Elle pensait à lui, quand la douceur de l’air et le parfum des lilas versent du vague à l’âme au cœur des solitaires, quand les jeunes filles de son entourage parlaient d’amour, se confiaient leurs idylles, leurs espoirs, leurs ruptures. Réservée, secrète, elle se taisait. D’ailleurs, elle n’avait rien à raconter, sinon un rêve.
Pour elle, Loïs appartenait à un monde que n’atteignaient ni le malheur ni l’adversité.
Je ne suis pas un invalide, mes jambes sont très lionnes et mes réflexes, excellents. Je ne suis pas non plus maladroit et je suis parfaitement capable d’aller et venir tout seul. En outre, je connais tous les coins et recoins de cette maison, ce qui me facilite les choses. Certes, les escaliers me posent des problèmes ainsi que les déplacements au-dehors, mais, en général, je me débrouille assez bien…
Machinalement, comme pour y déchiffrer son avenir, Auberte s’approcha de la glace et s’y contempla quelques instants.
Svelte et gracieuse, sa silhouette possédait l’harmonie qui met en valeur n’importe quel vêtement. Son charmant visage, au teint ambré, s’auréolait de cheveux châtains et soyeux que rehaussait l’éclat velouté de ses yeux bruns.
Elle resterait donc sans espoir de récompense. Elle s’habituerait à l’idée que Loïs ne lui appartiendrait jamais, qu’elle ne connaîtrait pas son amour. Elle lui prêterait ses yeux pour lui faire oublier sa nuit, sans rien demander en échange d’autre qu’une amitié fraternelle.
La pitié est un piège qui se referme sur les cœurs sensibles. Auberte était, l’instant d’avant, décidée à partir, à fuir cet aveugle trop séduisant et cette demeure où une autre femme régnait en maîtresse.