohabiter en vase clos et de ce fait entretenir de bonnes relations, au moins en apparence, mais c'est bien pire pour les Cambodgiens car la plupart des dirigeants sont des Khmers rouges qui ont changé de camp juste à temps lors de l'avancée des Vietnamiens. Beaucoup rêvent d'exil, mais il est quasiment impossible de sortir du pays.

J'ai beaucoup aimé ce récit original, un grand merci à Netgalley et aux Editions Yovana pour ce partenariat

#Lsdk #NetGalleyFrance !
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Je remercie NetGalley et les éditions Yovana pour l'envoi de ce livre de Philippe Vinard, Les Sirènes de Kampuchéa, une série de récits très imprégnés du vécu de l'auteur au Cambodge dans les années 1985-1987, deux ans au cours desquels il fut l'un des cinq humanitaires français autorisés à résider au Kampuchéa.
Cette lecture est pour moi l'occasion de me plonger dans une période historique que je ne connais pas du tout ; j'ignorais que le Cambodge s'était appelé un temps, entre 1979 et 1989, la République populaire du Kampuchéa… C'est dire mon ignorance en la matière…

Le narrateur nous raconte à la première personne le quotidien d'une société marquée par la guérilla des Khmers rouges, par les absurdités d'un régime communiste bancal et par le poids de l'occupation vietnamienne. Il témoigne à la fois de la vie en huis clos dans le cercle bien-pensant des expatriés et de l'énergie déployée par les populations pour survivre à travers des tranches de vie romancées mais directement inspirées de faits et de personnages réels.
Tout de suite, on est frappé par la bureaucratie tatillonne, le flou administratif généralisé qui servent pourtant de cadre à l'action humanitaire. Si j'ai pu sourire devant l'ensemble des petits systèmes d'et arrangements mis en oeuvre, les fameux « rendez-vous par hasard », le « pouch » (sorte de valise diplomatique)… , j'ai été révoltée par les pertes de temps et de moyens dans une organisation qui peut prendre un marteau pilon pour écraser une mouche et laisser pourrir des situations dramatiques. L'auteur nous dépeint le Kampuchéa comme une sorte de Far West « où l'on pouvait s'enrichir vite et dilapider son argent sale », dans des relents de colonisation.

Les nouvelles insistent cependant toujours sur l'humain, les motivations avouées ou non des uns et des autres ; l'auteur se dévoile jusque dans son intimité à une « époque où l'homosexualité était aussi mal vue par les deux tendances communistes que par les humanitaires ».
J'ai apprécié sa tonalité d'autodérision, son analyse ironique et lucide des évènements, son décryptage des lois du marché humanitaire et de la langue de bois autour de « la sublime cristallisation de la réalité », « le volontarisme fébrile et brouillon » et les divers crêpages de chignons tous plus improductifs les uns que les autres. On le sent vraiment prisonnier d'un système mais désireux de bien faire, plein de bonne volonté et d'idéal, perdu dans des rouages qu'il ne maîtrise pas : « mon aide était donc soit chère et méconnue, soit économique mais clandestine ».
Comment faire de l'humanitaire en n'ayant que des contacts professionnels avec les autochtones ? En effet, pour les cambodgiens, recevoir des étrangers chez eux pouvait gravement les compromettre vis à vis du régime. Comment agir efficacement quand on ne peut pas sortir de Phnom Penh, quand la délivrance des autorisations pour se développer en province prend un temps fou, au bout d'une procédure longue et compliquée ? On nage en plein délire quand « chacun peut faire ce qu'il ne sait pas faire », quand les rivalités entre coopérants sont exacerbées…

L'écriture est fluide, facile à lire ; même s'il y a une progression dans l'ordre des nouvelles, une ouverture, le développement d'une réflexion, il n'y a pas vraiment de montée en puissance. Philippe Vinard a le ton de révéler une ambiance, par touches successives et imbriquées ; ainsi, certains personnages sont récurrents, d'autres disparaissent puis reviennent là où on ne les attendait pas. C'est assez photographique, détaillé, vivant et théâtral à la fois. Dans le dernier récit, il raconte avec pudeur son affection pour le peuple cambodgien, s'inventant une famille de coeur, se demandant ce qu'elle deviendra après son départ.
Naturellement, je me suis interrogée sur le titre de ce recueil, sur la nature des sirènes… La présentation du livres en parle en ces termes : « au Kampuchéa, on le découvre bien vite, la traditionnelle Sirène Dorée du palais royal cohabite avec les sirènes communistes des lendemains qui chantent, avec leurs cousines capitalistes qui attirent la population vers la société de consommation, et bien sûr avec la sirène hurlante qui sonne les alertes ».
Les sirènes sont aussi les femmes et les hommes qui évoluent dans cette étrange société, celles que le personnage de médecin général convoite et poursuit de ses assiduités par exemple, ceux dont le narrateur voudrait se rapprocher... Les protagonistes de ce livre vivent dans un vrai désert relationnel, toujours entre eux, sous surveillance, censurés, et les occasions de rencontrer l'amour sont rares, voire inexistantes.

Ce livre interroge sur les ambiguïtés de l'aide humanitaire et ces questionnements me paraissent toujours d'actualité. Quand Philippe Vinard parle du « cirque quotidien de l'aide humanitaire au Cambodge », de son rôle de bon samaritain mal défini dans un pays non reconnu pris dans une guerre fratricide, il nous place devant les répétitions de l'Histoire quand elle « bégaie » ou « radote » et surtout ne tire pas les leçons du passé.
J'ai apprécié la portée didactique des Sirènes de Kampuchéa ; j'aime quand un livre me pousse à faire quelques recherches personnelles, à prendre un atlas sous les yeux, à me renseigner sur un pan d'histoire.
Cette lecture est une excellente surprise.

#Lsdk #NetGalleyFrance
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Philippe Vinard nous relate son expérience de travailleur humanitaire au Kampuchéa, nom donné au Cambodge à l'arrivée des Khmers rouges, nom qui perdurera après leur chute causée par une invasion vietnamienne et l'occupation qui en découlera. Or cette expérience est particulièrement privilégiée pour rendre compte de cette situation, puisque l'auteur fait partie des rares travailleurs humanitaires qui ont pu accéder au pays au moment de sa « reconstruction » – en effet, comme son récit le montre au fur et à mesure, l'on est bien loin d'un vrai retour à la démocratie espérée après les massacres perpétués.

A travers ce récit, l'auteur nous fait part des rencontres diverses et variées qui ont eu lieu au fil de sa mission humanitaire, rencontres qui lui ont davantage apporté que ses rares sorties de l'hôtel. Tous les étrangers y ont en effet été plus ou moins mis en rétention pour qu'ils évitent de se rendre compte que le pays n'a finalement que peu changé entre les deux régimes sus-cités. Peine perdue, les informations vont quand même circuler par l'intermédiaire de ces rencontres, donnant lieu à des descriptions truculentes de situations aberrantes, racontées ou vécues par des personnages hauts en couleur, tout aussi sympathiquement décrits par l'auteur.

Les sirènes du Kampuchéa est une lecture que j'ai trouvé très intéressante, en ce qu'elle permet de prendre conscience de toute l'ambiguïté du travail humanitaire, entre expérience humainement enrichissante et situation politiquement complexe à gérer.

Je remercie Netgalley et les éditions Yovana de m'avoir permis de découvrir ce récit.
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Après les Khmers Rouges place aux ONG et à la reconstruction du pays. L'auteur, un des cinq humanitaires français autorisé à travailler sur place va rester deux ans pour tenter d'améliorer la situation et le sort des habitants. Témoignage tardif (1985-1987) mais qu'on suppose applicable à bien des missions d'aujourd'hui. J'ai aimé les petites histoires que Philippe Vinard raconte avec verve et ironie. Rencontres entre celui qui plein de bonne volonté tente de recoller les morceaux et quelques cambodgiens, fonctionnaires, militaires, guide ou personnel médical, rencontres avec des humanitaires aussi dont les agissements peuvent être surprenants. Dans un pays communiste, pas encore pacifié et occupé par les vietnamiens les trafics et les combines sont une manière d'avancer et de s'en sortir mieux. Que peut un seul homme ? L'auteur nous fait partager ses joies, son enthousiasme et aussi ses désenchantements. Un livre à lire pour savoir comment fonctionne les opérations humanitaires.
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