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EAN : 9782923830575
250 pages
Annika Parance Éditeur (08/06/2017)
3.9/5   5 notes
Résumé :
ll y a Marie, une jeune peintre marginale qui part sans cesse à la recherche de son père inconnu.
Il y a sa mère manipulatrice et menteuse.
Il y a Norman, légendaire ingénieur du son au coeur épuisé par la coke et le manque d'amour.
Il y a Laura, voyageuse solitaire et insaisissable.
Il y a Paris, Tunis, Los Angeles et une maison de banlieue, où ce petit monde erre, fuit, se reconnaît ou se sépare, confiant à la musique et aux long-courri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
D'un point de vue commercial, Cardinal Song de Vincent Giudicelli constitue un curieux exemple du cosmopolitisme qui semble caractériser la génération X, qui a grandi avec la soif de voyage des baby boomers sans pour autant hériter de l'insécurité financière qui a accueilli l'entrée sur le marché du travail la génération Y, couramment honnie dans le monde anglophone sous le nom de millennials. En effet, certains lecteurs se demanderont à quel public s'adresse ce roman arborant un titre anglophone, imprimé à Montréal par un auteur au nom de famille italien que l'on identifie pourtant sans peine au personnage du narrateur — bien que le discours de ce dernier, dépourvu de la moindre trace d'italianisme, soit ponctué d'expressions fortement hexagonales telles que putain, mec, bled et clope.

En dépit de ma familiarité avec la France métropolitaine, je n'ai pu m'empêcher de songer que le recours prononcé à un vocabulaire teinté d'argot parisien peut rendre la lecture de ce roman difficilement accessible à un public montréalais, ce qui a soulevé en retour la question de sa diffusion. Cardinal Song s'adresse-t-il surtout à la communauté de plus en plus large de Français installés sur le territoire québécois ou vise-t-elle directement un public français avide de récits de voyage? Parviendra-t-il à atteindre un public montréalais qui s'étonnera peut-être de ne voir aucune référence à sa réalité culturelle dans ce livre qui n'en intègre pas moins le patrimoine de la littérature québécoise?

Plutôt que d'y voir une erreur de marketing, je suis tentée de lier les conditions matérielles de production et de diffusion de ce roman à une nouvelle tendance en littérature contemporaine qui s'opposerait diamétralement à ce qu'un célèbre critique français du nom de Dominique Viart a appelé le « récit de filiation ». Cette étiquette générique regroupe un grand nombre de récits mettant en scène une quête généalogique au terme de laquelle de nombreux romanciers contemporains se lancent à la recherche de leurs origines. Au Québec, l'exemple des Murailles d'Erika Soucy publié chez VLB éditeur illustre ce phénomène en documentant le quotidien du père de la narratrice, suite au séjour sur la Côte-Nord, au chantier de la Romaine de l'auteure avec l'autorisation de son propre père.

À première vue, Cardinal Song pourrait très bien s'insérer dans cette vague, puisque l'intrigue de ce roman est précisément le récit d'une filiation. Marie, la copine du narrateur, qui n'est jamais explicitement nommé, souffre de ne pas connaître l'identité de son père. Après un voyage initial à Tunis auprès d'une mère avec laquelle elle entretient des relations difficiles, Marie abandonne le narrateur pour tenter de retrouver son père absent à Hanoï. Elle le retrouve finalement à Las Vegas, occupé à peindre en dix minutes le portrait des passants d'un hôtel de luxe à thématique italienne. Marie s'aperçoit alors que les employeurs de son père, Daniele Vimercati, ont affublé ce dernier du nom de Michele, censé rappeler Michel-Ange (Michelangelo). En l'observant de loin à son poste de travail, elle saigne du nez et ne l'aborde pas. Après l'avoir arrachée in extremis à une tentative de suicide, le narrateur se met également à suivre ce père absent et ne l'aborde pas non plus. Il conclut :

"Cette nuit-là, en suivant à la place de Marie l'homme le plus important de sa vie, je me suis senti arrivé au bout de quelque chose. Je me suis senti entier. Complet. Résolu. Comme un problème de maths qu'on ne pourrait plus déconstruire. Je ne me suis pas senti remplacer son père ou quelque chose dans le genre. Mais en la sauvant, je me suis senti être celui par qui elle continuerait d'exister. On venait de créer notre propre lignée" (p. 235–236).

Il n'est sans doute pas anodin que les parents de ce narrateur soient pratiquement absents de ce récit, lequel ne nous apprend pratiquement qu'une seule chose sur leur compte : ils sont morts dans un accident de la route. Il n'est pas non plus anodin que le seul autre personnage important du roman, Norman Klee, soit un Anglophone installé à Paris dont les origines, irlandaises ou écossaises, soient volontairement maintenues dans le flou.

Publié en 2017, à une époque où l'on s'inquiétait de plus en plus souvent de la montée du nationalisme qui caractériserait des événements aussi hétéroclites que le Brexit, l'élection de Donald Trump ou l'arrivée au premier tour du Front National aux dernière élections présidentielles françaises, le récit de Vincent Giudicelli appartient peut-être à une génération de jeunes auteurs qui ont hâte d'en finir avec la quête des origines. Il pourrait être intéressant de comparer cette oeuvre avec Errance de Mattia Scarpulla, également parue chez Annika Parence en 2020. Ce roman aborde des thématiques similaires à celui de Vincent Giudicelli, en se positionnant lui aussi en faveur de la mobilité, davantage que du côté de l'enracinement et de la remontée imaginaire vers un pays où le rapport à la langue et à la culture natales seraient réputés plus faciles, car plus naturels.
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Tombée sur ce roman un peu par hasard et c'est franchement très bon. C'est rock, cultivé, drôle, émouvant, prenant....Dommage qu'on parle davantage de la tonne de romans insignifiants qui sortent au lieu de défendre des auteurs novateurs comme celui là, qui à mon avis mérite vraiment qu'on s'y attarde. Evidemment, ce livre ne plaira pas à ceux qui ne se sont jamais posés de questions et qui vivent leur vie sur des rails. Ici, c'est un hymne à la liberté d'esprit, d'agir, d'aimer et on ressort de la lecture avec un souffle nouveau.
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Vous êtes de ceux qui ne savent toujours pas ce qu'ils font sur cette foutue planète ? Qui errent de conquête en conquête, migrent d'un job pourri à l'autre et écument les soirées sans intérêt dans le seul but de tenter d'oublier leur triste sort une poignée de secondes aussi fugaces que salutaires ? le roman de Vincent Giudicelli, Cardinal Song, devrait vous parler.


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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
P.195
J’étais dans le jardin de notre maison, c’était un matin d’octobre,
un ciel de plomb qui attendait le soir pour se déchirer
d’automne. Je refaisais les volets et tu n’appelais
plus. Tu avais acheté une bouteille de Bombay Sapphire, tes yeux brillaient sous l’emprise des phares passant sur North Indian Canyon
Drive, des sécrétions salées perlaient sur tes joues. De retour
dans la chambre du motel, tu buvais glacé. Le goût du kérosène
au fond de ta gorge, tu respirais à la paille sur un coin
de table, tu soufflais les métaux lourds des Marlboro rouges.
Bientôt, comme tu rassemblais tes affaires en vitesse, faisais
ton sac, quittais la chambre, redémarrais, tu ne sentais plus
tes nerfs. C’était presque beau, te disais-tu, de voir comme ils
pouvaient se passer de toi. Et tandis que tu conduisais direction
Vegas pour retrouver ton père, je me souviens d’avoir un
instant espéré que lui aussi était mort.
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P.141
Les cailloux blancs et la cellophane d’un paquet de clopes craquent sous la pression de sa carte de crédit. En deux secondes, le petit tas de poudre blanche a pris la forme de deux épaisses lignes. Norman appelle ça du braille pour narines. Il me jette un coup d’oeil.
— T’es sûr ? T’en veux pas ?
— Non, non, ça va.
— Ou je t’en fais juste une, alors ?
— Ouais, tu m’en fais une. Juste une seule.
Ma phrase le fait rire.
— Quoi, tu ne me crois pas ? Une seule, ça me suffira, je te
dis.
— Non, non. Faut toujours en prendre deux. C’est plus
prudent.
— Tu trouves ça prudent, toi, de prendre de la coke par
quarante degrés après avoir passé deux jours à picoler ?
— C’est ce qu’on lit sur les autoroutes françaises, sur la
bande d’arrêt d’urgence. Tu sais ? Pour les distances entre
deux voitures. Un trait : danger. Deux traits : sécurité. Alors
soyons de bons citoyens et respectons le Code de la route.
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P.60
Ce fut à l’écoute de ses longs silences que je sus qu’elle
m’appelait de Tunis. J’entendais au travers du combiné la
mer, le vent siffler, remonter de la falaise et couvrir la voix
de Marie. Elle s’arrêtait au milieu de ses phrases, la respiration
coupée, comme asphyxiée par les milliards de particules
de la nuit. J’ai regardé l’heure. Quatre heures trente-trois.
Vingt-deux heures trente-trois en Tunisie. La conversation était confuse. Marie butait sur les mots et rarement je l’avais entendue bégayer ainsi, rejeter de sa gorge autant de désordre, serrant les poings sur chacune de ses phrases, sa
mâchoire tendue, raide, tremblotante, je la sentais vaciller,
ne sachant plus quoi faire d’elle-même, seule sur la promenade
de La Marsa, seule face à la masse sombre de la mer,
ses hanches appuyées au garde-corps de la corniche, le dos
courbé.
— Pourquoi es-tu à Tunis, Marie ?
— Je reviens. Je reviens.
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