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EAN : 9791032904442
304 pages
L'Observatoire (06/03/2019)
4.14/5   35 notes
Résumé :
Les flammes des torchères de l'industrie pétrochimique brûlent dans les ciels immenses aux couleurs de peintres, les ocres de la Sainte-Victoire se distinguent au lointain.
De la fenêtre de son immeuble surplombant l'étang de Berre, Jessica passe ses journées à guetter les poissons, prête à alerter son grand-père Joseph et son vieil acolyte Emile qui tendent leurs filets de pêcheurs d'une rive à l'autre du chenal pour y prendre les bancs de muges.
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Trois jours que je me demande ce que je peux vous dire sur cette histoire, que je cherche les mots pour vous exprimer mon ressenti : une tragédie dans laquelle on se sent bien.

Le décor pourrait être beau, il est sinistre malgré les touristes l'été. le climat pourrait être agréable, il est extrême entre le soleil et le vent. Les personnages sont tous cabossés par la vie : Jessica à la limite de la normalité, Sébastien mal-aimé, Antoine et Dylan orphelins, élevés par leur grand-père Emile qui fait ce qu'il peut, Ahmed et sa leucémie, Joseph vieux pêcheur incontinent qui perd la parole, les vieilles tantes gitanes qui se prostituent, etc...Une comédie humaine remise au goût du jour.

L'Auteure plante le décor et ses personnages tranquillement, ses mots nous clouent au sol comme le cagnard ou nous emportent comme le mistral au fur et à mesure du temps et de l'histoire.

Ces gens ne veulent pas autre chose, n'ont pas de grand rêves, ne demandent rien, ont leur petite vie, leurs petits rituels et acceptent les coups du sort avec cette espèce de résilience naturelle qui fait de nous, lecteurs, des insatisfaits chroniques et malheureux. Leur secret ? Ils font avec.

C'est beau et tragique. Une belle leçon de vie sur la simplicité, un oeil vif et bienveillant sur notre société, sur la misère sociale à notre époque. Merci Sigolène.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Entre l'étang de Berre et les usines pétrochimiques vit une étrange petite communauté.
Jessica vit dans un immeuble avec son fils de 5 ans. Elle surveille de la fenêtre les bans de poissons et lorsqu'ils arrivent, alerte son grand-père, Joseph, toujours au cabanon avec son ami Emile
Il y a aussi Antoine et Dylan, les petits-fils d'Emile,
Ahmed, le compagnon de Jessica, et quelques autres.
Tout semble intemporel, ça se passe pourtant actuellement ;
Les lieux semblent anciens, le mode de vie des personnages aussi.
J'avoue avoir eu un peu de mal à entrer dans l'histoire, à m'intéresser aux muges. Et puis, petit à petit, je me suis laissé prendre au piège et attendrir par cette mini société originale.
De plus c'est très bien écrit, le style est agréable et au final je ne regrette absolument pas ma lecture malgré l'ambiance sombre qui règne autour de tous ces êtres soudés par une grande tendresse.
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Je m'attendais à beaucoup de choses de la part de Sigolène. A être déstabilisée. A devoir faire fonctionner mes méninges. A recevoir la face noire du monde. A vibrer aussi. Ce roman, je l'ai vue en gribouiller des bribes, sur un coin de table, un après-midi de salon du livre de Boulogne-Billancourt, cachée derrière une pile d'exemplaires du précédent, Les Jouisseurs. Elle le pensait âpre, peut-être même violent. Oui, je m'attendais à beaucoup de choses. Mais pas à ça. Pas à cette plénitude, cette chaleur, cette tendresse. Pas à cette sensation d'avoir entre les mains un roman aussi accompli qu'un classique. Un roman dans lequel on se sent bien, happé par le décor, par la bande des personnages qui l'habitent, par la lumière qui caresse les bâtiments, par les embruns qui salent les peaux.

Dans ce roman, l'auteure prend son temps. Celui d'installer ses personnages, de faire visiter les lieux, d'en raconter l'histoire, la complexité. Car il faut bien aller au-delà des raccourcis. L'étang de Berre. Synonyme d'usines, de fumées, de paysages défigurés. Pas question de les occulter, elles sont bien là. Dans la ligne d'horizon de Jessica qui, depuis la fenêtre de son appartement surveille les bancs de poissons tandis que près du chenal, son grand-père, Joseph attend son signal pour tendre les filets au bon moment avec Emile, son acolyte de toujours. Dans la ligne de mire d'Antoine et Dylan, les petits-fils d'Emile, tandis qu'ils trainent de l'étang à la plage. Dans la vie d'Ahmed, petit ami de Jessica et ingénieur à l'usine pétrochimique. Elles sont là, en pleine nature, au plus près des corps et des vies.

L'étang de Berre. C'est donc lui le personnage principal. Lui qui retient comme un aimant ceux qui vivent dans sa proximité. Lui qui abrite les bancs de muges dont on fait la poutargue avec les poches d'oeufs des femelles. Il y a ceux de l'étang, et les autres. Il y a des générations manquantes, des gamins élevés par leurs grands-parents, des trous à combler. Il y a ce curieux mélange des origines du peuplement, le communisme et les mathématiques, moteurs de l'industrialisation. Peu à peu, en cercles concentriques, le petit monde de l'étang de Berre s'anime, sous le regard tendre de l'auteure. Les bans de muges tentent de se frayer un chemin vers la mer, les mouches brouillent la vue, les peaux grattent, les cigales cassent les oreilles, les odeurs heurtent les narines... Il y a de la chaleur et du désoeuvrement. Des questions sans fin. Sur comment c'était avant. Sur comment ç'aurait été si... Sur la filiation, les attaches qui pèsent et leur manque qui détruit. Ou libère. Ils font ce qu'ils peuvent, tous. Ils sont surtout profondément humains.

Dans ce roman, les corps parlent, de façon souvent crûe, dans leur vérité naturelle, livrés aux éléments. Roman naturaliste ? Peut-être. En partie. Les sciences naturelles ne sont jamais loin. Les arts non plus. Mourir dans un musée, écrasé par une statue, ce n'est sûrement pas anodin. Les livres deviennent des messages codés. Les chats s'appellent Aristote. Il y a une histoire, bien sûr. Des drames. Des vies bouleversées. Mais on voudrait surtout ne plus jamais quitter cet endroit.

Un roman charnel, social, naturaliste... Pourquoi tenter de le ranger dans une case ? L'auteure réussit l'exploit de livrer un roman dense, complexe et pourtant limpide, fluide, lumineux. Qui parle au coeur, au corps et à la tête. Qui se vit autant qu'il se lit. Un merveilleux roman dont je suis sortie époustouflée.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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D'une région dramatiquement marquée par la pollution de l'eau et de l'air, Sigolène Vinson fait un roman attachant. Dans un décor magnifique et monstrueux, elle place Jessica, jeune femme indécise, et son petit garçon Sébastien, qu'elle regarde à peine. Son père Joseph, privé de parole et Emile, son ami , grand père de deux orphelins: Antoine 12 ans et surdoué, et Dylan, 8 ans petit clown triste. Et puis Ahmed, l'ingénieur dans une usine , et bien d'autres... Une épouvantable tragédie fera tout basculer, et l'équilibre de ces existences en sera à jamais perturbé. Un roman qui fait réfléchir aux conséquences de l'industrialisation sur les sites, et à la fragilité de l'humain face à la maladie, à la mort, à la disparition.
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Sigolène, un prénom peu commun. Sigolène Vinson, une auteure abordée pour la première fois à Nancy en Septembre 2017. J'avais été impressionnée par son regard franc ombré d'une pointe de tristesse, mais très vite illuminé par les rayons de son sourire. Elle m'avait dédicacé "Courir après les ombres", j'avais acheté "Le caillou" plus tard. Les deux romans attendent toujours sur mes étagères. Mais cette année, elle était à la Comédie du livre à Montpellier et je l'ai revue, j'ai retrouvé ses yeux et son sourire mais surtout… j'ai rencontré "Maritima", son dernier roman. Un comble pour qui a peur de l'eau… je m'y suis noyée avec délice.

"L'étang de Berre, qui en rêve ?", ce n'est pas moi qui le dis mais l'auteure dans la dédicace de mon exemplaire. Certes, je l'avoue, je n'avais jamais pensé à une telle destination de vacances. Ce lieu était pour moi synonyme d'usines pétrochimiques, thermiques, de fumées et, j'ose le dire, plutôt de laideur… et pourtant, l'auteure le souligne à merveille, il est aussi un endroit de mer et de garrigue : "Au-delà du viaduc autoroutier, les usines et la mer. Au-delà de l'étang de Berre, la montagne Sainte-Victoire et la garrigue." Et puis il y a ses muges – inlassablement surveillés par Jessica postée à sa fenêtre armée d'une paire de jumelles – et son "caviar martégal", la poutargue, ce mets fort prisé.

A la fois politique, sociologique (il est classé dans la collection littérature/sciences humaines), voire touristique, le roman oscille entre l'eau et l'industrie, le rose pâle et un camaïeu de gris, la tristesse, de grands malheurs et quelques petits bonheurs. Il ne se raconte pas, il se vit, à petits pas, en retenant son souffle comme vivent les personnages, Jessica, Sébastien, Ahmed, Antoine, Dylan, Emile, Joseph… Cabossés par la vie, ils possèdent tous un côté attachant, de celui qui donne envie de les prendre dans nos bras, de les aimer, de les consoler. Drôles parfois, souvent tristes, ils mènent la plupart du temps une vie de galère sans pour autant rêver d'autres choses.
J'ai aimé l'écriture de Sigolène Vinson vraiment belle, de ces écritures qui sans chercher à en mettre plein la vue, parviennent par leur élégance, leur fluidité, leur naturel, à faire pousser les plus belles fleurs sur un tas de fumier. "Le mistral de décembre balayait les papiers gras dans les rues de la cité, tous ces déchets échappés des sacs poubelles éventrés par les mouettes et les goélands qui avaient oublié qu'ils étaient mangeurs de poissons, chassait les nuages et la pluie, rendait à la vue ce qui avait été caché, la Sainte-Victoire et les couleurs des peintres."

Et last but not least, je me suis régalée des leçons sur les muges et des extraits de livres érudits trouvés par Antoine dans la boîte à livres, véritables respirations, sans compter les expressions locales dont je suis friande.

Un magnifique roman, superbement écrit.

Lien : https://memo-emoi.fr
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Revenus des plages, les habitants de la cité avaient conservé leur désinvolture du bord de mer, ils avançaient au milieu de la chaussée au lieu de marcher sur les trottoirs. Elle vit passer Antoine et Dylan. Les deux frères avaient revêtu une chemisette jaune poussin par-dessus leur maillot de bain. Leur peau était encore plus brune que quelques heures auparavant, de la couleur du cuir de leurs sandalettes. Ils auraient été beaux, surtout le plus grand, s’ils n’avaient pas eu cette frange rase. Dylan avait une main dans son slip. Il se grattait ; Antoine lui donnait une tape sur le bras pour qu’il cesse. Elle se demanda si elle les aimait et conclut que oui. Qu’ils n’aient pas de parents l’impressionnait. Expulsés d’un fouillis autre qu’un ventre, nés d’une sortie de route, désincarcérés d’une voiture en feu, Jessica les considérait comme dépourvus d’hérédité et se persuadait que c’était là leur chance. Au moment où elle les regardait disparaître à l’angle de la rue, le médecin, un homme d’une cinquantaine d’années, sortit de la salle de soins. Il raccompagnait une vieille dame à la porte, une amie de Joseph et Émile, Huguette, militante communiste, agrégée de mathématiques, ancienne professeure au lycée Langevin. Le communisme et les mathématiques étaient deux caractéristiques de la cité depuis l’implantation des toutes premières industries au début du XXe siècle. Il avait fallu, pour faire tourner les usines, des ouvriers et des ingénieurs. Et par le communisme et les mathématiques mêlés, les fils d’ouvriers étaient devenus ingénieurs et, même si c’était plus rare, les fils d’ingénieurs, ouvriers. Lorsqu’elle était à sa fenêtre et que son regard embrassait les usines et l’étang, Jessica se surprenait à comparer le patrimoine génétique dont elle avait hérité, et qui dégageait quand même une sacrée odeur de poisson, à celui des hydrocarbures. Elle aboutissait toujours à la conclusion que les successions des gens de la pétrochimie empestaient bien plus fort. Sans compter qu’ils s’accompagnaient du legs d’un ou deux cancers, ce qu’un régime riche en oméga-3 permettait d’éviter.
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Au bout de leur canne à pêche, la main sur le moulinet, ils avaient tous la même gueule triste et ahurie, se demandant ce qui pouvait bien les pousser à ferrer le poisson là, au milieu des ordures et des rejets chimiques, sur un quai recouvert d'une couche blanche de calcium.
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Qu'ils n'aient pas de parents l'impressionnait. Expulsés d'un fouillis autre qu'un ventre, nés d'une sortie de route, désincarcérés d'une voiture en feu, Jessica les considérait comme dépourvus d'hérédité et se persuadait que c'était là leur chance.
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On pouvait être à ce point malheureux ou heureux, qu'on serrait fort les autres, objets de nos passions, jusqu'à ne plus pouvoir s'extirper de la situation.
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En face, le conduit sur le toit du cabanon crachait une fumée marron. Qui était en train de se réchauffer et au bois de quelle essence affreuse ? Était-ce seulement le vent qui retenait les gens au foyer?
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