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Quelle barbe, mes aïeux, quelle barbe ! Autant j'ai aimé L'Iliade et L'Odyssée, autant j'ai détesté L'Énéide. Il me faut pourtant, dès à présent, reconnaître un gros, un très gros, un immense avantage à cette oeuvre : pour quelques euros, voire aucun — car il traîne un peu partout dans les boîtes à livres —, vous pouvez acquérir un véritable remède contre l'insomnie, garanti efficace et sans accoutumance !

Oh ! l'odieux pensum que voilà ! Bon diou qué misère, peuchère, qué misère ! M'est tombé des mains au moins 7272 fois et j'ai arrêté de compter ensuite. Ça fait un an que j'y suis à me farcir cette purge, et elle m'en a fait baver ! Vous voulez mes impressions de lecture ? Ça va aller vite, croyez-moi, en deux mots, je dirais : CHIENLIT ABSOLUE.

Dans l'Iliade, dans l'Odyssée, on sentait le souffle mythique, on sentait l'apport de la tradition, une volonté étiologique, et tout et tout. Ici, on sent le vide, l'absence d'inspiration, la commande à plein nez, la volonté de légitimation d'une bande d'arrivistes qui se prennent pour des dieux. Je trouve ça nullissime, de la resucée de quatrième catégorie à visée bassement politique.

C'est à peu près aussi intéressant à mes yeux qu'une hagiographie d'Elon Musk, Jeff Bezos et Mark Zuckerberg réunis pour nous expliquer combien tous ceux-là sont de grands, de bons, de visionnaires dirigeants. Essayez à toute force de faire entrer un cube dans une boîte de conserve trop étroite et vous aurez le vibrant contenu de cette auto-justification, auto-proclamation de filiation divine pour le peuple romain.

Virgile est allé nous ressortir un quatorzième couteau de la Guerre de Troie, tellement marquant dans l'Iliade que je ne l'avais même pas retenu, et essaie très maladroitement de nous copier/coller le destin des héros principaux des mythes grecs pour nous expliquer que Rome, en fait, c'est tout pareil, et même encore mieux que l'original, si possible.

Alors, paraît-il, en latin, soit disant que ça en jette. Moi, je veux bien, mais je ne parle pas latin tous les jours, ni bulgare, ni japonais, voire à peine swahili. Donc je m'en remets aux traductions.

Premier essai, la traduction de Maurice Rat aux éditions GF. Pffff ! Rat-le-bol. Abandon après le livre second (sur douze). Deuxième tentative, l'édition bilingue des Belles Lettres, traduit par André Bellessort, texte établi par René Durand. Un micro chouia plus digeste, mais globalement la même farine. Au forceps, je suis allée au bout et j'en sors épuisée, écoeurée, énervée.

Je regardais de temps en temps en vis-à-vis le texte latin avec ce que je connais de latin. Dans les notes, le gars s'extasiait sur le texte, trouvait tout génial, là où moi je ne lisais que platitude et douloureux ennui. Bon, notre spécialiste reconnaît tout de même que par endroit, si l'auteur avait pu relire son manuscrit, il aurait changé deux ou trois trucs. Virgile lui-même, sentant sa fin toute proche, aurait demandé qu'on le brûle — le manuscrit, pas lui — preuve sans doute de l'excellence de l'ensemble, mais je n'insiste pas…

Alors, cahin-caha, Énée se barre du champ de bataille de Troie, avec son fiston et le paternel sur les épaules. On laisse bobonne se faire rôtir, bien entendu. Il chemine avec quelques potes, très vaillants, jugez-en puisqu'ils se tirent dare-dare au moment où les Grecs pénètrent dans leur ville.

Bref, Énée qui est né de Vénus, arrive bon an mal an jusqu'à Carthage où il rencontre Didon. Lui est beau, elle est belle, ils en pincent l'un pour l'autre, elle lui ouvre son coeur et son coffre, mais voilà, c'est impossible, les dieux, le destin, n'est-ce pas, vous comprenez, donc faut qu'Énée reprenne la mer. Amère, la Didon lui dit « Dis donc ? Avec tout ce que je t'ai filé ? T'es pas gêné, quand même, saloupiaud ! » Bon, elle est furax et elle se sent un peu la Didon de la farce. donc, auto-trucidation, donc ressentiment éternel de Carthage et patati et patata…

Le vieux d'Énée, Anchise, il claque en chemin, alors l'autre, ça le chiffonne un peu, il voulait sa bénédiction. À un moment, pour être bien sûr que sa destination, que la destinée du destin lui destine, c'est bien Rome et nulle autre, il se dit qu'il irait bien faire un petit tour aux enfers, histoire d'inspirer Dante (qui accomplira l'exploit, plus d'un millénaire après, d'écrire un truc encore plus chiant que Virgile, ça fallait déjà oser relever le défi), mais surtout, qui repompe gaillardement l'épisode correspondant de l'Odyssée. Bla-bla-bla et bla-bla-bla, oui, c'est bien mon gars, faut que tu walk the line, perds pas le cap, c'est bien là, vas-y fiston, Capri c'est fini, tous les chemins mènent tes Roms, arrivé là-bas, tu pourras prendre un rhum à ma santé.

Pas contrariant, Énée écoute papa Anchise avec franchise, puis écoute maman, Vénus avec… enfin peu importe, Vénus, donc, qui lui redit la même chose, car il est un brin dur de la comprenote l'Énée de la famille, elle lui fait des pansements et une boîte à goûter, car c'est une vraiment bonne mère cette Vénus, une bellissima mama et vous, vous ne regretterez pas d'être velus…, euh, Venus, voulais-je écrire.

Okay. Et les Latins, là dedans ? Bah, ils sont cons, les Latins, ils comprennent rien. Bon, faut dire qu'en plus il y a toujours Junon qu'a méchamment pas digéré le coup de la défaite de Troie et qui lui prépare deux-trois embûches, au Énée, en appelant à la rescousse des pseudo-divinités de sixième zone, pas des stars, bien entendu, sinon elle gagnerait, la mégère apprivoisée, mais des petites célébrités locales tout de même, histoire que ça dure, dure, duuuuuuuuure longtemps, longtemps, looooooontemps cette saloperie de machin latin simili mythe.

Ce faisant, parmi d'autres tocards à la manque, y a le Turnus et tout un tas d'inconnus qui se laminent, qui se transpercent, qui s'écartèlent, qui s'étripent, qui se lamentent, qui tombent et qui se relèvent, et qui repartent pour un tour, et ça n'en finit jamais, et c'est looooooong, et c'est chiant à mourir, d'ailleurs c'est ce qu'ils font tous à la fin, pour la plupart, mourir. Énée, qu'était un brave gars et qui voulait pas de tous ces massacres, il a été obligé, vous comprénée…, euh, comprenez, voulais-je écrire, mais c'était le destin, n'est-ce pas… c'était un gentil, dans le fond, devenu dominateur par obligation, n'est-ce pas, parce que c'est les dieux qui l'ont dit, bien obligé, pas le choix, et toute la fameuse marmelade du droit divin et tutti quanti.

Bref, et de tout ça, nous, Romains, on y l'est les plus beaux, les plus forts, les plus tout, et c'était écrit, mais comme, en fait, c'était pas encore tout à fait écrit à ce moment-là, l'imperator, Auguste, il a discrètement demandé à Virgile de lui pondre ce machin, un truc qui ferait date, qui attesterait, preuves indiscutables à l'appui, que les Romains sont bien des descendants avérés des dieux grecs en personne, voire, aussi du Popocatepetl si l'Amérique avait déjà été latine à l'époque. Enfin, ce sont des gens bien, vous voyez.

Donc, un condensé de propagande antique, de bricolage mythique à visée politique, du lent, du lourd, du traînant, du pénible, du hautement dispensable où tout est faux à la virgile près. Même « nos ancêtres les Gaulois » avait quelque chose de plus authentique et véridique que ce torchon-là, sacralisé par les siècles. Personnellement, je me demande pourquoi, mais bien entendu, ce n'est là, que mon tout, tout, tout petit avis de poisson rouge, haine & ide, c'est-à-dire, pas grand-chose.

P. S. (suite aux commentaires) : Si je déteste ce livre, c'est qu'il est vicié dès le départ. Un récit mythique, au sens de mythe fondateur, c'est quelque chose de très spécial : ça vient du fond des âges, on se l'est raconté sur des générations et des générations, donc, fatalement, cela a subi nombre d'altérations et de fabulations venant combler tel trou de mémoire ou tel élément factuel pour le rendre un peu plus reluisant ou sensationnel, mais, dans l'ensemble, cela possède toujours un fond de vérité ou d'une certaine manière de pensée.

Par exemple, quand Homère nous parle des Cyclopes, cela fait référence à un fait réel et inexpliqué à l'époque de façon " logique " : la présence d'immenses crânes percés d'un seul orifice en Sicile. Personne ne sait plus d'où viennent ces crânes et ils questionnent. DONC on invente une histoire pouvant rendre compte de cette présence avérée. Bien sûr, elle est fausse car ces crânes étaient des crânes d'éléphants, du temps fort ancien où la Sicile abritait de tels animaux (ce que ces gens avaient pris pour un oeil unique étaient en fait le trou de la trompe).

Mais ce mythe avait quelque chose de fondateur, d'authentique, témoignant de croyances ayant réellement eu lieu. Même chose pour Poséidon, « l'ébranleur de terre », qui expliquait l'inexplicable quand un redoutable séisme sévissait à l'est de la Méditerranée. Même chose pour Perséphone chez Hadès la moitié de l'année, etc., etc., la liste est sans fin. En outre, ici, avec Virgile, tout est entièrement reconstruit pour les besoins de la cause défendue : tout est inventé, tout a une fonction, tout se doit d'avoir une certaine RENTABILITÉ narrative.

Et c'est ça que j'exècre, cette reconstruction ad hoc dans un but précis, qui plus est, dans le but de légitimer et donner du lustre au pouvoir en place, encore pire à mes yeux. Rien n'est authentique dans l'Énéide, tout sonne faux car, stricto sensu, tout EST faux, tout est apprêté, exactement comme les historiens du XIXème réécrivaient l'histoire des deux côtés du Rhin dans un but de propagande précis.

Bon, encore, s'il n'était que le projet littéraire, ce serait seulement détestable, mais, dans le fond, pourquoi pas. Malheureusement, en plus d'être trompeur et manipulatoire, cette fiction est également d'un ennui mortel à lire, d'où le caractère tranché et univoque de cet avis.
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Excellent souvenir de mes études latines, l'Enéide de Virgile est tout à la fois une magnifique source littéraire, historique et "Rome antique".
Mythique épopée d'Enée depuis Troie jusqu'au Latium en passant par la Carthage de la divine Didon, l'Enéide nous transporte par ses vers enchanteurs dans des contrées antiques dignes d'Homère. L'amour, le combat, la tragédie, toute situation est poussée à son paroxysme pour coincer chaque personnage dans ses derniers retranchements physiques et psychologiques. Une merveille littéraire donc qui, comme bon nombre d'oeuvres antiques, brille par un style inimitable et des thèmes immuables.
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L'Enéide est une épopée se composant de douze chants. Elle relate les sept années pendant lesquelles le héros, Énée, va surmonter différents obstacles afin d'honorer la mission des dieux : fonder la nouvelle Troie. En effet, Troie, patrie d'Énée, a été détruite. Il fuit cette dernière. Mais Junon, qui lui voue une haine incommensurable, va lui mener la vie dure comme l'indique l'entrée en matière :


"Je chante les combats du héros prédestiné qui fuyant
les rivages de Troie aborda le premier en Italie, près de Lavinium ;
longtemps il fut malmené sur terre et sur mer
par les dieux puissants, à cause de la cruelle Junon, à la rancoeur tenace ;
il endura aussi bien des maux à la guerre, avant de fonder sa ville
et d'introduire ses dieux au Latium, le berceau de la race latine,
des Albains nos pères et de Rome aux altières murailles."


Je ne résume pas l'histoire, on la connaît ! Mais quand on pense que Virgile voulait détruire le manuscrit... Il eut été dommage de priver ainsi des générations d'un des plus beaux poèmes épiques de la littérature. Quel bel hommage à Homère à qui il empruntera le sujet !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Je n'ai jamais eu envie de lire Virgile. Il est fort probable que je n'aurais jamais lu L'Enéide si je n'avais pas lu Lavinia d'Ursula le Guin avant. Ah ! le pouvoir de la SFFF qui donne envie de lire les sources mythologiques ^_^

Un petit conseil : évitez les versions disponibles du domaine public, c'est illisible. Heureusement, BazaR a mentionné dans un commentaire la dernière traduction de Paul Veyne.

« Paul Veyne, fin lecteur et bon païen, a décidé de nous affranchir de la sacro-sainte "structure" du texte pour restituer la dimension épique de ce qu'il n'hésite pas à nommer dans sa magnifique préface "un film d'action". En latin, traduire en suivant servilement l'ordre des mots conduit à un abominable charabia et jamais l'Enéide n'avait été aussi belle à lire. » (F. Busnel)

Je ne vais pas refaire l'histoire mais j'ai passé un très bon moment de lecture. J'ai surtout été bleuffée par ce qu'Ursula le Guin en a fait. À quelques détails près, les deux histoires se complètent parfaitement. Quand le Chant XII s'est terminé… je me suis dit : « et la suite ? c'est déjà fini ?»

Après réflexion, il m'est impossible de vous conseiller : lequel lire en premier ?



Challenge pavés 2018 (4)
Challenge multi-défis 2018 (65)
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Que l'on soit ou non fan d'antiquité, que l'on se soit ou non vu imposer Homère et les versions latines au collège, il est bon de lire Virgile, ou du moins une bonne traduction... pour le plaisir !

Tout simplement parce qu'il est, avec Homère, le maître de l'épopée, et que les auteurs d'heroïc fantasy et de films à grand spectacle doivent encore énormément à ces maîtres antiques.

Les meilleurs auteurs modernes, à commencer par Tolkien, ne se contentent pas de faire enchaîner à leurs héros combats, aventures et magie, mais, souvent, les faiblesses de ce héros sont le principal obstacle dans leur noble quête, et ce sont elles que l'aède ou troubadour moderne met en scène.

Ainsi, même si cette littérature est aujourd'hui lue, elle garde, quand elle est bien faite, quelque chose de la poésie de ces récits antiques psalmodiés ou chantés. La magie y est relayée par la présence des dieux et, contrairement aux chansons du haut-moyen-âge parfois grossières de ce point de vue, grecs et latins ont su manier l'hyperbole avec un charme inégalé.

Le récit de l'Enéide, destiné à asseoir la légitimité mythique de Rome, est bien connue : elle associe, en les inversant, les trames de L'Iliade et de l'Odyssée, Enée errant sur les mers avant d'atteindre le Latium, puis luttant pour s'y établir. Mais il est aussi et surtout un long poème classique, en hexamètres dactyliques, aux passages superbes -même traduits-, qui parviennent encore à émouvoir à notre époque où la poésie a évoluer vers des formes totalement différentes.

En modèle classique d'épopée, l'Eneide continue aussi d'influencer le genre romanesque, notamment quand celui-ci conte le voyage initiatique du héros qui, imparfait, connaît sa descente aux enfers -plus symbolique de nos jours-, avant de remonter par ses vertus. Ces vertus, dans l'Enéide, oeuvre d propagande commandée par Auguste comme le furent les peintures de David commandées par Napoléon, sont bien sûr celles du "viril" et prosaïque peuple romain, ce qui rend l'oeuvre à la fois proche et différente des chants homériens.

Sans être un spécialiste de l'Enéide, je terminerai en disant que c'est là un récit plutôt agréable à lire, et un beau roman d'aventures, dont la forme poétique ne gâche rien, même si ma médiocrité de latiniste peu assidu ne me permettait pas de le faire n VO.. Virgile, contrairement à Homère, adresse même des clins d'oeil de connivence au lecteur... divin privilège !
Je conseille de le lire dans foulée des récits homériens, comme je le fis moi-même, et avant Tolkien.

Surtout, il me semble indéniable, que l'on apprécie ou pas ce genre un peu désuet, que Virgile et son Enéide continuent d'influencer, relayés à travers des siècles par leurs successeurs, le roman, en particulier le roman fantastique et d'aventure, tandis que la poésie s'en est éloignée, malgré quelques joyaux produits. Certain des thèmes introduits par ces récits héroïques antiques sont tellement ancrés dans notre inconscient collectif que certains auteurs de fantasy font aujourd'hui, comme M. Jourdain, du Virgile sans le savoir...





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Errance du magnanime Énée, fils de Vénus, fuyant le saccage de Troie, amours Libyennes de la reine Didon, ripailles en Sicile, retrouvailles au royaume des morts, loooongue guerre finale en Italie clôturée par une alliance et la naissance de Rome.

J'ai apprécié ce récit très visuel, le concours nautique, les mauvais coups de la petite salope de Junon!

Aidé par wikipedia et les notes de l'excellent traducteur Paul Veyne, je sais maintenant que Rome a été créée par une bande de loosers ;-)
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Auguste a "commandé" cette épopée à son grand poète officiel, Virgile.
L'empereur voulait donner aux Romains une épopée à l'instar de celles des Grecs, miraculeusement dotés de l'Iliade et l'Odyssée d'Homère. C'est tout naturellement de celles-ci que s'inspira Virgile, mais en inversant chronologiquement les modèles: l'errance d'Énée ,après la chute de Troie, a pour modèle l'Odyssée, qui raconte celle d'Ulysse retenu loin d'Itaque, après le siège de Troie, par les caprices furieux de Poséidon. L'installation finale d'Énée dans le Latium, - d'où partiront son fils Iule, puis ses descendants, Romulus et Rémus, fondateurs de Rome,- se fera au prix de guerres féroces , modelées sur les combats de l'Iliade.

Virgile n'a pas eu le temps,dit-on, de mettre la dernière main à son oeuvre.
Il voulait qu'on détruisît cette épopée savante mais imparfaite, à ses yeux. "On" n'en fit rien, fort heureusement! Car l'Eneide, pour être une oeuvre de propagande politique à la gloire du "pacificateur" ,Auguste, père des arts et des lois, une fausse épopée, une vraie "contaminatio" savante, calquée sur les illustres modèles grecs, n'en est pas moins un poème magistral et une vraie grande oeuvre.

Les chants de l'Eneide sont magnifiques, même si le personnage d'Enée, un peu fadasse, n'a ni le relief, ni l'étoffe de ces prédécesseurs grecs aux caractères si bien trempés qu'on les reconnaît à leur seule épithète. Mais il est des passages où le poète latin surpasse son illustre modèle: Ulysse n'avait osé descendre aux Enfers, il avait seulement, par une sorte de magie noire, évoqué les ombres héroïques des disparus en répandant du sang sur le sol -c'est l'épisode de la Nekuia- tout en maintenant les âmes des morts à distance respectueuse, à l'aide de l'épée...

Virgile, lui, va plus loin:dans le chant VI, il fait descendre Énée dans les lugubres couloirs, lui fait traverser l'Achéron dans la barque de Charon, rencontrer toutes les créatures infernales qui peuplent les sombres bords, avec pour guide touristique la Sibylle de Cumes et son rameau doré...Pour ce seul chant, l'Enéide vaut d'être lue avec passion...Dante s'en souviendra quand il évoquera à son tour les Enfers, faisant de Virgile, cette fois, son guide protecteur...

Juste retour des choses...
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Ne jamais avoir peur de retourner aux textes antiques!S'ils ont traversé des millénaires c'est qu'ils en valent la peine!

Même si j'ai de cuisants souvenirs d'heures passées sur une version latine au lieu de sortir...et plus cuisant encore, le retour de la copie corrigée et notée....

De retour de Rome, j'ai ressenti l'urgence de revenir à la Mythologie, à L Histoire antique.Envie de légender les tableaux et les statues ou d'illustrer le texte, ce qui revient au même. Visiter la Galerie Borghèse avec l'Enéide dans la tête...ou même le Musée étrusque de la Villa Giulia, regarder les fresques aux plafonds des palais qui nous parlent des dieux et des héros.

L'Enéide est le récit fondateur de Rome, à la suite de la chute de Troie,c'est, comme chez Homère, le combat des dieux. Venus chérit Enée, son fils, tandis que Junon le poursuit de sa vindicte. Jupiter et Neptune interviennent à leur tour, métamorphoses, nymphes et

dieux changent d'apparence . Avec l'Enéide, c'est l'Iliade et l'Odyssée et en prime l'histoire de Rome racontée sous forme de prophéties. Commande d'Auguste, cette épopée romaine et troyenne contient en germe la grandeur de Rome et De César, le nom Iule d'Ascagne y réfère.

"vous avez affronté la rage de Scylla, et ses gouffres mugissants ; vous avez vu sans pâlir l'antre affreux des Cyclopes : rappelez le courage et bannissez les sinistres terreurs...."

L'Odyssée avant l'Iliade, Enée traverse la Méditerranée,contourne la Sicile pour éviter les pièges et les périls, les allusions à l'Odyssée sont nombreuses et plaisantes. Tout un périple dans les îles grecque de Mykonos à Délos et en Crète avant d'aborder la Libye et le royaume de Didon.

Enée sous la demande de Didon, raconte la chute de Troie. Histoire d'amour inattendue.

"Te voilà donc, Enée bâtissant l'altière Carthage! Esclave d'une femme, tu décores pour elle une ville étrangère! Et ton empire et ta gloire, hélas! tu les oublies pour une femme!"

Pour Didon, Enée oublierait-il la promesse d'un royaume en Italie?

"Le pieux fils d'Anchise s'avance vers la montagne où réside Apollon, et cherche le réduit solitaire de la redoutable Sybille : antre immense , où le dieu de Délos agite l'âme de sa prêtresse d'une sainte fureur et lui découvrit l'avenir."

Sur les ordre de la Sybille, il va retrouver son père aux Enfers, dans ce lieu funeste l'Arvern..


Enfin, il aborde le Tibre

"je suis le Tibre, ce fleuve bienfaiteur que tu vois rouler à pleins bords les trésors de son onde, et porter l'abondance aux fertiles contrées qu'il arrose : le Tibre aux flots d'azur, aux rives aimées des cieux. Ici Rome cité pompeuse naîtra pour embellir mes plages et commander au monde. "

La conquête de son nouveau royaume ne sera pas aisée. de nouvelles épreuves l'attendent. les derniers livres, surtout X et XI, combats des Troyens, des Étrusques et des latins m'ont plutôt ennuyée. Difficile de se retrouver dans les innombrables guerriers. Une reine amazone se distingue ainsi que Turne, la soeur de Turnus, guerrière ou nymphe?





Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Peut-on retenir autre chose de cette Enéide que son statut d'oeuvre de commande, ainsi que le déplore Simone Weil dans L'Enracinement lorsqu'elle écrit que les vers de Virgile « sont souvent délicieux à lire, mais malgré cela, pour lui et ses pareils, il faudrait trouver un autre nom que celui de poète » car « la poésie ne se vend pas » ? Sous la demande d'Auguste, Virgile devait en effet écrire une oeuvre qui lui permettrait de promouvoir les valeurs romaines et de glorifier les exploits de la gens Julia dont le nom se rattache à Iule, le fils d'Enée, et à laquelle appartenaient Jules César et Auguste, fils adoptif et petit-neveu De César. La raison n'est toutefois pas suffisante pour retirer à Virgile son nom de poète. La commande constitue le fondement pratique et pragmatique –le prétexte peut-être- à partir duquel l'imagination, la créativité et le talent littéraire de Virgile vont pouvoir se manifester et dépasser les exigences du cahier de charge poétique : Virgile est parti d'Auguste, mais il l'a sans doute oublié pendant une bonne partie des périples d'Enée.


Il est difficile de parler de la forme de L'Enéide car, à moins de la lire en latin, elle dépend souvent des différentes traductions. Celle qui est proposée ici réussit à conserver toute la complexité des références sans alourdir ni compliquer la construction de la phrase. Elle permet également de prendre conscience de l'éclat que peut provoquer la simplicité et le dépouillement d'une phrase dans l'expression des thèmes universels de la mort, de la peur ou de l'honneur. Il n'en reste pas moins que le lecteur qui ne maîtrise pas parfaitement l'histoire et la mythologie antiques devra s'arrêter souvent pour prendre connaissance des dieux, des personnages, des lieux et des situations évoquées. Ce n'est pas nécessaire mais les différents niveaux de compréhension du texte ne peuvent surgir qu'à condition de fournir cet effort : on comprend alors comment l'exaltation du temps présent surgit brusquement dans ses rapports constants avec le passé (à travers la généalogie et la légende) et avec le futur (à travers les oracles).


Les morts et les dieux interviennent en effet souvent pour influer le cours des événements que fondent les vivants et posent de nombreuses questions sur la liberté des personnages. Les dieux savent ce qui va advenir et pourtant, eux-mêmes ne peuvent pas s'empêcher de lutter contre certaines fatalités. C'est Junon par exemple qui se justifie :


« Il ne me sera pas donné de fermer à Enée le royaume de Latinus, et les destins lui réservent immuablement Lavinie pour femme ? Soit ! mais il m'est permis de faire traîner les choses, et de mettre des retards à l'accomplissement de desseins aussi grands ; mais il m'est permis d'exterminer les peuples des deux rois ! »


De même, Evandre se lamente lorsqu'il retrouve son fils Pallas tué lors d'un combat aux côtés d'Enée. Mais cette mort était écrite, et Evandre n'en veut pas à Enée, pourtant responsable de l'embrigadement de Pallas, mais à Turnus, leur adversaire commun, car c'est à cause de lui que l'initiative de la guerre a eu lieu, Enée désirant simplement fonder une ville sur le territoire Latin et épouser la fille du roi Latinus. L'horizon lointain de tout événement semble donc déterminé, mais rien n'est assuré concernant les moyens d'y parvenir. Cette hésitation teinte toute gloire de mélancolie et rend toute mort plus insignifiante, mais en même temps, elle place la gloire et la mort comme éléments constitutifs du destin en lui-même : dans l'insignifiance généralisée, tout devient alors prétexte à postérité.


Cette ambivalence se poursuit dans la personnalité d'Enée. Si L'Enéide n'était qu'une oeuvre de commande sans originalité, Virgile aurait-il pris le risque de faire de son protagoniste, représentant de la lignée d'Auguste, un personnage souvent retiré, en proie au doute, à la peur et parfois à la faiblesse ? On peut rapprocher ces caractéristiques de la prudence et de la sagesse auxquelles voulait s'identifier Auguste, mais elles sont aussi la marque d'une littérature qui se montre déjà attentive à la réflexion personnelle et à l'expression de l'ambivalence.


L'Enéide n'est pas qu'une histoire de batailles et de conquêtes territoriales et nous aide à approcher la culture romaine antique en revivant ses légendes. On peut la lire méticuleusement et considérer que Virgile offrit cette histoire à Auguste comme Vulcain offrit à Enée le bouclier représentant la gloire de ses descendants, mais on peut aussi la lire comme la transposition personnelle des tourments d'un héros qui s'autorise parfois la faiblesse de devenir homme.
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L'Enéide de Virgile est un raccord parfait avec la mythologie grecque en même temps qu'une revanche de Troie. C'est la caution divine de l'existence de Rome ainsi qu'un livre politique exaltant sa grandeur, son histoire et ses valeurs. Là où L'Iliade chantait la colère d'Achille, l'Enéide est une quête chantant la renaissance de la cité disparue.
L'histoire succinctement : Enée, fils de Vénus, fuit, avec une poignée de troyens, sa mythique cité en flammes, à la recherche d'une terre pour édifier une nouvelle Troie, suivant la révélation de l'oracle d'Apollon, qui avait pris fait et cause pour les Troyens contre les Grecs. de son côté, la déesse Junon – soutenant les Grecs et connaissant l'avenir funeste de Carthage, qu'elle affectionne – mettra tout en oeuvre pour faire échouer Enée dans son entreprise. Comme toujours, les dieux son incapables de s'entendre !
Ironie du sort, Enée rencontrera Didon, fondatrice de Carthage – que les Romains détruiront effectivement plus tard, après trois guerres puniques qui faillirent avoir raison de l'empire –, éprise de ce héros. Abandonnée, elle se suicidera en le maudissant. L'épisode de Didon sera l'occasion d'un épique récit de la chute de Troie.
Enée accomplira aussi une descente aux enfers – comme, beaucoup plus tard, Dante, aux côtés de…Virgile : tout se tient ! – pour y découvrir sa descendance et la future gloire de Rome. Enfin, après moult péripéties et batailles, Enée sera victorieux et pourra accomplir son destin. Destin qui donnera naissance à la civilisation que l'on connait.
L'Enéide, moins « effrayant » par sa taille que ses deux ancêtres (L'Iliade et L'Odyssée), fait partie de ces textes qui nous ont façonnés. Et pour les amateurs d'heroic fantasy, disons que c'est le Seigneur des anneaux romain !
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