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Citations sur Cookie monster (12)

En vingt-quatre ans d'existence, Dixie Mae s'était souvent demandé s'il existait rage plus intense que la brume écarlate qui lui apparaissait lorsqu'elle cassait des choses. Jusqu'à aujourd'hui, elle ne l'avait jamais su. Mais, oui, il existait bien quelque chose qui transcendait la rage de berserker. Elle ne balaya pas le terminal de la table, elle ne cassa la gueule à personne. Elle resta avachie un instant, se sentit complètement vidée.
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Page 11
Dixie Mae n’avait jamais travaillé dans un service client ; jusqu’à ce qu’elle passe le teste du Pr Reich, la semaine précédente, son job le mieux payé avait consisté à faire griller des hamburgers. Bien sûr, comme tout un chacun, elle avait souvent été la victime des services clients. Elle achetait un livre neuf, ou une jolie robe, et celle-ci était trop petite, et le dos de celui-là se cassait ; lorsqu’elle contactait le service client, on ne répondait pas à sa requête sauf avec des phrases préenregistrées, ou alors on cherchait à lui vendre un autre truc – quand bien même la pub affirmait que la priorité de la boîte était d’aider ses clients.

LotsaTech semblait résolue à changer tout cela. Ses patrons avaient compris que pour venir en aide à une clientèle humaine, mieux valait un personnel humain. Aussi embauchaient-ils des centaines et des centaines de personnes comme Dixie Mae.
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Il y a pas mal de choses qu’on peut déduire… une fois acceptée la prémisse délirante de la chose.
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Ils sortirent par une porte de service. Il y avait là un distributeur de confiseries et de boissons non alcoolisées. Victor s’approvisionna « pour l’expédition » et ils descendirent la colline.
« Fait chaud, dit Victor en mâchonnant une barre chocolatée.
– Ouais. » Le début de la semaine avait été typique de juin. Mais les nuages s’étaient enfuis, laissant le ciel dégagé – soudain, Dixie Mae prit conscience du confort que leur apportait la climatisation dans les locaux de LotsaTech. Son bon sens n’avait pas encore touché la pédale de frein, mais ça ne tarderait pas.
Victor fit passer sa barre chocolatée avec une canette de Dr. Fizz, qu’il jeta derrière l’un des lauriers-roses bordant l’allée. « Alors, à ton avis, qui t’a envoyé ce billet doux ? Hein ?
– Je n’en sais rien, Victor ! Sinon, je ne mettrais pas mon emploi en danger pour le découvrir. »
L’autre s’esclaffa. « T’inquiète pas pour ça, Dixie Mae. Hé ! Ça n’aurait jamais duré jusqu’à la fin de l’été. » Il la gratifia de son sourire supérieur d’homme bien informé.
« Tu es un imbécile, Victor. Un service client qui fonctionne bien, ça va rapporter des milliards.
– Oh ! peut-être… si on est du bon côté du manche. » Il marqua une pause, comme pour réfléchir à ce qu’il allait lui dire. « Mais dans ton cas… écoute : ce genre de truc coûte du fric. Il y a belle lurette que le public a fait savoir ce qu’il était prêt à payer. » Nouvelle pause, comme s’il cherchait à formuler un argument qu’elle soit en mesure de comprendre. « Et même si tu as raison, ta conception du projet n’est pas la bonne. Tu sais pourquoi ? »
Dixie Mae ne répondit pas. Il allait sûrement évoquer le médiocre niveau des employés recrutés pour ledit projet.
Et comme elle l’avait prévu : « Je vais te dire pourquoi. Et c’est cette cerise sur le gâteau qui va faire tout le prix de mes articles pour Bruin. Peut-être que les dirigeants de LotsaTech sont dans le camp du bien. Ce serait surprenant, vu la branlée qu’ils ont mise à Microsoft. Mais peut-être qu’ils se sont laissé entraîner par leur idéalisme. Hé ! Mais si leur projet est à long terme, ils n’ont pas choisi le bon personnel. »
Dixie Mae garda son calme. « On a passé tout un tas de tests psycho. Tu crois que le professeur Reich ne sait pas ce qu’il fait ?
– Oh ! bien au contraire, rassure-toi. Mais suppose que LotsaTech n’exploite pas ses résultats. Regarde-nous. Certains parmi nous – ton serviteur, pour n’en nommer qu’un – sont totalement surqualifiés. Je suis en train de finir mon master en journalisme ; il est clair que je ne ferai pas de vieux os ici. Puis il y a des gens comme Don et Ulysse. Ils ont le niveau d’éducation correspondant au service client, mais ils sont trop futés. D’accord, Ulysse a décidé de se défoncer afin qu’on reconnaisse ses compétences et son ardeur au travail. Mais je te parierais qu’elle ne tiendra pas un été. Quant aux autres… eh bien, je peux parler franchement ? »
Ce qui lui épargna une baffe, c’était le fait que Dixie Mae ne pouvait être furieuse que contre une chose à la fois. « Mais je t’en prie, Victor.
– Tu affiches les mêmes objectifs qu’Ulysse – mais je suis sûr que ton test multiphasique montre que tu es aussi stable que du fulminate de mercure. S’il n’y avait pas eu cet intéressant message signé Lusting, tu aurais tenu une semaine, mais tu serais tôt ou tard tombée sur un truc qui t’aurait orientée vers l’action directe – et tu te serais fait virer aussi sec. »
Dixie Mae feignit de méditer sur cette hypothèse. « Eh bien, oui, dit-elle. Après tout, tu seras encore là la semaine prochaine, pas vrai ? »
Il rit. « L’affaire est entendue. Mais, sérieusement, Dixie Mae, c’est à ça que je pense quand je parle du personnel. On a un groupe de gens brillants et motivés, sauf que leurs motivations partent dans tous les sens et que leur enthousiasme se dégonfle très vite. Hé ! Donc, à mon sens, la seule explication rationnelle – et ça m’étonnerait que ça marche -, c’est que LotsaTech pense que… »
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Nous autres, humains, nous ne conservons pas tout le temps à l'esprit tout ce que nous avons vu et tout ce que nous savons. nous avons derrière nous des millions d'années d'évolution durant lesquelles nous nous sommes efforcés d'ignorer presque tout et d'extraire du sens du non-sens".
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La voix d’Ulysse était sèche. « Alors, Victor, t’as découvert comment éditer les messages reçus ?
– Je suis innocent, nom de Dieu !
– Mais oui. » Ulysse sourit – éclair de dents blanches sur visage noir. Il y avait dans ces deux mots tout un monde de dédain.
Dixie Mae leva la main pour leur intimer à tous deux de faire silence. « Je… je ne sais pas. Ce message a quelque chose de très étrange. » Elle considéra l’écran durant quelques secondes. Une horrible boule de glace grossissait dans ses tripes. Maman et papa lui avaient construit cette cabane dans l’arbre alors qu’elle avait sept ans. Dixie Mae l’adorait. Pendant deux ans, elle avait été la Tarzane de Tarzana. Mais le nom qu’elle avait donné à cette cabane – Tarzanarama – était resté son secret. Dixie Mae avait donc neuf ans quand elle avait incendié cette merveilleuse cabane. Un terrible accident. Enfin, disons plutôt un méga-caprice qui avait mal tourné. Mais jamais elle n’avait voulu embraser tout le quartier. Les flammes avaient failli dévorer leur maison. Pendant les deux années suivantes, elle avait été sage comme une image, à tel point que c’en devenait effrayant.
Ulysse scrutait le message. Elle tapota Dixie Mae sur l’épaule. « Quel que soit ton correspondant, il n’a pas l’air très aimable. »
Dixie Mae acquiesça. « Cet enfoiré presse tous mes boutons… » Y compris sa curiosité. Son père était aujourd’hui la seule personne au monde à savoir qui avait déclenché cet incendie, mais cela faisait quatre ans qu’il avait perdu sa fille de vue – et jamais il n’aurait rédigé un message dans ce style vulgaire et obsédé.
Le regard de Victor allait de l’une à l’autre ; sans doute était-il vexé qu’elles aient trouvé un autre centre d’intérêt. « Alors, ça vient de qui, à votre avis ? »
Don Williams passa la tête au-dessus d’une cloison. « Qu’est-ce qui se passe ? »
Encore quelques minutes, et tous les occupants de l’étage auraient introduit dans le box de Victor une partie de leur anatomie.
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« Alors, il te plaît, ton nouveau boulot ? »
Dixie Mae leva les yeux de son clavier et découvrit une portion de visage boutonneux qui la fixait au-dessus de la cloison de son box.
« C’est mieux que de faire griller des hamburgers », répondit-elle.
Victor fit un petit bond, se rendant visible jusqu’au menton. « Tu crois ? Ça ne durera pas éternellement. »
En fait, Dixie Mae était du même avis. Mais un poste au service client de Lotsa Tech, c’était un vrai boulot, un premier pas dans l’organigramme de la plus grande entreprise high-tech du monde. « Lâche-moi un peu, Victor ! C’est notre premier jour. » Sans compter les six jours de formation aux produits de l’entreprise, bien sûr. « Si tu n’arrives pas à supporter ça, c’est que tu as la force de concentration d’un criquet.
– C’est un signe d’intelligence, Dixie Mae. Je suis assez futé pour écarter ce qui ne mérite pas l’attention d’un esprit créatif de premier ordre. »
Grr. « Alors ton esprit créatif de premier ordre aura pété les plombs avant la fin de l’été. »
Rictus de Victor. « Bien vu. » Il réfléchit une seconde, puis reprit sur un ton plus posé : « Mais tu comprends… euh… j’ai pris ce job afin d’avoir de la doc pour ma chronique dans Bruin. Je vois ça d’ici : des manchettes genre « Les nouveaux esclaves » ou « Mourir d’ennui au boulot ». J’hésite encore entre la veine purement comique et le commentaire social. Quoi qu’il en soit… » Il baissa la voix d’une octave. « J’ai l’intention de me casser… heu… au plus tard à la fin de la semaine prochaine, de façon à minimiser les dommages cérébraux que me vaudra cette expérience sordide.
– Et tu ne chercheras pas vraiment à aider les clients, hein, Victor ? Uniquement à leur raconter des bobards hilarants ? »
Les sourcils de Victor se soulevèrent. « Je compte me montrer sérieux et pédagogue dans l’assistanat… pendant un ou deux jours tout au moins. » Un sourire sournois déforma ses lèvres. « C’est juste avant de partir que je me transformerai en Salaud d’Assistant venu de l’Enfer. »
Normal… Dixie Mae se retourna vers son clavier. « Okay, Victor. En attendant, laisse-moi faire le boulot pour lequel on me paie, d’accord ? »
Silence. Un silence furieux et vexé ? Non, plutôt le silence salace du mec qui vous déshabille du regard. Mais Dixie Mae garda les yeux rivés à son clavier. Elle pouvait tolérer ce genre de silence tant que l’obsédé était hors de portée.
Au bout d’un temps, on entendit Victor s’affaler sur son siège dans le box voisin.
Ce cher Victor lui cassait les pieds depuis le début. C’était un beau parleur qui, s’il était d’humeur à cela, pouvait expliquer les choses mieux que personne. Mais en même temps, il ne cessait de la ramener sur ses études et de dénigrer ce qu’il appelait leur boulot pourri. Mr. Johnson – le formateur chargé de les familiariser avec les produits maison – était un bon prof, mais ce petit malin de Victor n’avait cessé de le provoquer durant toute la semaine. Sûr qu’il n’avait rien à faire ici, mais pas pour les raisons qu’il évoquait en se rengorgeant.
Dixie Mae mit près d’une heure à traiter sept nouvelles requêtes. L’une d’elles lui demanda pas mal de recherches, une question vraiment bizarre sur la version norvégienne de Voxalot. Ouais, elle finirait vite par se lasser de ce boulot, mais elle se sentait vertueuse à l’idée d’aider les gens. Et grâce aux cours de Mr. Johnson, elle savait que tant que la réponse était envoyée avant l’heure de fermeture, elle pouvait passer tout l’après-midi à chercher comment le programme de reconnaissance vocale de LotsaTech identifiait les voyelles norvégiennes.
Dixie Mae n’avait jamais travaillé dans un service client ; jusqu’à ce qu’elle passe le test du Pr Reich, la semaine précédente, son job le mieux payé avait consisté à faire griller des hamburgers. Bien sûr, comme tout un chacun, elle avait souvent été la victime des services client. Elle achetait un livre neuf, ou une jolie robe, et celle-ci était trop petite, et le dos de celui-là se cassait ; lorsqu’elle contactait le service client, on ne répondait pas à sa requête, sauf avec des phrases préenregistrées, ou alors on cherchait à lui vendre un autre truc – quand bien même la pub affirmait que la priorité de la boîte était d’aider ses clients.
LotsaTech semblait résolue à changer tout cela. Ses patrons avaient compris que pour venir en aide à une clientèle humaine, mieux valait un personnel humain. Aussi embauchaient-ils des centaines et des centaines de personnes comme Dixie Mae.
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Ouais, des processus de simulation à l'intérieur d'un super-super-ordinateur. Mais si c'est vrai, alors le responsable de ce truc devrait pouvoir nous espionner bien mieux qu'un quelconque Big Brother dans le monde réel.
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[...] je suis sûr que ton test multiphasique montre que que tu es aussi stable que du fulminate de mercure.
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" Nous avons eu six jours de formation et une première journée de boulot. Nous étions si enthousiastes. Tu as raison, Ellen, on se défonce le premier jour! " Pauvre Ulysse, pauvre de moi, on croyait qu’on allait faire quelque chose de notre vie.
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