Le nom de Luisa Adele Rosa Maria von Amann ne vous dit peut-être rien, celui de Marquise Casati Stampa di Soncino peut-être pas beaucoup plus. Pourtant, celle qui fut surnommée La
Casati était, à son époque, connue de toutes et de tous. Muse et mécène richissime, son existence est marquée par une excentricité et une volonté de tout expérimenter. Lady Gaga vous étonne avec ses tenues extrêmes ? le Neverland Ranch de
Michael Jackson vous fait soupirer de dépit ? Les poches sans fond de Nasser Al-Khelaifi vous agacent ? Attendez-vous à être surpris, il y a cent ans, La
Casati avait déjà tout essayé et même bien plus.
Étonnamment, si Luisa
Casati est, dit-on, une des femmes les plus portraiturées de l'Histoire – la légende parle de plus de cent peintures la représentant -, il existe très peu de témoignages écrits sur sa personne. Un de ses amants, le grand écrivain
Gabriele d'Annunzio, l'a bien chantée dans des vers, mais, évidemment, sans y laisser beaucoup d'informations biographiques utilisables ! Mêlant le réel au probable,
Vanna Vinci (Lillian Browne, Aïda) a construit son récit en amalgamant une multitude d'entretiens avec les acteurs de cette destinée plus grande que nature. Cette technique donne à la narration un cachet unique. En effet, au fil des situations, les personnages stoppent fréquemment le déroulement des scènes pour préciser tel ou tel point en s'adressant directement au lecteur. Si cette approche surprend au début, elle convainc sur la longueur et donne même à cette chronique du passé une certaine modernité de ton.
Graphiquement, la dessinatrice se pose en digne héritière du grand
Hugo Pratt. Tant l'approche à l'aquarelle que les petits décalages dans la mise en scène générés par les « à propos » des protagonistes rappellent le style du créateur de
Corto Maltese. Et c'est sans compter que la Marquise en elle-même aurait très bien pu se retrouver aux côtés de Raspoutine sans déparer le moins du monde. Néanmoins, Vinci démontre une identité propre, particulièrement grâce à un trait parfaitement posé. Quoique dense par moments, les pages restent toujours élégantes à défaut d'être facilement lisibles. Pour emballer le tout, le très beau travail éditorial de la part de Dargaud (album grand format, joli papier crème) offre un écrin à la hauteur de l'élégance de l'héroïne.
Après le remarquable
Kiki de Montparnasse, la Belle Époque et les Années Folles continuent à révéler des personnalités hors du commun.
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